L’affaire des 13 fourgons (qui ont coûté, selon la version officielle, plus de 400 millions de Fcfa, alors que le Trésor avait réclamé 2.313.855.000 Fcfa (plus de 2 milliards). Mais des sources parlent de 3.600.000.000 FCFA (plus de 3 milliards) destinés au transport des fonds du Trésor public commence à prendre des proportions inquiétantes. Au point qu’il n’est point exclu, si tout est bien ficelé, que quelques grosses huiles aillent retrouver les stars déjà bien au frais à la prison de «Sans Famille». A juste titre d’ailleurs, toujours est-il que l’affaire est tellement sérieuse que, selon nos investigations, ceux qui de près ou de loin ont participé à ce dossier de l’achat des fourgons pourraient à coup sûr perdre leur plumage. Au Tribunal de première instance de Libreville, où l’on ne jure plus que par le mémorable discours quarantenaire du chef de l’Etat, on piaffe d’impatience à l’idée de donner la chasse, puis de délivrer le fameux laissez-passer pour «Sans Famille» à tous les délinquants à col blanc qui ont fait du détournement massif des fonds publics leur principale activité, trahissant ainsi la confiance que le chef de l’Etat a placée en eux. Si d’ici là, la montagne n’accouche pas d’une souris, au moins trois galactiques du Trésor public devraient aller jouer au farroteur «bling-bling» derrière les hauts murs de la Prison centrale. Le vocabulaire sanitaire a fait irruption en 2007 dans l’univers de la finance mondiale qui est affectée par la crise des subprimes (lisez supraïmes), forme bancaire de la maladie de la «vache folle». Les vaches étaient nourries aux farines animales. De même, les financiers ont gorgé des ménages américains, à la solvabilité douteuse, de crédits immobiliers complexes. Comme l’encéphalite bovine spongiforme (ESB), comme l’encéphalite financière subprime(lisez subpraïmes), l’encéphalite du Trésor public du Gabon est provoquée par des pratiques tellement aberrantes que l’on se demande comment le fonctionnaire le mieux payé du Gabon s’y sent-il à son aise ? Pour revenir à la fameuse affaire des fourgons, c’est le 15 septembre 2006 que le camarade Blaise Louembe, tout influent Trésorier payeur général du Gabon, sollicite respectueusement une demande d’avis de non objection à la Direction générale des marchés publics ; demande relative à l’acquisition de 13 «véhicules blindés équipés de système de communication et de vidéosurveillance» – on se croirait à Star war - ! pour l’escorte des fonds publics. Au lieu de procéder par appel d’offres comme le commande la loi, lorsqu’un marché public dépasse les 30 millions de Fcfa, le tépégé, pour gagner du temps, contourne l’obstacle comme le prévoit également le Code des marchés publics, eu égard à la technicité du service, et attribue le marché par entente directe – la belle formule que voilà ! - à la société IN Consulting du sieur Félix Bongo, en liaison avec la société française CENTIGONE. La dépense évaluée, par le tépégé lui-même, à 2.313.855.000 Fcfa devra être entièrement couverte par les ressources propres du Trésor public. Charité bien ordonnée… Toujours est-il que cette opération, qui a connu un épilogue spectaculaire avec remise officielle, par le ministre des Finances devant le gotha du Trésor, des véhicules à chaque trésorerie provinciale sous les regards des caméras, nous emmène à faire les observations suivantes : Première observation : en agissant ainsi, le tépégé ne jette-t-il pas à terre tout le programme du Gabon avec le FMI ? L’urgence en fin d’année (la lettre à la Direction générale des marchés publics est daté du 15 septembre 2006), les informations peu fiables, y compris à destination de la presse gouvernementale, et le secret de cette opération ont fait oublier à Ya Blaise que la gendarmerie nationale sait transporter les fonds. Le problème grave que pose cette opération est prévenue dans le résumé analytique du rapport du 12 octobre 2006 « pour améliorer la transparence des finances publiques, la priorité est d’améliorer la disponibilité et la qualité de l’information budgétaire pour le public, y compris pour l’utilisation des hors budgets des recettes pétrolières. Des progrès urgents doivent être réalisés dans les domaines suivants : entre autres, rationaliser l’exécution budgétaire par la mise en place rapide du budget voté, la simplification des procédures de contrôles et son orientation vers la matérialité de la dépense et son efficacité, éviter les procédures particulières pour certaines dépenses, la préparation d’un plan de trésorerie pour réduire les délais de paiement et éviter les arriérés ». Pourquoi le Trésor public peut-il engager 2 milliards de FCFA pour des fourgons, alors que le pays a d’autres priorités ? Deuxième observation : elle porte sur la liaison entre ING Consulting et CENTIGONE. D’après l’article 6 du Code des marchés publics : «les entreprises constituant un groupement sont solidaires ou conjointes lorsque chacune d’elle est engagée pour la totalité du marché et doit pallier une éventuelle défaillance de ses partenaires». Si CENTIGONE ne peut plus fabriquer des fourgons blindés, ING Consulting ne peut le faire. Ce qui est curieux, on parle des relations professionnelles exécrables entre le tépégé et le patron de ING Consulting d’une part, cette relation tumultueuse aurait amené Félix Bongo à démissionner du Trésor public. Qu’est-ce qui a donc pu conduire au choix de son entreprise ? Est-ce à cause des relations de son entreprise avec le Coordonnateur Général des Affaires présidentielles ? Cette observation peut paraître anodine car comment une banale opération de routine de 2 milliards a pu s’ébruiter alors que de grandes opérations pétrolières sont restées dans