Sassou, un mal pour le Congo-Brazzaville
Par Mathurin NGODE
Il est arrivé au sommet du pouvoir par un coup d’Etat, le 5 février 1979 en délogeant Yhombi et en ayant pris auparavant le soin de faire assassiner Marien Ngouabi en 1977.
Après 13 années passées à la tête du pays, les assassinats politiques se sont accentués et l’économie du pays est exsangue. Sous la pression – du discours de la Baule de François Mitterrand – des bouleversements intervenus dans les pays de l’est – et de la révolte du peuple congolais, Sassou est contraint d’accepter une ouverture démocratique. Celle-ci nous conduira à la tenue de la Conférence nationale souveraine en 1991, qui a reconnu unanimement que Sassou avait plongé le pays dans le gouffre. S’en suivirent les élections présidentielles libres et transparentes remportées par Pascal LISSOUBA en 1992.
Furieux et humilié d’avoir perdu le pouvoir, voici ce qu’il avait déclaré après la passation de témoin avec le nouveau président élu : « nous reviendrons, Lissouba va commander debout ».
Aussitôt près la passation de témoin, il se retira dans son village natal à Oyo et y organisa une grande réunion politique avec des officiers congolais originaires en grande majorité du nord du Congo comme lui. Le message était clair, il nous faut coûte que coûte reprendre le pouvoir perdu et quel qu’en soit le prix. Le voilà ensuite exilé en France où il était venu par ailleurs demander à ses amis français, de ne pas aider le président Pascal Lissouba. « J’ai tout verrouillé », s’exclamait-il dans une interview que lui avait accordée le journal Jeune-Afrique paru en 1992. Sassou était donc très heureux d’avoir réussi à rallier à sa cause, ELF, l’Elysée et l’Etat-major français, sans se soucier que le nouveau président élu travaillait pour le bien des Congolais.
Sur le terrain cependant, après avoir bien manipulé et corrompu Bernard Kolélas, il lui demanda, seulement quelques mois après la prise de pouvoir par Pascal LISSOUBA, de créer les conditions d’une instabilité politique dans le pays. Et Bernard Kolélas abusé, lança aussitôt l’installation des barricades à Bacongo. Voilà Lissouba tombé dans le piège que Sassou lui avait remarquablement tendu, pour l’empêcher de gouverner le pays. Les milices privées se sont amplifiées et le pays s’enfonçât dans les turpitudes les plus sombres que les Congolais n’ont jamais connues. Sans vouloir être exhaustif dans la genèse et la poursuite de la crise nées, la suite, nous la connaissons tous – Lissouba a effectivement « commandé debout » jusqu’à la fin de son mandat – Et, le 5 juin 1997, le sommeil de Sassou Nguesso se trouvant dérangé par Lissouba, ce dernier n’hésita pas un seul instant, avec l’aide de la France et de son ami Chirac, à renverser par un coup d’Etat sanglant, le président élu démocratiquement. De retour au pouvoir, il dissout toutes les institutions : l’Assemblée, le Sénat, le Conseil constitutionnel…, abroge la Constitution de 1992 votée par référendum par le peuple congolais et lui substituant une loi fondamentale taillée sur mesure.
Quel amour pour le Congo ?
Aucun. Sassou n’aime ni le Congo ni les Congolais. Tout se qui compte pour lui et qui le préoccupe c’est son maintien au pouvoir. En effet, quel patriote digne de foi et aimant sa patrie peut accepter de faire envahir son pays par des armées étrangères, des mercenaires ? Quel patriote peut tolérer que des jeunes filles mineures de 12-14 ans soient violées devant leurs parents ? Nos mamans abusées par des Congolais et des étrangers ? Des vieilles femmes torturées et violées également ? La liste des crimes est exhaustive mais l’on ne peut passer sous silence les 353 disparus du Beach. Quel patriote peut, sous prétexte de protéger ses compatriotes, les inviter à rentrer chez eux alors qu’il les appâte pour les exterminer ? Selon certaines sources dignes de fois, ils auraient tous été enfermés dans trois containers distincts puis jetés dans le fleuve Congo. Le procès de ces disparus n’a été qu’une mascarade, les présumés coupables ayant tous été blanchis par une justice congolaise aux ordres de Mpila, laissant les familles à leur triste sort, dans une douleur lancinante et épouvantable qui ne dit pas son nom.
