47 ans, avocat à la cour et titulaire d’un cabinet d’avocats depuis 19 ans, ancien député de Makabana, dans le département du Niari, et ancien sénateur du Niari où
il a assumé les fonctions de président de la commission santé, affaires sociales, famille, genre et environnement de cette institution, membre du P.c.t (Parti congolais
du travail), Pierre Mabiala fait partie de la nouvelle équipe gouvernementale où il occupe le Ministère des affaires foncières et du domaine public. Dans
une interview exclusive à notre journal, il annonce des mesures radicales pour mettre, définitivement, un terme au désordre dans le foncier congolais et à l’évasion
des recettes foncières.
Interview exclusive.
Pierre Mabiala.
* Monsieur le ministre, vous faites partie de la nouvelle équipe gouvernementale, du deuxième septennat du président Denis Sassou-Nguesso, comment avez-vous accueilli cette nomination ?
** C’est, d’abord, saluer la confiance que le chef de l’Etat, le président Denis Sassou-Nguesso a bien voulu placer à ma modeste personne. Il a pensé, justement, me responsabiliser au gouvernement et, principalement, au département des affaires foncières et du domaine public. Ensuite, cette nomination est, pour moi, une marque de responsabilité, j’allais dire totale et entière, dont je dois être conscient. Parce que l’ampleur de la tâche est grande et, comme telle, il faut justement faire de telle sorte que mon travail soit apprécié par le président de la République qui comme je l’ai dit, tout à l’heure, vient de me faire confiance.
* Six jours après votre prise de fonction, vous venez de faire l’état des lieux des structures relevant de votre tutelle, quels sont les dossiers brûlants auxquels vous devez-vous atteler prioritairement?
** Je peux vous dire que tous les dossiers sont vraiment brûlants, parce que les affaires
foncières constituent, pour le pays tout entier, un domaine très important. Et comme tel, tous les dossiers qui concernent ce volet-là, de la vie de la nation sont des dossiers importants et brûlants, comme vous le dites, vous-même. Mais, ce que j’ai constaté, c’est qu’aujourd’hui, au niveau de notre pays, le plan cadastral n’existe pas, ce qu’on pourrait appeler ailleurs la carte cadastrale du pays, cette carte n’existe pas. Or, nous ne pouvons pas maîtriser les affaires foncières tant qu’on n’a pas, justement, maîtrisé ce plan cadastral. C’est la première des choses.
Deuxièmement, vous constatez que mon département est pourvoyeur de recettes à l’Etat congolais. Mais, les services du cadastre, aujourd’hui, font comme si ce n’était plus un service public. Tous les cadres, tous les agents qui y évoluent, tous croient que dans l’exercice de leurs tâches, ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent. Aller vendre les terrains, se rétribuer, parfois distribuer, gracieusement, ces mêmes terrains, et faire monter un coup grave, préjudiciable au domaine de l’Etat.
Donc, il s’agit, là, des comportements que je vais, immédiatement, arrêter. Je dis bien, immédiatement, arrêter, puisque’avec ces comportements, nous ne pouvons pas développer le pays, selon le programme du président de la République, «Le chemin d’avenir», qui indique que le pays doit être modernisé et industrialisé.
Alors, nous ne pouvons pas aller à la modernisation du pays, nous ne pouvons pas industrialiser le pays, tant que l’ordre ne revient pas dans mon secteur. Parce que tout travail de développement, tout travail de modernisation, tout travail d’industrialisation du pays, commence par la terre dont je suis le gestionnaire numéro un, au gouvernement.
* Justement, vous prenez les commandes de ce département au moment où «l’opération
Déguerpissement» est en cours, quel est votre sentiment?
** Mon sentiment, c’est un sentiment d’homme d’Etat, c’est-à-dire qui ne doit faire
qu’appliquer la loi et le règlement qui accompagne la loi ou qui fait appliquer la loi. «L’opération déguerpissement» a été déclenchée par l’Etat et cela rentrait bien, justement, dans le cadre d’une politique bien établie, et qui, elle-même, était autorisée par les lois et règlements de la République. Mais, ce que je voudrais dire, aujourd’hui, est que la gestion du domaine public doit être une gestion en amont, c’està- dire qu’avant de procéder au déguerpissement, avant de procéder à quoi que ce soit, il faut que nous mêmes, d’abord, nous nous assurons que nous sommes les véritables gendarmes, les véritables policiers, les véritables gardiens de ce domaine public.
C’est-à-dire que lorsqu’un citoyen, quel qu’il soit, acquiert une partie du domaine public, commence à entreposer son matériau en vue d’ériger un immeuble, à partir de ce moment- là, on devait, déjà, pouvoir le dire, vous n’avez pas le droit de construire là, parce qu’il s’agit du domaine public que vous occupez illégalement. Et comme tel, le travail que je vais amorcer sera celui de gardien du domaine public, pour préserver tout ça. Il me faut le faire et ceci dans un cadre aussi de vulgarisation du colossal travail que mon prédécesseur a fourni, notamment la réforme foncière. Mais, par rapport à cela, il faut que les citoyens du Congo, où qu’ils résident sur le territoire national, comprennent qu’aujourd’hui, avant d’acquérir un terrain, il faut, d’abord, s’entourer de toutes les précautions.
* Monsieur le ministre, comment entendez-vous mettre un terme au désordre que vous venez d’évoquer?
** L’orthodoxie, dans la gestion de la chose publique, étant mon cheval de bataille, j’en appelle, ici, à la conscience de tous les cadres et agents de notre département à se départir, dès à présent, de tout comportement déviant et mafieux faisant d’eux des troublions des services publics, susceptibles d’être traduits devant la commission de discipline du ministère dont les sessions seront organisées, régulièrement.
C’est pourquoi, j’annonce les mesures suivantes:
- toute les recettes issues des transactions et de la fiscalité foncière doivent, désormais, être reversées au trésor public, pour mettre définitivement un terme à l’évasion des
recettes foncières;
- tout propriétaire foncier ou terrien qui procédera à la vente d’une parcelle de terrain à plusieurs personnes sera, désormais, déféré en justice, pour répondre, pénalement, de ce comportement d’anti-valeur, l’Etat devant, pleinement, assumer son devoir constitutionnel de protection des citoyens, ainsi que leurs biens.
A ce titre, j’instruis, ici et maintenant, les services du cadastre à délivrer, exclusivement, aux vendeurs des parcelles de terrain les formulaires d’actes de vente qui seront, par la suite, attestés par l’administration du cadastre, pour éradiquer les conflits devenus récurrents en matière de propriété foncière.
Propos recueillis par Pascal-AZAD DOKO ( source: semaine africaine n°2933)