Etre Noir au XXI ième siècle (certains siècles ont été plus pénibles que d'autres pour l'homme noir) appelle un dépassement. Tout comme être homme car il s'agit de faire une place à autrui, au non-soi, à son semblable par la reconnaissance d'une comorphogenèse (similitude de la forme générale de l'être). Par dépassement, nous entendons un effort psychologique voire physique toujours renouvelé, toujours plus important, pour agir au-delà de ses propres intérêts personnels, pour s'élever au-dessus de sa petite personne par idéal, par amour de la vie, un humanisme, par delà l'épiderme et les origines, qui sans pardonner aux erreurs du passé (esclavagisme, colonialisme, racisme, dictature) et du présent (dictature, racisme, injustice, etc.), nous amène à considérer qu'en face de nous toute vie appelle à la dignité, à la totalité des libertés humaines, à la totalité de la jouissance des biens et des joies pures de ce monde.
Il faut dépasser sa culture, sa personne, se dépasser dans le bien car le mal en fait autant avec des moyens matériels gigantesques, tandis que le bien ne manie que des concepts : justice, démocratie, raison, égalité, équité. CE QUE LES ANCIENS AFRICAINS TRADUISAIENT PAR LE PARTAGE : quand j'offrais des présents à ma grand-mère Mbouli, elle recomposait la famille en divisant le peu que je lui donnais en autant de morceaux familiaux ! Enseigner les concepts par l'action. Christ a multiplié le pain pour enseigner le partage infini. C'est plus parlant que toute la splendeur du Sefer Yetsirah... Il y a dans cette vision du monde une puissance insoupçonnée...
Les sociétés humaines ont créé des "acteurs collectifs" pour représenter les ensembles, les organiser et les gérer parmi lesquels se trouve l'Etat censé légiférer, agir, exécuter des décisions au nom de la totalité sociale. Or le concept de "totalité sociale" est à la fois réel et virtuel, réel par les individus parqués dans dans entités géographiques, juridiques et culturelles (nations), virtuel parce qu'on ne peut appréhender "l'homme collectif" car il n'a pas d'unité de pensée, de corps, d'âme, donc reste fictif en dépit de sa réalité.
Partout, on constate que les acteurs collectifs sont des entités à part entière qui ont des intérêts plus particuliers que collectifs. A ce propos, on peut citer ce qui se passe en France avec le CPE ou Contrat Première Embauche : le peuple que l'Etat représente et pour les intérêts duquel ce dernier est censé agir n'en veut pas mais en dépit du refus et des manifestations de rue énormes, la loi a été promulguée... L'Etat comme tout acteur collectif est une organisation complexe dans ses visions, ses buts, il est manipulable et dominable au travers des hommes qui l'incarnent et l'animent. Il suffit de tenir l'Etat pour tenir un pays. Le MEDEF le fait bien...
En Afrique noire, cette réalité d'un acteur collectif totalement tenu de l'extérieur, donc extraverti, est encore plus vraie. En effet, les colons ont raccordé les anciennes sociétés colonisées au tissu de l'économie marchande capitaliste mondiale sans qu'elles aient les possibilités technologiques, rationnelles et culturelles qui vont avec. Nous avons du cacao mais nous ne savons pas faire du chocolat que nous achètons par ailleurs très cher... L'Afrique semble promise à jamais aux dictatures de toutes sortes. Il faut donc donner à ce continent les éléments rationnels qui lui permettront de s'élever au niveau de dignité des sociétés occidentales.
Qu'on se rappelle qu'en Europe même, la démocratie est fille de la révolte éclairée des hommes vers plus de liberté, plus de dignité. L'histoire avance par essais et par erreurs mais certains essais ne se transforment pas en réalités définitives, durables, inamovibles comme ce fut le cas pour la "démocrature"(et non la démocratie car la démocratie ne se réduit pas au jeu univoque des urnes) congolaise de 1992 à 1997 ou encore certaines erreurs sont délibérément reproduites parfois en pire. Pourquoi ? Parce que l'idéal qui tient le monde est mauvais : il s'agit d'un idéal qui proclame haut et fort "l'égalité à l'inégalité", le droit de certains d'être au-dessus des autres comme si, proclamant que les êtres sont tous semblables, on instituait que certains dans cette ressemblance pouvaient être supérieurs à d'autres. Là est toute la contradiction du monde.