Les intérêts de la France et non les intérêts du Congo
Sassou Nguesso n’est pas au pouvoir pour défendre les intérêts du Congo, il l’a lui- même tout récemment reconnu au mois de juin 2009 lors d’une interview que lui accordait un journal français. Sassou est un instrument au service des seuls intérêts de la France qui a besoin « d’esclaves » comme lui pour mieux piller nos richesses. Fort du soutien indéfectible de la France pour son maintien au pouvoir, il est prêt à vendre tout le pays aux Français.
Tenez, Total exploite le pétrole au large de nos côtes sans pour autant que Sassou ne se préoccupe du nombre de barils extraits par jour. Bien au contraire, il est de mèche avec les dirigeants de cette société, pour faire volatiliser des cargaisons entières de pétrole et se partager le magot. Les côtes congolaises sont souillées de résidus de pétrole nocifs pour la santé des Congolais. Sassou s’en inquiète-t-il ? Non. Un autre exemple, l’important port maritime de Pointe-Noire a été confié à Vincent Bolloré, un Français, par ailleurs ami personnel de Sarkozy, qui se taille une part du lion, non seulement au Congo-Brazzaville, mais dans toute l’Afrique.
Conditions de vie dignes du moyen-âge, délabrement social, précarité…
Pendant que la majorité de ses compatriotes vivent dans des conditions dignes du moyen-âge, sans eau, ni électricité, ni soins de santé primaires, lui, ses enfants, sa famille et quelques nantis du pouvoir, vivent dans le luxe insolent. Ils n’hésitent pas, pour une banale migraine, à se rendre en occident dans des jets privés pour avoir des soins de qualité, et ce, au frais de l’Etat congolais, tandis que paradoxalement, le peuple ne peut se soigner correctement faute de structures viables et fiables. Le « CHU » de Brazzaville est devenu le « CH TUE ». Comme l’indique son nom, c’est un véritable « mouroir » où cohabitent délabrement social et précarité. En raison de l’absence de médicaments de première nécessité, du manque de personnel qualifié compétent car sous-payé et ayant choisi de travailler dans le privé pour boucler les fins de mois, le « CH TUE » de Brazzaville est aussi devenu un haut lieu de corruption. Les médecins et le personnel médical présents ne délivrent des soins que moyennant une certaine somme d’argent, autrement personne ne vous regarde. La corruption est entretenue par le Directeur du CH TUE lui-même qui touche des pots de vin, afin de caser, dans certaines chambres de l’hôpital considérées comme « acceptables », des personnes ayant quelques moyens financiers. Par manque d’ascenseurs, lorsque vous êtes opérés au rez de chaussée par exemple et que votre chambre est au troisième ou quatrième étage, il vous faut débourser la somme de 1000 FCFA par étage, pour être transporté, à califourchon sur le dos, par des personnes venues de la RDC voisine qui ont découvert ce juteux business.
