COMMENTAIRE : Nous avons obtenu le texte du passage du ministre des affaires étrangères Basile Ikouébé à "La Grande Interview" de MNTV sur le site officiel du pouvoir. Voici quelques extraits que nous avons décidé de commenter (nos commentaires sont en italique)...
«Permettez-moi d’abord de situer le débat, même si la République Centrafricaine est au cœur de notre action aujourd’hui. Je voudrais rappeler que le vrai chef de la diplomatie congolaise c’est le Président de la République, Denis Sassou N’Guesso ; car c’est lui qui donne des orientations. Certes nous lui présentons des fiches, mais il peut avoir ses propres préoccupations majeures… »
Le ministre des Affaires Etrangères Basile Ikouébé reconnaît que la République Centrafricaine est au cœur de l’action du gouvernement congolais – ce qui renvoie à de l’ingérence : Premièrement, le Congo agit et réagit face à la crise centrafricaine comme si les Centrafricains étaient incapables de résoudre leurs propres problèmes. Cette attitude contraste avec la demande de non-ingérence que monsieur Denis Sassou Nguesso exigeait au gouvernement français dans l’affaire des Biens Mal Acquis –alors même que lesdits biens se trouvent sur le sol français. Deuxièment, monsieur Ikouébé reconnaît que le vrai chef de la diplomatie congolaise est Denis Sassou Nguesso en personne. Cela signifie que tout ce qui s’y passe en mal est ordonné par cet homme comme le fait d’attribuer des passeports diplomatiques à des étrangers qui ne possèdent même pas la nationalité congolaise.
« Je voudrais aussi rappeler que lorsque le Président chinois, Xi Jinping, est arrivé au Congo, il avait parlé de l’Ecole de l’Amitié sino-congolaise que le Président Sassou N’Guesso a fait construire en Chine. Avant de quitter Pékin et pour justifier le choix de sa visite dans quelques pays africains dont le Congo, il avait déclaré que le Congo était un pays ami avec lequel la Chine a réalisé beaucoup de choses. Mais, ce qui l’a plus marqué c’est cette école que le Président Denis Sassou N’Guesso a fait construire au profit des enfants chinois des zones sinistrées du séisme de 2010. Parfois lorsque nous menons des actions, les gens s’interrogent sur leur intérêt. Mais là, les retombées sont bien réelles. Je voulais donc situer l’orientation du Chef de l’Etat, pour dire que nous déployons nos actions à partir de la vision du Chef de l’Etat et de ses orientations. »
Vous avez la confirmation que Denis Sassou Nguesso, sensible au fait que les petits Chinois avaient perdu leur école suite à un séisme a construit une école d’un coût d’un milliard de francs cfa, une somme qu’il n’a jamais investi dans les écoles de son pays car une telle somme suffirait à permettre que tous les enfants de nos écoles soient assis sur des tables-bancs au lieu d’avoir les fesses sur des morceaux de brique - à Mayoko, il y a une seule salle pour plusieurs classe - mais vous l’aurez compris, selon monsieur Ikouébé cela a eu des retombées réelles AU CONGO – juste parce que le président chinois s’est déplacé au Congo pour voir nos peaux noircies par le soleil et amaigries par la faim. Et sachez aussi que Sassou a fait venir mets, boissons et tout le reste de France pour accueillir l’hôte chinois à qui Denis Sassou Nguesso doit personnellement de l’argent – même si ces prêts ont été faits au nom de l’Etat congolais. Les Chinois dont le pays est la deuxième puissance économique vivent au Congo et voient comment nos enfants fréquentent des écoles qui ne respectent aucune norme de bienséance. Les avez-vous vu lever le petit doigt pour nous construire des écoles ou acheter des tables-blancs ? Pas du tout ! Mais comme Sassou est le vrai chef de la diplomatie, il fait ce qu’il veut car vous le savez bien, la Chine deuxième puissance économique du monde, n’avait pas besoin de cette aide. Voici une belle illustration d'un étrange usage du denier public puisque la décision n'est pas soumise à l'appréciation de l'assemblée nationale mais obéit uniquement au bon plaisir du roi Sassou qui s'émeut facilement pour les petits yeux bridés qui ont perdu leur école mais qui se fiche si les écoliers de Mayoko font la classe en plein air…
Concernant la situation en République Centrafricaine
« Géographiquement et humainement, la RCA est une partie de notre territoire, de notre souveraineté et de notre ceinture de sécurité »