Si la différence, à savoir, le fait que sur le plan de l'identité, les choses sont toutes distinctes, elles n'impliquent pas qu'au sein d'une même espèce, même si pour des raisons organisationnelles, on s'aliène pour permettre l'avènement d'un souverain, d'un Etat, que quelques hommes par le biais de la création humaine (pouvoir, argent) s'estiment au-dessus des autres. Il n' y a de supériorité existencielle humaine. En valeur absolue, un mendiant vaut un président car il n'y a dans le second une essence humaine plus élevée. Il est alors compréhensible pourquoi certains hommes ont été divinisés comme en Egypte où les pharaons se proclamaient tous fils d'Horus pour attirer sur eux une gloire illégitime, etc. Qu'à cela ne tienne, dans le Tanack, Hashem proclame qu'il n'est pas un homme, les deux natures du créateur et de la créature étant tout simplement différentes.
La grandeur est une maladie de l'ego comme la jalousie est une maladie du coeur ou comme l'égoïsme est une maladie de l'âme. Ou comme la lèpre est une maladie de la peau. L'homme dans sa petitesse inventa un Dieu qui n'est que la preuve de sa propre limite. Plus l'homme grandit, plus ce Dieu rapetisse...
" Demain le Congo-Brazzaville " veut entrer dans l'arène des idées par la plume car le vrai combat qui a fait la modernité a d'abord été de transformer l'esprit par le logos, le verbe, la pensée, pour faire du Congo, ce petit pays à la morphologie de l'hippocampe un pays libre et prospère. Et la pensée ne fut libérée du penseur qu'à partir de l'instant où naquit l'écriture : l'idée sortait pour la première fois d'un cerveau pour prendre une vie indépendante dans le symbole. Cependant, par delà la puissance du symbole, il faut craindre que l'illusion du nouveau ne soit produite en changeant juste le symbole, en substituant un symbole par un autre, un mot par un autre. Autant dire qu'il faut se méfier de l'illusion suscitée par l'allusion. En effet, l'illusion est une totale construction de l'esprit qui n'a aucune correspondance réelle dans les faits. Juste un exemple : nos fameuses indépendances. NE SOMMES-NOUS PLUS DEPENDANTS DE LA FRANCE OU D'AUTRE CHOSE ? On voit bien que nous ne sommes par véritablement indépendants puisque la finalité du Congo reste d'enrichir la France en lui fournissant les matières premières dont elle a besoin. Nous sommes tenus par la monnaie, le franc cfa demandant à être converti au niveau international en euro (français). Cette précaution a été prise avant même le passage à l'euro dans l'Union Européenne !
Aucun peuple n'a surgi de la création divine avec un couteau à la main ou avec des neurones en plus. Junon naît armée de la cuisse de Jupiter mais ça, ça se passe dans l'Olympe de l'imaginaire grec. Donc nous ne différons que par le maniement de l'esprit, par l'ingenuis à créer des modèles et la virtuosité des mains à transformer la nature. Il faut donc amener à plus da raison, plus de logique. A plus de travail. Mental ou physique. Il est des cercles qui soutiennent que penser, c'esr déjà créer, c'est transformer, c'est agir.