Plusieurs Congolais, même très jeunes, meurent aujourd’hui des suites d’AVC (accident vasculaire cérébral). Cette pathologie étant souvent secondaire, chez les personnes moins âgées, à une hypertension artérielle mal soignée ou méconnue, il est fort à parier, que le nombre de décès par AVC, constatés auprès de la population congolaise moins âgée, est probablement dû en grande partie, à une hypertension méconnue, car le dépistage gratuit de celle-ci n’existe pas au Congo. Par ailleurs, plusieurs Congolais ont vécu les traumatismes et les affres de la guerre, vu des parents assassinés, brulés vifs dans les maisons, etc. Dans les pays dits civilisés, une cellule psychologique aurait pris immédiatement en charge toutes ces personnes pour les aider à tourner la page afin qu’elles oublient progressivement. Dans notre pays malheureusement, ce genre de structures n’existe pas, les gens sont délaissés à eux-mêmes, ruminant jour et nuit tout ce qu’ils ont vécu, vu, et continue à vivre aujourd’hui. Et pensez-vous que Sassou Nguesso se soucie du sort de ses compatriotes ? Interrogé trois semaines avant le premier tour de la pseudo-élection présidentielle du 12 juillet dernier par un journaliste congolais sur la situation précaire du CHU TUE, il s’est simplement efforcé de reconnaître qu’il manque cruellement de structures viables et de personnel compétent. Aucune réponse sur les actions correctrices qu’il entendrait mettre en œuvre pour améliorer les conditions sanitaires de ses compatriotes réduits à l’esclavage, alors que paradoxalement, le pays regorge de richesses (pétrole, bois, minerais…).
La paix brandie comme une menace de guerre et le pays livré aux étrangers
Pour bien museler son peuple et lui faire avaler toutes les couleuvres, il ne parle, depuis son retour au pouvoir en 1997 que de paix. C’est comme si les Congolais étaient en guerre contre une autre nation. En fait, le contexte de paix est brandi par Sassou pour faire comprendre à qui le veut, que si lui n’est pas au pouvoir, vous obtenez la guerre. Aujourd’hui, ce peuple traumatisé par les différents événements qui ont endeuillé notre pays est contraint de suivre ce qu’impose le dictateur de Mpila, pour bénéficier au moins d’un peu de répit. Sinon, comment parler de paix lorsque les Congolais ont faim, ne peuvent se soigner correctement, n’ont pas d’eau, pas d’électricité, pas d’écoles dignes de ce nom pour former leurs enfants qui sont l’élite de demain ? Toutes ces questions restent taboues et personne n’ose en parler, de peur de se faire écraser. Que dire de l’argent du contribuable congolais sorti du trésor public à souhait et volonté ?
La population congolaise est aujourd’hui constituée par de nombreux étrangers ayant obtenu sans difficultés leurs cartes nationales d’identité et parmi lesquels se trouvent : des Rwandais (auteurs du génocide de 1994), des Congolais de RDC (subsides de la DSP de Mobutu), des Angolais (venus en masse en 1997, à la demande de Sassou pour massacrer des Congolais), des Tchadiens, des Libanais, des Sénégalais, des Mauritaniens, des Chinois, etc. La carte nationale d’identité est devenue un document vulgaire au Congo-Brazzaville, tant Sassou avait besoin de ces étrangers pour consolider son pouvoir. Les Libanais, de connivence avec le pouvoir sont ceux à qui Sassou et ces ministres ont donné le monopole du commerce. Ils contrôlent plusieurs sociétés de transport en commun (taxi, bus…) dans les grandes villes du pays et font un gros business entre Dubaï et le Congo, sans payer des frais de douane. Ils sont aussi les grands informateurs du pouvoir de Sassou, de même que les Mauritaniens et les Chinois. Ils narguent les Congolais qui sont devenus comme des étrangers chez eux. Si vous rencontrez un problème avec eux et même si vous avez raison, il est inutile de se pourvoir en justice, car ils ont plus de droits que les vrais Congolais. Ils n’hésitent pas à faire appel à un haut dignitaire militaire ou policier le plus souvent, qui vous intimidera ou vous menacera. De mémoire de Congolais, je n’ai jamais vu ou vécu des choses pareilles. Ce type de méthodes est utilisé par les régimes totalitaires de la planète pour semer la terreur dans la population, c’est ce que faisait notamment Ceausescu en Roumanie, pour ne citer que lui.
Mépris du peuple
Malgré sa défaite cuisante aux pseudo-présidentielles de juillet dernier, il continue de s’agripper au pouvoir, méprisant le verdict populaire et brandissant toujours la menace de guerre. Les exemples sont nombreux mais, au travers de ces quelques faits cités ci-dessus, l’on peut aisément conclure que Sassou est réellement un mal pour le Congo-Brazzaville.