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6 janvier 2013 7 06 /01 /janvier /2013 11:51
makokoiloo.jpgD'entrée de jeu, rappelons que le problème du tribalisme, de la tribalité, de la tribalisation, peu importe le concept, n'est pas propre au Congo puisqu'il met en feu et en sang une grande partie de l'Afrique. Et surtout, ailleurs, les choses sont compliquées car on peut ajouter par exemple le tribalisme religieux comme au Soudan. Il faut donc que l'analyse soit transposable ailleurs sinon, elle n'est pas pertinente.

Il importe ici d’analyser d’abord correctement le problème avant d’envisager la moindre solution car si l’on fausse le diagnostic d’une maladie, la panacée ne peut être appropriée.


La politique est comme un Janus à deux faces. Pile : le glaive de la division ou la mort sociale. Face : la paix. A manier avec discernement et beaucoup de précaution. Le débat sur ladite tribalité associe cette dernière au développement. Or, on ne peut se développer dans la haine ou dans la division. Et surtout, la solution ne peut apparaître clairement que si le problème est perçu correctement. Nous nous contentons ici de décrire le phénomène. Nos solutions pour enrayer le tribalisme politique existent mais ce n'est pas ici le propos. La politique doit donc être comme un arc tendu vers un équilibre qui ne doit être rompu pour que la cible ne soit manquée. Certes, le glaive prépare souvent la paix mais faire de la politique, n'est-ce pas l'art d'éviter le versant pile du Janus ? Le glaive doit être le dernier recours si la paix s'avère impossible autrement.
Tribalisme. Un concept en "isme" qui renvoie à une doctrine. Or, une doctrine est toujours le fait des élucubrations d'une élite. Ici, le tribalisme ne peut être envisagé que par son lien à la politique dans un contexte de multi-ethnisme. S'il n'existait qu'une ethnie au Congo, on parlerait certainement de "clanisme" ou favoritisme d'un clan par rapport à tout le reste  des clans au sein d'une même ethnie  comme le tribalisme serait le favoritisme d'une ethnie par rapport à toutes les autres ethnies par un souverain.
Partons d'une période avant  la colonisation et avant l'indépendance. La complexité de nos sociétés avait atteint le niveau de royaume avec la connexion de plusieurs pays (tsis regroupés). Un pays, c'était plusieurs tribus avec une reconnaissance linguistique, spatiale et culturelle bien déterminées  avec une chefferie et des notables. Deux tribus pouvaient juste se distinguer par l'espace, la langue et la culture étant à peu  près la même. A l'intérieur des tribus, on trouvait des clans, à l'intérieur des clans, des lignages, des lignages, des familles et des familles, des individus. Voilà, le décor planté. Vivant en autarcie, les tribus ont souvent des contingences frontalières sujettes à des conflits mais dans l'ensemble, ils vivent en harmonie, s'échangeant sel contre ivoire ou viande contre poisson ou manioc, etc.
Nul chercheur, nul historien n'a jamais évoqué de tribalisme à cette époque et d'ailleurs, cela eût été impossible car le tribalisme ne peut apparaître que dans le contexte d'une république, d'une nation forgée volontairement où il y a mise en commun d'un destin de plusieurs ethnies qui ont décidé de tout partager, d'avoir un même destin.
Les problèmes de frontières sont assez simples à comprendre : comme les terres sont vitales, chaque tribu essaie d'avoir des frontières un peu plus grandes que sa voisine en empiétant sur les territoires les plus giboyeux ou les plus fertiles. La royauté a permis de dépasser ce contexte. Et comme l'appréciation de l'espace et des frontières est plus ou moins aléatoire, il arrive qu'un conflit éclate.
A l'époque de la tribu, l'identité est clanique puisque chaque tribu évolue dans un espace territoriale et culturel qui lui est propre et on parle à juste titre de "pays téké", de "pays kongo", ngala, nsoundi, et, à l'intérieur de ces tsis ethnisés, l'idenité est clanolignagère - même si cela ne déroge pas à une solidarité globale plus grégaire.