Le Noir n'est pas une peau : c'est d'abord une connotation à l'esprit avant d'être une référence à l'épiderme. Si les Blancs avaient trouvé les Nègres à l'âge de la bombe atomique et de l'électronique triomphant, tout le monde sait que l'histoire aurait été différente. Le Japonais a montré par l'esprit qu'il pouvait être "une puissance mentale". Le racisme des Blancs à l'égard des Jaunes n'est pas, pour preuve, exacerbé. Le regard (qui est plus que la vue par son côté culturel chargé de valeurs) apprécie au travers de l'être la culture de l'esprit et de "l'outil" auquel celui-ci appartient. A ce titre, un mendiant américain peut se regarder comme supérieur à un Président africain. En effet, le mendiant s'identifie dans son for intérieur à tout le génie créatif, à tout l'élan culturel et civilisationnel dans lequel il est né.
Question : pourquoi n'avons-nous pas eu le même cursus historique que l'Occident en Afrique ? Parce que nos ancêtres avaient placé l'homme au piedestal de l'importance ! Le symbolisme s'inscrivait dans les gènes, dans les liens aux origines, à la parenté, au clan, l'individu n'ayant aucune réalité par lui-même sinon par les autres. Les biens matériels étaient des moyens et non des fins. On n'était pas riche d'avoir mille sacs de patates mais d'avoir cinquante épouses et mille enfants... L'accumulation étant une négation des autres, c'est-à-dire, de ce qui nous constituait, il fallait tuer la quatrième chèvre et la donner à manger au clan... Il n'y avait de signe dans la nature que l'homme et même les puissances transcendantales devaient le servir.
Le chemin que nous devons parcourir en tant que Noir est celui de la raison triomphante tout en préservant ce qui nous différencie du reste du monde. La différence n'est pas seulement un droit mais avant tout une nature. Si l'Afrique avait intégré sa culture millénaire de sagesse avant d'épouser aveuglément la modernité, nous aurions une démocratie plus puissante, une démocratie véritablement anthropologique. Humaine. Il nous faut cultiver l'esprit, la connaissance, la justice, les valeurs supérieures qui font consensus. C'est de cette façon que le Congo comme de nombreux pays dits sous-développés (de la pensée) pourront sortir de l'obscurantisme, des dictatures et de la misère.
Le Noir doit montrer à la face du monde qu'il est digne d'appartenir à l'espèce humaine en élevant son niveau de pensée (nous ne sommes pas les derniers de la classe dans les facultés du monde mais le savoir est devenu une institution cardinale chez les autres !).
Etre Noir au XXI ième siècle appelle une connexion à la totalité humaine en se débarrassant de tous les complexes d'infériorité car il n'y a pas un seul neurone inférieur dans le Noir. Il faut faire mentir Hegel qui pensait que la raison n'avait pas survolé l'Afrique. En effet, une raison ailée qui serait raciste au point de refuser sans raison de survoler une partie du monde, mais qui peut croire à une telle ineptie ?
La raison est en l'homme et s'opère par construction logique et la logique est une suite de jugements cohérents basés sur des propositions établies. Sans se départir de sa culture riche car elle est faite de "verbage" (faculté d'aisance à communiquer avec son prochain), d'échange, de solidarité et qu'elle place l'homme au-dessus de sa propre création, le Noir doit être celui qui doit ramener à l'humanessence les autres populations du globe perdu dans les pesanteurs de la matérialité. Par humanessence, j'entends l'essence inaliénable de l'homme qu'on a tant et tant niée aux Noirs par le passé, ce qui fait qu'il se reconnaît différent de toute autre créature en sa qualité de citoyen de la gent humaine universelle au travers de la communauté de la raison.
Il faut se rappeler que tout progrès dans l'histoire de l'humanité a été réalisé quand la raison a été mise aux commandes pour comprendre et créer le complexe. Dans l'intérêt de l'homme et de la société.
L'émotion est nègre et la raison hellène, disait, Senghor. Ce qui est absurde ! Il n'y a un homme seulement émotionnel dans le Noir et un autre seulement rationnel dans le Grec. Il n'y a qu'un homme : un être totalement subjectif en cela qu'il y a forcément de l'objectivité dans toute subjectivité (en effet, une subjectivité qui ne s'appuie pas sur les données de la réalité objective n'existe pas).