Faute de pouvoir avoir accès au stade des Martyrs, Etienne Tshisekedi prête serment à son domicile. L'armée qui a choisi le camp de Joseph Kabila aurait tiré sur la foule aux abords du stade des Martyrs. Nous allons observer le déroulement de cette situation car il ne suffit pas de se proclamer président de la république : encore faille-t-il qu'Etienne Tshisekedi réussisse à incarner et à exercer le pouvoir car il ne peut diriger un pays en restant cloîtré chez lui. Si l'on pousse sa logique au bout, il lui faudra nommer un gouvernement, des autorités sans avoir pour autant les moyens et la reconnaissance nécessaires pour l'exercice véritable du pouvoir : l'exercice du pouvoir a un coût et sans les moyens d'un Etat, il est difficilement envisageable. D'un côté, Joseph Kabila assis sur l'imposant trésor d'Etat et possédant à sa botte l'armée et toutes les forces publiques, de l'autre Etienne Tshisekedi, un homme qui surfe sur une volonté populaire bafouée dans les urnes et a une bonne partie de l'opposition en soutien.
Le combat semble inégal entre un homme et un Etat à moins qu'Etienne Tshisekedi
- lève d'importants moyens financiers auprès de la population, de la diaspora et de tous ceux qui soutiennent la démocratie ;
- empêche Joseph Kabila d'exercer le pouvoir ; ce qui n'est pas une mince affaire. Ouattara a réussi parce qu'il avait les rebelles, l'ONU et des puissances occidentales avec lui. Il faudra que la totalité du peuple soit avec lui ; ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - même si la capitale Kinshasa semble acquise à sa cause. Il faut bloquer l'exercice administratif, politique, exécutif et même militaire. Pour cela, Etienne Tshisekedi ne peut éviter la lutte armée car c'est un passage obligé s'il veut vraiment que le pouvoir ne soit pas une utopie, un voeu pieux, une simple proclamation d'intention ;
- obtienne le soutien d'une ou de plusieurs puissances de ce monde comme les Etats-Unis, l'Angleterre ou la France. Hélas, nous savons que les puissances du monde sont plutôt du côté de joseph Kabila. Il s'agit alors de faire en sorte qu'elles changent de camp ou délaissent tout bonnement Joseph Kabila mais comme elles parlent d'abord le langage des intérêts, cela ne va pas être facile. Certes, l'Afrique ne doit pas toujours avoir recours à la communauté internationale pour mettre en place une justice électorale mais si pour l'instant cela s'avère indispensable, pourquoi pas ?
Mba Obame s'était lui aussi proclamé président ; nous savons comment cela s'est terminé : il a dû se réfugier dans une ambassade étrangère. Il est une chose de se proclamer chef de l'Etat et une autre de l'exercer dans la réalité du terrain institutionnel sans les moyens qui vont avec. Etienne Tshisekedi doit déstabiliser le pouvoir de Kinshasa et il risque de retrouver dans une situation où le fils de Kabila l'attaque pour atteinte à la sûreté de l'ETAT...
Une fois de plus, l'armée a choisi le camp du vainqueur officiel soutenu par les puissances du monde. N'est pas Ouattara qui veut. Au précédent ivoirien et gabonais s'ajoute désormais le précédent de la RDC.
L'élection pluraliste n'est donc pas l'expression d'une démocratie aboutie : il faut plus que de simples votes pour parler de démocratie - dans la mesure où ceux-ci peuvent être trafiqués, truqués ou simplement pas pris en compte dans l'expression du résultat.
Il y a en Afrique le résultat des urnes et le résultat politique, expression des forces en présence et celui qui tient l'Etat détient aussi le pouvoir de la proclamation du résultat - aussi pensons-nous que lors d'une élection présidentielle, il faudrait que le président sortant soit dépouillé de TOUS ses anciens pouvoir pour ne pas incliner le résultat de l'élection en sa faveur.
L'Afrique veut aller vers la démocratie à l'occidental sans en avoir l'esprit et les conditions juridico-matérielles. Nous avons une démocratie à inventer et elle doit nous ressembler pour qu'on l'exerce en harmonie avec notre intériorité et notre patrimoine culturel. Déjà que notre démocratie électorale ne s'appuie pas sur le projet comme en Occident mais sur l'appartenance identitaire...