Chers compatriotes, je viens m'adresser à vous tous - autant que vous êtes : unissez-vous ! Congolaises et Congolais de toutes les régions, de toutes les ethnies, unissez-vous ! Elle est partout, elle frappe tout le monde - sauf les nantis, bien sûr. Je parle de la misère et des formes multiples qu'elle peut prendre dans notre pays. Hélas, la faim, le chômage, l'insalubrité, l'absence de soins, le manque d'électricité ou d'eau, la décadence de l'éducation, tous les Congolais en sont affectés. Ce sont tous les Congolais qui sont en fait privés de liberté pour la satisfaction des psychopathologies d'un seul homme qui résume à lui tout seul TOUT LE MAL DU CONGO. Certes, nous dénonçons le clanisme de Denis Sassou, nous montrons en quoi son régime inique est concentré entre les mains de sa famille puisque c'est la vérité et elle doit être dite mais en aucun cas, nous ne nous désolidarisons du Mbochi qui souffre car au nord aussi, ils ont de nombreux problèmes à cause de l'échec de la politique macroéconomique de monsieur Sassou qui touche toutes les couches du peuple indifféremment de l'ethnie. Nous savons que pour la majorité des populations, le nord ce n'est pas le paradis puisque l'enfer est partout.
Est-il si difficile de penser qu'il est normal de revendiquer plus de justice sociale pour tous ? Qu'y a-t-il de mal à voir chaque Congolais profiter des richesses du pays au travers d'un socle de développement qui l'atteint là où il est et qui lui garantit de devenir ce qu'il veut être à la hauteur de ses facultés intellectuelles, de son génie, de sa volonté, de sa passion, de ses moyens ? Nous souffrons tous du nord au sud, d'est en ouest et tous les Congolais peuvent s'unir autour de la satisfaction des besoins primaires pour tous et pour l'égalité des chances. Une vraie société est égalité des droits et des devoirs pour l'épanouissement de chacun à la hauteur de ses facultés mentales ou physiques - toujours dans la solidarité avec les faibles.
Il y a des cases à la périphérie d'Oyo comme à Mboukoulibouali. Des enfants meurent de nutrition à Edou, Owando comme à Djambala. La crise de l'école affecte le niveau intellectuel global du pays et seuls quelques individus envoient leurs enfants dans les lycées français ou à l'étranger. On a faim à Talangaï comme on a faim à Bacongo ou à Poto-Poto et c'est le même phénomène qui sévit à Edou, Ollombo, Dolisie, à Pointe-Noire, à Impfondo, à Boko ou à Makoua. La malnutrition tue un quart des enfants qui meurent dans le pays et ceux qui meurent ne sont pas qu'au sud.
Non, ce n'est pas parce que Mvouba est parmi les boukouteurs du gouvernement que tous les Laris ou les kongos vivent bien. Ce n'est pas parce qu'il y a des ministres vilis au gouvernement que la ville de Pointe-Noire profite suffisamment des revenus du pétrole. Ouvrez les yeux pour une fois et regardez les choses comme elles sont : la géopolitique de monsieur Sassou sert à créer l'illusion d'une unité nationale qui n'existe nulle part car il s'emploie en sourdine à diviser les Congolais par la distribution ethnisée de privilèges ; il redoute qu'ils s'unissent car cela signifierait la fin de son règne. Karl Marx lança le slogan : "Prolétaires du monde entier, unissez-vous !" Dans cette logique, je vous dis : "Congolais de toutes les régions, de toutes les ethnies, unissez-vous et détruisez ce colosse aux pieds d'argile qui suce votre sang !" Ce n'est qu'un homme comme vous, un homme capable de pleurer ou d'avoir peur.
