Les pays africains risquent-ils une nouvelle crise de la dette ? Depuis quelques mois, nombreux sont ceux qui tirent la sonnette d'alarme. Preuves à l'appui, les indicateurs économiques de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). Les chiffres sont éloquents : le niveau moyen des dettes de l'Afrique subsaharienne est passé de 25,2 % du PIB en 2010 à 34,5 % en 2015. Pour la même année, l'endettement public est estimé à 44 % du PIB, alors qu'il était de 31 % trois ans plus tôt, hors Nigeria et Afrique du Sud. Les plus inquiets se remémorent les années 1990 où bon nombre de pays africains ont eu recours à des politiques de restructuration drastique pour éponger leurs dettes.
Parmi les mauvais élèves, la République du Congo : sa dette publique atteint 51,6 % aujourd'hui, alors qu'elle avait été ramenée à 34 % en 2012 grâce au PPTE (initiatives pays pauvres très endettés, permettant un abaissement du déficit public pour le rendre « soutenable »). Même cas de figure pour le Ghana, qui passe de 49 % en 2012 à 69,6 % en 2015 et la Zambie qui atteint 32 % contre 25,5 % il y a trois ans.
Même si les dettes restent nettement inférieures à celles contractées par les pays européens, ces emprunts pèsent sur les budgets des pays africains. Noël Tshiani, haut fonctionnaire à la Banque mondiale, cite l'exemple de la République démocratique du Congo : « Le niveau d'endettement est élevé pour ce pays ayant tout à reconstruire et dont 88 % de la population vit en dessous du seuil minimum de pauvreté et près de 80 % de la population active se trouve au chômage. » Seules les dettes de l'Afrique du Sud, du Rwanda ou encore de l'Éthiopie restent stables.
Le premier facteur de risque provient de la baisse du coût de nombreuses matières premières. Le prix du baril de pétrole atteint difficilement les 30 dollars et le cuivre connaît une baisse de 33 % par rapport à 2015. Résultat : les déficits risquent de se creuser d'ici à l'année prochaine, selon Standard & Poor's. L'agence de notation a notamment alerté le Gabon, le Congo-Brazzaville et l'Angola, et a placé le Nigeria sous surveillance. « Les pays africains sont extrêmement dépendants des recettes provenant de quelques matières premières. Ce sont les conséquences d'une faible diversification de l'économie », commente Noël Tshiani.
Deuxième inquiétude : le taux de croissance. « La croissance d'un pays lui permettra de subvenir à ses obligations, à condition qu'elle soit suffisamment positive pour accroître sa capacité à rembourser », explique l'économiste. Mais, selon les indicateurs de la Banque mondiale, le continent connaît son taux le plus faible depuis 2009 : celui-ci se limite à 3,7 % en 2015 au lieu des 4,6 % affichés en 2014. En cause : les instabilités politiques et sécuritaires bloquent une partie des investisseurs.
Le dernier facteur de risque est lié à la forte dépréciation de certaines monnaies. Pour l'année 2015, le cedi ghanéen, le rand sud-africain, le dollar zimbabwéen ou encore le kwanza angolais se sont effondrés.
Face aux asymétries monétaires, les pays d'Afrique sont encouragés à étudier les avantages de l'émission internationale d'obligations d'État pour obtenir un financement stable. « Le Kenya et d'autres pays ont cependant démontré que les marchés obligataires en monnaie locale étaient susceptibles de recueillir des capitaux pour des projets d'équipement, bien que le volume des émissions soit encore faible », déclare le haut fonctionnaire.
Second point rassurant : l'endettement des pays en développement reste en dessous du seuil de 40 % fixé par le FMI. Une majeure partie des pays d'Afrique dépend d'emprunts à taux concessionnels, à savoir des taux très bas. « Ces prêts peuvent aller de 0 à 5 % de taux d'intérêt et être assortis de périodes de remboursement allant jusqu'à 50 ans », conclut Noël Tshiani. Ainsi, pas de lourds remboursements avant la prochaine décennie, ce qui laisse le temps aux pays d'Afrique d'élaborer des stratégies de croissance et de muscler leur fiscalité de façon rigoureuse et transparente.