Voici une étrange déclaration de Basile Ikouébé qui traduit et trahit la pensée profonde du chef de l’Etat Denis Sassou Nguesso qui comme Hitler qui considérait que l’Autriche était une partie de la grande Allemagne insinue que la RCA est une partie de notre territoire, de notre souveraineté – ce qui est bien entendu faux : la république centrafricaine a ses propres frontières et sa propre souveraineté en qualité d’Etat indépendant reconnu par les instances internationales et le fait d’avoir une frontière avec ce pays n’en fait pas une partie de notre territoire. Ou Basile Ikouébé a des problèmes avec le droit international ou il nous révèle sans le vouloir les intentions cachées de Denis Sassou Nguesso à l’égard de la RCA. Nous ne croyons pas qu’il viendrait à l’esprit de monsieur Ikouébé de dire que du fait d’une frontière avec le Cameroun que ce pays voisin deviendrait ipso facto une partie du Congo. Sassou a-t-il développé des velléités coloniales à l’égard de la RCA ? Comparer la RCA avec le Mali en matière de terrorisme nous paraît un peu osé et faible comme prétexte d’annexion silencieuse d’un pays frère où le seul désordre qui y règne soit le fait du vainqueur comme un permis de piller accordé à des mercenaires... Nous n’avons pas besoin de troubles en RCA pour que la drogue circule au Congo Brazzaville…
Ce n’est donc pas le Président Sassou N’Guesso qui a décidé, tout seul, de voler au secours de la RCA. Les Chefs d’Etat de la CEMAC ont, par exemple, décidé de débloquer environ 25 milliards de francs CFA en faveur de la CEEAC pour lui permettre de faire face aux dépenses résultant de la gestion de la crise en RCA.
Contrairement à ce que se dit partout, le Congo n’a jamais débloqué 5 milliards de francs CFA. Toutefois, il va contribuer. C’est moi qui ai présidé les travaux du Groupe de contact, tenu le 3 mai dernier ici à Brazzaville. Au cours de cette réunion, nous avons lancé un appel et proposé la création d’un fonds de solidarité en faveur de la RCA. J’avais expliqué que l’Afrique Centrale devrait être la première à contribuer, sans avoir annoncé un montant quelconque. Nous ferons le point le 8 juillet prochain à Addis-Abeba et nous allons inviter d’autres pays africains à apporter leurs contributions.
Ce n’est pas ce qu’a déclaré Tiangaye, le premier ministre centrafricain après avoir rencontré monsieur Denis Sassou Nguesso à des journalistes : il a bien dit qu’il était venu solliciter un prêt de 5 milliards de francs cfa auprès du Congo qui serait versé à la RCA en deux tranches. Les propos du chef du gouvernement centrafricain sont en ligne dans une vidéo et donc vérifiables par quiconque le voudrait. Dans la mesure où l’on considère la RCA comme une partie de notre territoire national, je me demande pourquoi le Congo ne « prêterait » pas cet argent à un pays frère annexé dans le secret. De Tiangaye et d’Ikouébé, qui ment ? Puisqu’Ikouébé reconnaît que c’est Denis Sassou Nguesso qui fait la diplomatie congolaise et non lui et que c’est bien monsieur Sassou que Tiangaye a rencontré et non monsieur Basile Ikouébé, la messe de la vérité est dite. Comment expliquer que la RCA demande de l’argent à toute la CEMAC qui a ses propres institutions et qu’elle envoie son premier ministre tendre la main à Brazzaville ?
Sur le prétendu soutien du Congo à la Séléka
La République du Congo n’a pas soutenu la Séléka. Le Président Denis Sassou N’Guesso m’avait fait l’honneur de conduire, en son nom, les négociations au niveau ministériel à Libreville. A cette occasion, j’avais fait comprendre à Michel Djotodia qu’il n’avait pas le droit de faire un coup d’Etat contre un Président démocratiquement élu. Nous avons fait ce que nous avions à faire pour soutenir le régime Bozizé. Nous avons signé les accords de Libreville, et chacune des parties devrait les appliquer de bonne foi. Malheureusement, la bonne foi n’était pas de la partie. Nous avons soutenu le régime Bozizé jusqu’au point où nous ne pouvions plus. Bozizé a décidé lui-même d’enterrer les accords de Libreville pour vouloir être candidat en 2016, contrairement à ce qui était prévu. Il n’a pas voulu former le gouvernement. Et quand il l’a fait, il n’a pas autorisé que les ministres de la Séléka et de l’opposition puissent avoir des bureaux ou de résidences. Ces derniers n’étaient pas autorisés à aller s’adresser à leurs troupes. Voilà pourquoi, le jour où ils ont pu se déplacer, leurs troupes les ont retenus. Je pense qu’on n’est pas élu démocratiquement pour piétiner son peuple impunément. Loin de faire le procès de Bozizé, je souligne seulement qu’il avait le devoir d’appliquer ces accords. Je le dis avec beaucoup de regrets.