La question de l'identité est capitale dans l'analyse du phénomène car on a affaire à plusieurs identités : identité clanique, tribale ou nationale après les indépendances. On est comme moi moussi Makanda mwana Minzoumba dans un régime matrilinéaire. Si la mère est Makanda, on est Makanda et fils de l'ethnie du père (mwana X). Ainsi, le professeur Lissouba dont la mère est Makanda est un Makanda comme moi. Entre membres d'un même clan, on se doit systématiquement assistance. Entre membres d'une même tribu, on se doit aussi assistance, ainsi de suite.
Pour illustration, lors des événements tragiques de 1997, ma soeur s'enfuit au Gabon avec sa famille. Quand elle arriva au Gabon, elle rencontra des Punus, des Tsanguis, des Nzébis (ici, il faut comprendre que le clan ne s'apparente pas à une seule langue : il arrive qu'une Makanda parle nzébi parce qu'elle est mariée à un nzébi et qu'elle vit en territoire nzébi - alors qu'elle est Punue). Dès qu'elle disait qu'elle était Makanda, les membres du clan Makanda la recevaient à bras ouverts, lui apportant le gîte et le couvert à elle et à toute la famille. Certains pleuraient car on leur contait que les Punus s'étaient séparés à Divénié au Congo et qu'une partie des membres de tous les clans était restée en terre congolaise, la terre d'origine  des Punus, tandis que l'autre était allée au Gabon. C'était comme si l'histoire venait à eux dans un élan certes tragique mais combien édifiant. Cependant, il faut reconnaître que la solidarité humaine est inversement proportionnelle à la taille des cercles concentriques : plus le cercle est grand moins la solidarité est grande.
Il y a plus de solidarité au sein d'une famille qu'au sein d'un lignage composé de plusieurs familles et il y a plus de solidarité au sein d'un même lignage qu'au sein du clan composé de plusieurs lignages. Ainsi de suite. Ici, c'est simplement une loi naturelle. Les chefs de tribus ont la lourde tâche de veiller à ce qu'on n'oublie pas la forme de solidarité la plus large en évoquant sempiternellement les ancêtres et l'immuabilité de leurs valeurs traditionnelles.
Certains s'émerveillent devant les pyramides d'Egypte, moi, je m'émerveille devant l'ingéniosité du fonctionnement du lignage qui factorise les catégories : il y a une classe des mères composées de toutes les cousines matrilinéaires, une classe des fils, des pères, de sorte que la disparition de son père n'est pas la disparition de la classe des pères qui reprend le rôle du disparu. Idem pour la disparition d'une mère. Certaines tribus pratiquaient le lévirat ou le sororat en prolongement de cette doctrine des classes : comme l'époux est mort mais que la classe des époux demeure, il suffit de remplacer l'époux par un de ses frères.
Dans les langues bantoues, le mot cousin n'existe pas. Vous pouvez vérifier. Idem pour le mot oncle qui est traduit ou  par "père" ou par "mère mâle". C'est la puissance de la relation sociale qui fait la vitalité de ces types de société. En effet, ce ne sont pas des sociétés qui privilégient le développement par le travail. Le produit du travail est retranscrit dans une symbolique relationnelle : quand j'apportais quelques denrées alimentaires à ma grand-mère, elle les divisait en autant de maisons dans le lignage. Comme le lignage est basé sur la reconnaissance d'un ancêtre commun et le clan sur un ancêtre imaginaire, elle ne se préoccupait pas du clan qui était souvent trop important en taille. C'est elle qui me fit comprendre la prééminence de la relation sur la consanguinité directe. Tout se passait comme si on essayait tout le temps de lutter contre la distance consanguinitaire qui est source du "bourandou" qui est ici une sorte de "tribalisme lignager". Entendons bien que cette non traduction du lignage dans les actes de partage ou bourandou chez les tsanguis est le fait de l'individu seul et non de la société et la société lutte sans cesse contre ce phénomène.
