Voici un texte de mon grand-frère Mwangou qui s'interroge sur de nombreux sujets. Je vais essayer d'y réponse en inscrivant mes réponses en rouge.
Bonjour LDM ! Il y a, je crois, une question simple que les Noirs d'Afrique aujourd'hui ne se posent pas : Pourquoi, nous avons échoué, là où les colons, souvent pas très cultivés, en tous cas pas très diplômés, avaient pu innover, imposer l'organisation ? Pourquoi tant de hauts diplômés universitaires noirs n'ont pas pu faire émerger l'innovation, l'organisation, la performance, dans la société ?
Réponse : les colons ont réussi parce qu'ils viennent de sociétés qui ont un modèle et une organisation tournés vers le profit, vers la production capitaliste, l'exploitation des ressources, vers l'imagination des solutions - une disposition d'esprit qui ne dépend pas de la grosseur du diplôme. Et l'observation montre souvent que la simplicité de mise en place de méthodes fractales conduisent au succès. On peut donc réussir en partant de peu de moyens.
Nos hauts diplômés ont obtenu des diplômes qui sont adaptés à des sociétés données. Quand ils reviennent au pays, ils entrent dans une nouvelle société et doivent adapter leur diplôme à la nouvelle réalité qui ne se réforme pas. Ils sont souvent obligés de s'adapter car la société elle ne change et eux n'ont pas toujours le pouvoir de la changer. L'innovation exige une technicité et une technologie ad hoc que nous n'avons pas mais que nos Etats peuvent acquérir. Hélas, ils refusent de le faire. Nous n'avons aucune école d'ingénieurs et aucun tissu industriel comme si ceci pouvait expliquer cela. Produire sa propre connaissance et sa propre technologie tournées vers soi, vers sa propre société. Nos dirigeants et hommes politiques préfèrent la dépendance dans ce domaine. Il n'y a qu'à voir ces hauts diplômés quand ils sont employés dans des sociétés adaptées : ils sont performants. Le diplôme nécessite un environnement adéquat à son utilisation optimale. Il faut donc préparer le "nid environnemental" pour mieux utiliser nos hauts diplômés et c'est là que nous péchons. Ceux qui ont le pouvoir de transformer notre environnement social ne le font pas.
Au gouvernement congolais actuel, il y a un certain Mouamba C., premier docteur d'Etat en économie au Congo (au moins parmi les trois premiers, Miokono, Mouamba, Badinga, etc.) premier ministre, puis suivent des cracs au cycle secondaire ayant connu tant de mérites au cycle universitaire ; ils sont légion... Des docteurs, des ingénieurs, qui entourent Sassou Nguesso... Mais pourquoi ça ne marche pas ?
Réponse : cela ne marche pas pour une raison simple : ces hommes sont bien souvent au service de leurs propres intérêts qu'à ceux du pays parce que celui qui est au sommet de l'Etat conduit cette politique de l'intérêt individuel. Non seulement, il y a la question du cadre que nous venons de soulever supra mais il y a aussi la faiblesse de la notion de "nation" ou celle d'"intérêt national" qui va avec. Si personne ne travaille vraiment pour le pays qui n'est qu'un prétexte d'enrichissement personnel, cela ne sert à rien d'avoir de grands diplômés. Il y a un décalage flagrant entre la compétence ou les compétences et l'intérêt général. Le problème de la consistance de la nation est très important pour orienter toutes les compétences vers l'atteinte d'objectifs collectifs ; ce qui n'est pas le cas au Congo. D'autre part, à quoi cela sert-il d'avoir des diplômes d'ingénieurs si nos sociétés n'ont pas la chaîne de technologie pour les utiliser de façon à faire profiter leur génie à tous ? Ils obtiennent des doctorats d'Etat mais arrivent dans des sociétés qui sont incapables de les assimiler de façon optimale. Ces gens finissent par voir la culture ambiante déteindre sur eux.
Pourquoi Mouamba n'arrive pas à donner une impulsion nouvelle à la dynamique sociale et économique au Congo? Comment peut-il se laisser ranger tout bonnement dans le coffret vieillot de la démagogie improductive avec un Mboulou, un Ndenguet, un Gondo, de piètres professeurs de collège ou instituteurs, lui qui aurait pu s'affirmer dans le milieu universitaire européen ? Comment ? C'est incompréhensible et intolérable.
Réponse : si vous avez lu ce que j'ai écrit plus haut, vous trouverez que c'est compréhensible. Et vous saisirez aussi pourquoi un homme comme Pascal Lissouba, titulaire d'une chaire de génétique en France, a échoué en tant qu'homme politique - encore faut-il ajouter que l'on a tout fait pour qu'il échoue. SI VOUS INTRODUISEZ LA PLUS HAUTE TECHNOLOGIE DANS LA SOCIETE DE L'HOMME DES CAVERNES ET QUE VOUS DEVEZ TRAVAILLER AVEC LUI DONT LA MENTALITE DOMINE LA SOCIETE, VOTRE HAUTE TECHNOLOGIE RISQUE DE NE PAS PRODUIRE LES EFFETS ESCOMPTES A MOINS DE COMMENCER PAR CHANGER L'ENVIRONNEMENT ET L'ESPRIT GLOBAL DE LA SOCIETE DE L'HOMME DES CAVERNES. Clément Mouambe a certes un doctorat d'Etat mais l'esprit qui domine dans notre pays est celui non pas du professeur de collège mais celui du chef traditionnel, l'esprit du kani.