Le Congo ne soutient donc pas la Séléka. Nous travaillons, aux côtés des autres Etats de la sous-région, pour accompagner le processus de la restauration de la paix et la sécurité en RCA. Le Congo fait tout pour respecter la légalité centrafricaine, conformément à la doctrine et la pratique du l’UA. Les accords de Libreville n’avaient pas pour but d’autoriser un coup d’Etat, mais de sauver le régime et préparer des élections de 2016. Bozizé devrait poursuivre son mandat jusqu’à la fin. Michel Djotodia est le chef d’Etat de la transition, mais les principaux pouvoirs reviennent au Premier ministre.
Nous ne croyons pas un mot de ce que dit Basile Ikouébé : en reconnaissant avoir lâché Bozizé, en fournissant de l’argent et des troupes à la RCA, le pouvoir de Brazzaville soutient bien la Séléka après avoir soutenu Bozizé pour ensuite le laisser choir au profit de la Séléka. En bon lecteur de Machiavel, Denis Sassou Nguesso sait qu’en cas de conflit, il faut soutenir les deux protagonistes pour toujours être gagnant quel que soit le vainqueur. D’ailleurs, ELF qui avait soutenu et Lissouba et Sassou avait appliqué le même principe en 1997 lors du coup d'Etat réussi par le big nzokou afin de revenir aux affaires louches de la république après un échec par la voie des urnes…
Concernant le trafic sur les passeports diplomatiques
Pour avoir occupé plusieurs fonctions aux affaires étrangères, je sais comment sont délivrés les passeports diplomatiques. Pour ça, on n’a pas de leçons me faire. C’est quand même très grave quand on parle des réseaux mafieux. Je vous rassure que c’est moi ai démantelé ce qui allait se constituer comme un réseau mafieux, mais on me retourne cela. Ailleurs, je me félicite que les Congolais sont tous honnêtes, mais j’ai trouvé une maison avec des hommes et des femmes pleins d’antivaleurs. Effectivement, il y a eu un groupe d’agents du ministère des affaires étrangères qui avait réussi à scanner ma signature pour délivrer des passeports aux gens. Quand je leur remettais un formulaire pour établir un passeport, ils pouvaient tenter d’en faire d’autres moyennant de l’argent. J’ai été au courant de ce réseau du trafic sur les passeports. J’ai essayé de mener une enquête et j’ai découvert que le problème datait de début 2012, le Journal Thalassa en avait déjà parlé dans l’une de ses parutions. J’ai pu mettre la main sur deux agents que j’ai déférés devant la police, le troisième étant en fuite. J’ai écrit au Secrétaire Général du ministère pour lui dire que la procédure doit aller jusqu’au bout, donc jusqu’à la justice. J’ai ensuite demandé que tout le personnel soit entendu par la police sur procès verbal, y compris moi-même. Et, en attendant le conseil de discipline, les agents arrêtés n’ont plus le droit de reprendre service au ministère. Depuis, les services ne détiennent plus les passeports, il ne reste que mon assistante et moi qui les détenons et qui les délivrons. J’avais demandé qu’on m’apporte des preuves de mon implication dans ce réseau mafieux, mais rien n’a été fait. Aujourd’hui, je puis rassurer que le passeport diplomatique ne souffre d’aucun soupçon.
Que pouvons-nous ajouter quand monsieur Basile Ikouébé confirme avoir démantelé un réseau en fait mafieux – même si lui récuse cette qualification ? Nous en avons assez que des étrangers possèdent la nationalité congolaise contre de l’argent et vont même si on prend au sérieux tout ce qui circule sur les réseaux sociaux jusqu’à posséder des passeports diplomatiques congolais ! Nous ne croyons pas que le problème ait commencé en 2012 car il remonte à l’origine même du retour de Sassou aux affaires louches de la république. Si Denis Sassou Nguesso avait une once de courage, il y a longtemps qu’il aurait démis monsieur Ikouébé de ses fonctions car rien ne fonctionne comme il se doit au ministère des affaires étrangères.
Quand Ikouébé dit qu'il n'y a que lui et son assistante qui détiennent les passeports, c'est un petit arrangement avec la vérité qui garde les deux pieds dans la boue du mensonge. Par ailleurs, Ikouébé rend hommage au journal Thalassa aujourd’hui suspendu alors qu’il rend service à la république. Quel paradoxe !