Arrive la colonisation qui amène les individus à avoir une personnalité moins grégaire, moins appuyée sur le lignage ou le clan mais plutôt sur le travail qui met en rapport gain et individu : le salaire est versé à titre individuel dans la société coloniale et postcoloniale.  C'est le début de l'affirmation de l'individualisme.
Différentes tribus cohabitent à Brazzaville - se regroupant sur une affinité  spatiale tribale certes mais en parfaite cohabitation avec compénétration de ces espaces de sorte qu'un Mbochi pouvait vivre à Bacongo et un Lari à Ouenzé sans problème. Il n'y a pas à ce niveau de tribalisme car le tribalisme est un favoritisme qui transforme les droits de tous en privilèges au profit de son ethnie personnelle et si vous appliquez cette définition correctement à tous les présidents de la république, tous ont pratiqué le tribalisme : Youlou était tribaliste politique, Massambat-Débat aussi à un degré moindre, Ngouabi l'était aussi, lui qui consacra la doctrine, Yhombi, Sassou, Lissouba, tous sans exception !
Ce comportement n'apparaîtra qu'avec les hommes politiques qui exploiteront le sentiment d'appartenance ethnique à des fins de conservation du pouvoir. Quand surgissent de la nuit des concepts les premiers partis, l'inconscient collectif les assimile aux ethnies et des regroupements naturels se font comme lors des guerres d'autrefois où une ethnie se réunissait pour se liguer contre une autre. Comment ne pas choisir un membre de sa tribu devant un membre d'une autre tribu ?  La chose est incompréhensible au début des indépendances. L'homme n'est pas encore identifié à son projet social en politique mais plutôt à son identité primaire ethnique et c'est un phénomène purement sociologique. 
Ici, vous allez comprendre que les hommes politiques vont exploiter un élément de notre kimuntu, de notre humanisme, de notre personnalité. Avant l'arrivée du colon français, la personnalité individuelle devait se diluer dans la personnalité collective, qu'elle soit lignagère, clanique ou tribale. La personnalité collective ou ethnique que le colon avait contenue en individualisant la personnalité par le salaire, revient à la surface. C'est du domaine de la politique et non du social car dans les cités, les Mbochis épousent les Laris, les Kongos épousent des Vilis, etc. Le mariage lui-même se modifie en faisant germer la notion du mariage d'amour.
Le sentiment d'appartenance ethnique est plus fort que le sentiment d'appartenance nationale car d'un côté, il y a un sentiment qui s'appuie sur des valeurs ataviques, de l'autre, il y a une construction abstraite qui vient de voir le jour parce que le colon a décidé de laisser un membre de l'ensemble des individus devenus citoyens régir le destin de tous. C'est là qu'on lui rappelle à l'appartenance ethnique et à ses codes de solidarité mais ici, la mise en commun des destins, des terres, des avantages sociaux, est nouvelle et à la fragilité du citoyen nouveau-né vient se greffer une personnalité qui va fausser le jeu de la constitution nationale sur le plan politique.
C'est ici qu'apparaît le tribalisme politique car les politiciens pensent qu'en jouant sur le sentiment grégaire tribal, ils peuvent conserver le pouvoir indéfiniment sur le principe du diviser pour mieux règner mais cela à un prix : la transformation des droits sociaux à peine nés de l'indépendance nationale en privilèges ethniques et comme la conservation du pouvoir se fait par le contrôle des fonctions de décision hautement entourées de privilèges, dans la logique, le sommet social est tribalisé : d'abord l'armée puis la police, ensuite l'administration, enfin tous les postes importants. Vous verrez que pour les postes subalternes ou techniques, il est peu importe que l'on soit du sud ou du nord. On s'en sert pour pourvoir l'armée, la police, l'administration, etc. Hélas, un tel système ne peut que conduire aux coups de force, aux coups d'Etat.