l’omerta ? Troisième observation : elle dénonce l’existence d’une ligne budgétaire libellée «ressources propres du Trésor public». Depuis quand et avec quelles recettes on approvisionne cette dotation ? Qu’elle est l’historique des mouvements ou des types d’opérations effectuées à partir de cette dotation ? Si déjà l’achat des fourgons est réalisé avec un tel talent pour créer des fausses pistes. Quatrième observation : avec les détournements des 17 milliards avec SIEMENS, des fonds du 1er cycle des fêtes tournantes du 17 août, des fonds des générations futures, des fonds de souveraineté et de sécurité, des opérations de clôture budgétaire, et divers, ce looping des fourgons blindés montre que la bonne gouvernance commence par la bonne information. Les deux chambres du Parlement Gabonais ont un devoir sacré de contrôler la Dépense publique, voter le budget chaque année, discuter des efforts à consentir et des investissements en capital. C’est de leur volonté souveraine que la Dépense publique soit efficace et efficiente. Comment nos élus peuvent-ils accomplir ces missions régaliennes s’ils ne savent pas ce qui se passe dans nos administrations ? Certes les rapports et les audits des différents corps de contrôle ou de la Cour des Comptes fournissent des éléments précieux pour analyser l’action publique. Cette histoire des fourgons blindés nous montre qu’il n’y a aucun dispositif pour que les recommandations du FMI (énumérées plus haut) et du Président de la République soient suivies d’effets. C’est pourquoi la solution constitutionnelle est de mettre fin à ces situations pour redonner à la Justice toute sa dimension (seul le pouvoir arrête le pouvoir). Ensuite la solution politique consiste à donner à l’opposition parlementaire, la présidence de la Commission des Finances qui est détenue par un élu de la Majorité natif d’Okondja comme le ministre d’Etat aux Finances. Enfin, la solution technique doit obliger le Président de la Cour des Comptes de rédiger les rapports à la demande du Parlement et du pouvoir judiciaire. Parmi les attributs que les hommes confèrent aux sages, Aristote déclare qu’il leur appartient de mettre de l’ordre. Il appartient aux sages par excellence, poursuit Aristote, de considérer les causes suprêmes des êtres. Mieux, les vertus morales, dit Aristote, ne sont que le L’avis de non objection : mode d’emploi. Selon la loi 1140/PR/MEFBP portant Code des marchés publics, toute dépense publique dont le montant est inférieur à 30.000.000 de Fcfa peut passer par simple facture, par entente directe. En d’autres termes, l’administrateur de crédits a la latitude de passer le marché avec un opérateur économique de son choix. Sans que quiconque ne trouve à redire. Lorsque le montant d’une dépense publique est supérieur à 30.000.000 de Fcfa, l’administrateur est tenu, par la loi, de passer par appel d’offres ouvert ou restreint. C’est-à-dire, faire jouer la concurrence entre les opérateurs économiques nationaux ou étrangers. Par contre, l’avis de non objection est une disposition relative à l’article 43 du Code des marchés publics, qui permet à un administrateur de crédits d’exécuter une dépense sans être obligé de passer par la procédure d’appel d’offres ouvert ou restreint, pour les marchés dont le montant est supérieur à 30.000.000 de Fcfa. Il est utilisé pour les services de pointe, haute technologie pour lesquels il n’y a pas beaucoup de concurrence localement (quel est le concessionnaire de la place qui importe des fourgons blindés destinés au transport de fonds ?). A cet effet, les services de la Direction générale des marchés publics délivrent à l’administrateur de crédits l’accord préalable et formel qui lui permet d’engager directement, après avoir attribué le marché à un candidat pré identifié. Ce qui est à déplorer, c’est que presque tout marché public passe désormais par demande d’avis de non objection. L’administrateur de crédits décrète seul que tel entreprise choisie par ses soins est la plus qualifiée pour livrer tel matériel de pointe, et sollicite pour cela un avis de non objection. Résultat : on assiste à des dispositif préalable de la perfection contemplative de l’homme. Dans son discours du 1er/12, le chef de l’Etat a demandé à la Justice de faire son job. C’est ainsi qu’il nous est revenu que des enquêteurs seraient allés demander au tépégé de leur expliquer cette différence abyssale entre le coût annoncé publiquement de 400 millions de Fcfa pour l’achat des 13 véhicules et les 2 milliards de Fcfa que le Trésor aurait dégagés pour l’acquisition de 13 (autres ?) véhicules,comme le précise la lettre adressée par Ya Blaise au Directeur général des marchés public. Le mardi 8/1 dernier à 16 heures, le tour serait venu au gestionnaire du propriétaire de ING Consulting, de la banque UGB, de se défendre sur le dossier. Idem pour le propriétaire de ING Consulting, le 7/1. Notre reporter qui s’est déporté du côté du Trésor public prendre la version des faits de Ya Blaise, s’est vu malheureusement, prié par les cerbères de vider les lieux. Car le Patron n’a pas son temps. De cette impunité arrogante qui tue le développement de notre pays, à quoi sert donc ce programme avec le FMI ? Aux amis du Gabon et du Président de la République, retenons pour les intouchables du ministère des Finances cette sagesse de Winston Churchill au lendemain d’Al-Alamein : «Ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas le début de la fin. C’est peut-être la fin du début.» Habib Papy BOUBENDJI demandes quasi systématiques des avis de non objection. D’où la porte ouverte à toutes sortes d’abus, corruption, détournements et autres malversations… © Le Nganga N°165 du 24/01/2008 |