Il faut bien naître de quelque coin du Congo, forêt, savane, ville, village, etc. là n'est pas le plus important car c'est le hasard de la destinée qui décide. Ce qui importe, c'est que tous donnent et reçoivent du Congo ce qu'ils doivent donner et ce qu'ils doivent recevoir. Donnons au peuple congolais l'occasion d'être véritablement un peuple. Unissons-nous et battons-nous pour le bien-être de tous car la souffrance n'a pas d'ethnie de prédilection. Un médecin soigne indifféremment les malades sans chercher à savoir s'ils sont du nord ou du sud et nous devons avoir à l'égard du pays qui est un gros malade collectif la même attitude que les médecins. Il nous faut juste une sorte de serment d'Hyppocrate, un serment social, un pacte social que pourraient sceller tous les chefs traditionnels.
Que ce texte atteigne vos coeurs quel que soit l'endroit où vous vous trouvez. Nous avons TOUT ce qu'il faut pour être TOUS heureux dans notre beau pays. Pour une fois, je prie que l'amour du Congo vienne et prenne le pouvoir car c'est par manque d'amour que mon peuple se meurt. Il nous suffit de recouvrer notre indépendance économique et politique pour avoir les moyens d'une politique qui apporterait satisfaction à tous les enfants du Congo d'où qu'ils naissent, d'où qu'ils viennent et d'où qu'ils soient.
Quand viendra l'heure de la justice, elle épargnera le juste et l'innocent et ne condamnera que le coupable et juste à ce titre - dans la proportion de la gravité de ses fautes ou de ses crimes, de ses délits : il faut que la justice passe pour que naisse l'idée que les criminels n'auront plus le dernier mot dans notre pays. Ceux qui seront convaincus de détournements, de biens mal acquis, de haute trahison, de crimes de sang, ceux-là seulement auront à rendre compte de la mort de dizaines de milliers de filles et de fils du Congo, ceux-là seulement seront jugés. On ne peut se réconcilier sur le dos de la justice car le crime proliférerait encore plus, certain de son impunité. Vous n'avez pas à chercher un exemple très loin : il vous suffit de penser à la Conférence Nationale Souveraine qui fit la part belle aux criminels en instituant un rituel de lavement des mains comme toute solution, comme une sorte d'absolution généralisée du mal pour qu'il revienne frapper plus vigoureusement les fils de la terre du Congo.
Il n'y a pas de situation éternelle : l'esclavage a bien pris fin un jour comme la guerre de 1939 et nous savons tous au fond de nous que le règne de Sassou passera mais quel avenir voulons-nous ? Pendant cinquante ans, notre indépendance s'est déroulée comme une fractale : elle s'est répétée identique à elle-même et a créé de cette simplicité apparente une situation complexe car la simplicité d'une situation qui se répète plusieurs fois crée une complexité insoupçonnée. Il faut penser à s'asseoir, à examiner le passé et à en corriger les erreurs et les injustices. La démocratie à l'occidental nous sied-elle ? Quel mode de gouvernance nous conviendrait le mieux ? Nous avons d'abord à nous unir avant de définir notre destinée nationale par nous-mêmes. Le temps des colonies doit faire place au temps de l'autodétermination et nous devons partir unis et non divisés. La division est la ruse de ceux qui exploitent nos richesses et qui sèment la haine entre nous pour éviter qu'on ne parvienne à l'unité véritable comme à l'époque de nos pères qui se battirent unis contre le colon venu d'ailleurs. Aujourd'hui, le ver qui est dans le fruit Congo vient du fruit lui-même et sert un ver plus gros venu d'ailleurs...
La justice n'est pas la haine. La justice est vérité certifiée, prouvée, établie et mesure dans la sanction. La sanction n'est juste que si elle est à la hauteur de la culpabilité. Nous sommes pour la justice des magistrats non corrompus pour que le malfrat cesse de nuire à la multitude, pour la justice sociale afin que chaque citoyen se sente appartenir à une même nation sans se renier, sans vomir son identité tribale mais en l'abaissant à sa juste valeur et à sa juste expression - parce que le Congo le vaut bien.
LION DE MAKANDA