Le tribalisme n'est donc pas sociétal car il ne naît pas dans la société  civile qui elle en se parant de modernité continue à vivre sur le modèle de l'individualité un peu plus âgé que la citoyenneté sur fond de solidarité ethno-lignagère normale puisqu'elle se base sur le travail de l'individu et non sur le patrimoine commun.
J'espère que ce texte ne sera pas d'une intelligence trop difficile car il ne m'est pas possible de simplifier un peu plus. J'essaie d'écrire pour tous mais contenter toutes les cibles, c'est  parfois difficile. Le tribalisme politique détourne le patrimoine commun au profit d'une ethnie pour renforcer le sentiment d'appartenance ethnique et créer une adhésion de fait, une adhésion de groupe à un projet inique. Cette solidarité restreinte crée évidemment selon la loi de la solidarité humaine évoquée supra une très forte solidarité, un soutien indéfectible du président de la république par les membres de son ethnie ; ce qui amène les autres ethnies à espérer qu'un des leurs arrivera à son tour au pouvoir pour qu'enfin ils jouissent aussi des droits de tous devenus privilèges ethniques. "C'est notre tour, c'est notre pouvoir", s'écria un ministre, quand Lissouba arriva au pouvoir.
Souvenez-vous ce que j'ai dit sur le symbolisme du matériel face à la puissance de la relation. Les privilèges  accordés aux membres de son ethnie par un chef d'Etat renforcent symboliquement le sentiment d'appartenance ethnique tout en affaiblissant le sentiment d'appartenance nationale à cause de la mise en commun du patrimoine national par des Constitutions nationales jamais respectées. Ce qui fait du tribalisme politique un phénomène cyclique.
Pour triompher du tribalisme politique, il faut regarder la voie suivie par les peuples aujourd'hui démocratiques : "La justice sociale sous un puissant contrôle sociojudiciaire". On oublie bien vite qu'en France, il y avait des "tribus" : Gaulois, Arvernes, Celtes, Normands, Mérovingiens, Bourbons, Bretons, Corses, Alsaciens, etc. Comment est-on parvenu à faire de toutes ces "tribus" une nation démocratique ?
En étudiant le fonctionnement des sociétés démocratiques, vous ferez comme moi la même observation : "Quand les droits et les devoirs de tous sont fermement garantis par la loi qui assure leur inviolabilité, peu importe l'origine de celui qui prendra le pouvoir". Il ne nous reste qu'à réfléchir - surtout après cette analyse qui met en lumière nos relations et nos représentations - comment faire pour instaurer une justice sociale qui garantisse les droits et les devoirs de tous - quel que soit l'individu qui arrive au pouvoir. Quand la force juridique développe toutes ses potentialités dans l'intérêt de tous, une société se dirge - à coup sûr - vers la démocratie. Et de quoi s'agit-il ? Il s'agit du fait que tout acte posé - notamment en politique - devient conforme à son ossature juridique qui le sous-tend.
Pour faire simple, la démocratie est aussi une dictature mais une dictature de la loi dans l'intérêt de TOUS et pour les intérêts de TOUS. C’est cette bonne dictature qu’il nous faut. On peut – tout en restant originaux, s’inspirer des solutions qui ont marché chez les autres. N’oublions pas que même en Europe, la démocratie n’est pas si vieille que cela et que l’histoire de ce continent a connu avant un long passage tumultueux parce que belliqueux. La démocratie a depuis le départ été bâtie sous l’ombre de royaumes conquérants et belliqueux comme Sparte ou Rome. Nous n’avons pas à rougir de notre histoire ; il faut simplement trouver les bonnes méthodes pour arriver à la JUSTICE SOCIALE et à la DICTATURE DE LA DEMOCRATIE.
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