Comment même un Nganongo et même un Itoua Bruno, de brillants élèves et qui ont mené brillamment leur cursus universitaires, se retrouvent-ils en train d'applaudir des Nianga Mbouala et autres, qui sont parvenus soi-disant au sommet, à force de drames et de scenarii en tous genres, sacrifiant leurs compétences pour constituer la haie d'honneur aux tribulations ethniques? Comment.
Réponse : c'est tout simplement à cause du "fétichisme" du pouvoir. Par fétichisme du pouvoir, j'entends l'inhibition de certaines facultés humaines par le pouvoir suprême - surtout quand ce dernier menace votre vie ou la tient en otage. Chez nous, le pouvoir est au bout du canon, une balle prête à gicler. On applaudit donc le cerveau peu élevé qui tient entre ses mains l'instrument qui peut détruire le cerveau le plus brillant. L'intelligence d'un Bruno Itoua ou d'un Nganongo sert d'abord à survivre qu'à autre chose. Chacun se rend compte que personne ne travaille vraiment pour le pays et que l'intelligence doit servir au succès personnel et à la survie dans cette jungle sociétale. On peut être ministre mais sentir que celui qui possède le pouvoir est celui qui a le pouvoir de vous prendre votre vie, c'est-à-dire, de rendre nulle, de renvoyer à néant votre grande intelligence. Dans ce sens, il vaut mieux applaudir un "Nianga Mbouala" que de recevoir une balle de son chargeur. Il faut faire en sorte que l'intelligence soit ..
Ces noms cités le sont à titre d'illustration, pour mieux comprendre le sens de la question de départ ; ceux-là étant justement aux commandes. Mais on aurait pu citer d'autres, ceux qui avaient induit le Professeur Pascal Lissouba dans l'erreur. Et justement, comment un Professeur a-t-il pu échouer aussi "brillamment", là où tout le monde avait misé sur ses compétences ? Et pourquoi, par lui-même, l'instituteur Massamba-Débat pouvait penser à l'évolution économique, et pourquoi les hauts diplômés universitaires de l'époque, l'avaient-ils entraîné dans les abysses de la médiocrité en ayant choisi de donner la priorité au bruit, sous forme d'action politique, s'écartant ainsi des options fondamentalement positives de l’instituteur-président ?
Réponse : Massambat-Débat était un nationaliste. Il se trouvait au bon endroit, celui où l'on prend les dernières décisions mais il avait une société qui n'était pas encore une VRAIE nation. IL A ECHOUE PARCE QU'IL N'A PAS PRIS LA PEINE DE CREER UNE NATION, CROYANT QUE LE SUCCES ECONOMIQUE SUFFISAIT. Il a oeuvré à donner au pays un esprit nouveau mais a buté contre ceux qui voulaient juste profiter à titre privé du système. Le professeur Pascal Lissouba a été mal entouré, lui qui a pourtant été un bon serviteur de l'esprit de Massambat-Débat comme si le diplôme n'était efficace qu'au service de la grandeur nationale qui elle ne dépend pas du diplôme mais du KIMUNTU. En effet, la prise de bonnes décisions n'a rien à voir avec le gros diplôme.
La réponse me semble se situer donc au niveau des fondamentaux de l'école.
Parmi les gens qui avaient mal réagi à la parution du livre en 1962, de l'Afrique noire est mal partie, il y a le chef d'Etat guinéen aujourd'hui. Que fait-il en Guinée ? Il mène le même combat que l'instituteur en formation, devenu militaire, président du Congo : Se faire bien voir par leur petit-fils, président de la France actuellement. C'est tout. Mais comment sommes-nous, nous Noirs d'Afrique ?
Réponse : c'est une question liée aux fondamentaux de l'école qui ne nous enseigne pas la question essentielle du KIMUNTU-BOMOTO ou comment être un être digne qui se met au service de son pays dont l'intérêt doit être supérieur à l'ambition individuelle : c'est une école à l'occidentale qui nous inocule les valeurs du maître, la culture de la dépendance, le culte de la servilité car la technicité finale qui va avec notre système éducatif est détenue par le dehors et non le dedans. Aussi, on doit aller l'achever à l'étranger pour devenir un docteur d'Etat totalement inadapté à sa propre société. L'école à occidentale fait le lit de l'individualisme pour mieux casser notre esprit traditionnel grégaire pour mieux nous soumettre.
C'est une question liée à l'école et à l'éducation qui doivent être totalement réformées pour donner une chance à la nation. IL NOUS FAUT INSTITUTIONNALISER PAR L'EDUCATION LA CULTURE DE LA NATION QUI NOUS MANQUE. Dans la société traditionnelle, l'individu était totalement immergé dans son mvila, dans son kanda, dans sa société au point où il y avait une faible propension à l'individualisme. Ce qui n'est plus hélas le cas de nos jours. Si les générations actuelles sont difficiles à transformer, on peut changer les choses pour les générations à venir. Pour cela, il faut changer le système éducatif pour produire un nouveau citoyen.
Quant à notre "instituteur", il honore la source de son pouvoir qui vient du dehors et non du dedans. Il n'honore que celui qui le maintient au sommet de l'Etat comme Hérode le Grand honorait Rome contre les Juifs de son époque. Par pur intérêt personnel. Comme son pouvoir ne dépend pas de l'intérieur, de son environnement direct, il ne le respecte pas et ne ressent aucune obligation à l'honorer. Cette situation explique plusieurs choses comme le fait que la France s'en fout de ce qu'il se passe chez nous - se contentant de voir ses propres intérêts notamment énergétiques respectés.
NE NKOSSI, NGOMBULU ZA MAKANDA,
LION DE MAKANDA,
MWAN' MINDZUMB', MBUTA MUNTU