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20 novembre 2013 3 20 /11 /novembre /2013 19:47

Certains croient que lorsqu'on entre dans la lutte politique, le but avoué ou inavoué est la conquête du pouvoir en vue de la satisfaction d'une ambition personnelle. Il est possible que cela soit le cas pour quelques-uns à l'ego démesuré mais certains se contentent comme nous d'user de la critique sociale pour conduire à un changement social par la mutation d'un état mental collectif. Voltaire, Rousseau, Hugo, Montesquieu, Montaigne et tant d'autres penseurs étaient des hommes de lettres ou de science qui ont inspiré un nouvel idéal social qui a transformé la royauté en république et la république en démocratie. La société idéale apparaît comme la somme des luttes sociales alimentées par des libres-penseurs.

On adhère à un parti ou à un organisme lorsque vos idées, votre vision de la vie, de la société, du progrès, de l'humanité y sont représentées. Mais qu'advient-il lorsque votre vision des choses est originale, authentique, c'est-à-dire non incarnée par une structure ? On crée un parti, un mouvement, une structure afin de faire triompher sa vision des choses. Marx a par exemple imaginé le communisme scientifique mais n'a jamais appliqué personnellement la dictature du prolétariat quelque part ; c'est Lénine qui l'a fait à sa place. Aujourd'hui, plus que jamais, nombreux pensent que Marx n'avait pas tort - même s'il n'avait pas totalement raison.

Pour notre part, pourquoi écrivons-nous ? D'abord pour libérer la parole bâillonnée dans notre pays car si la presse était libre, nous passerions notre temps à lire et il est plus facile de lire que de penser, que de réfléchir ou d'écrire pour édifier ses contemporains. La satisfaction d'un penseur qui combat pour une noble cause est de voir que ses idées font du chemin et prennent vie ici ou là, en dépit des résistances systémiques. Il ne suffit pas d'avoir raison pour triompher ; encore faille-t-il avoir les moyens d'amener votre idéal à la victoire. Vos idées sont comme une monture qui a besoin d'un bon cavalier pour aller là où vous voulez qu'elles aboutissent.

Lorsque les idées pénètrent doucement les esprits et deviennent des schèmes, la mutation mentale est en marche et tôt ou tard, elle finira par se traduire en faits sur le terrain. Mais même lorsque les foules renversent un système oppresseur, il faut encore qu'elles trouvent la structure la plus apte à remplir l'idéal collectif. Vous avez l'exemple de la Tunisie si vous voulez approfondir la question : la révolution de jasmin a tourné à l'absinthe, faute d'avoir préparé l'élite qui aurait pu incarner ce beau mouvement collectif. Il ne suffit pas de se préparer à renverser les dictatures ; il faut parallèlement préparer une élite adéquate qui servirait la noble cause défendue par tous.

Mon propos après cette longue digression est de disserter sur un paradoxe : celui de la croissance en Afrique comparée à la même catégorie inventée par les économistes en Europe. On se contentera de comparer deux pays, la France et le Congo - parce que je peux m'y risquer puisque le premier est mon pays d'accueil depuis plus d'un quart de siècle et l'autre est ma patrie d'origine.

Il n'y a pas un seul discours de fin d'année de monsieur Denis Sassou Nguesso où l'on ne nous brandit pas la croissance du pays tantôt à deux chiffres ou s'en rapprochant comme un indicateur de bonne santé de l'économie nationale. Seulement voilà, nous ne partageons pas cette vision de l'économie moderne car nous avons pour indicateur le bien-être de la population qui se traduit dans l'assiette, dans son aspect physique, son éducation, sa santé, la qualité de son logement et de son environnement, bref son capital bien-être individuel et collectif.

En France, avec moins de 1% de croissance, les petits Français ont tous ou presque à manger, ont bonne mine, étudient dans de bonnes écoles, mangent à la cantine et sont soignés gratuitement. Et pas que les enfants d'ailleurs. Et que penser lorsqu'on sait qu'ils sont plus de 65 millions là où nous sommes à peine quatre millions étrangers compris ? Avec cette petite croissance, toutes les routes des villes sont bitumées, il y a de l'électricité et de l'eau partout, des universités et des instituts dans toutes les grandes villes, et j'en passe. Chez nous, une grande ville comme Pointe-Noire de près de 800.000 habitants n'a même pas une seule université, là où une petite ville comme Grenoble a plusieurs universités et instituts - sans compter les centres de formation.

Au Congo, avec une croissance pouvant atteindre 8%, les marmites et les assiettes de 90% de la population congolaise sont vides ; les Congolais n'ont même pas de l'eau potable, les écoles sont en piteux état, la vie est si chère qu'on en vient à se demander si les économistes ne se sont pas trompés quelque part dans leurs analyses : comment la même croissance peut-elle générer bonheur, prospérité et bien-être collectif en France, même lorsqu'elle est faible et correspondre à une pauvreté absolue au Congo où elle est pourtant très élevée ? J

Vous pourrez me rétorquer qu'il y a d'un côté un pays démocratique et développé, le développement étant souvent favorisé par le fait démocratique, et, de l'autre, au Congo-Brazzaville, la pire des dictatures du monde avec à sa tête un homme qui disperse à tous les vents le denier de son pays comme s'il avait perdu la mesure des choses. Y a-t-il des surhommes d'un côté et des sous-hommes de l'autre ? Non ! Tout est dans la conception du système, du processeur social qui a mis en avant les droits et les devoirs de tous ici, et qui les dilapide là. Si d'un côté, on conçoit le capitalisme comme un outil de progrès social, l'Etat veillant à ce que chacun contribue selon ses revenus au bien-être collectif, de l'autre, l'Etat a été privatisé et complètement déconnecté des exigences du peuple. Les pays développés n'ont pas seulement une mentalité qui garantit par la loi les droits et les devoirs de tous mais ils vont chercher dans vos poches l'argent nécessaire au bien-être de tous : faites des affaires mais vous payerez des impôts, des taxes et on vous obligera à payer des salaires décents ainsi qu'à investir une partie de vos bénéfices sur place. Quant aux actionnaires, ils vont aussi payer quand ils reçoivent leur part du bénéfice. L'Etat jugule donc dans les pays développés le capitalisme le plus concurrentiel qui aspire au libéralisme et c'est à ce niveau que Marx n'a pas totalement raison.

Au Congo, il y a peut-être 8 ou 10% de croissance mais toute cette croissance ne sert pas le pays à bon escient. Le système économique n'est pas bâti sur un mode d'exploitation et de production industrielles mais sur une économie de rente qui ne profite qu'à une caste depuis plus de cinquante ans.

Vous avez compris qu'il faut changer quelque chose pour que la croissance signifie la même chose chez nous et en France. A moins qu'il s'agisse d'une façon différente d'exploiter socialement la croissance ici et là. Quand votre économie est tenu à 90% par des étrangers, votre pays est pillé puisque tout l'argent qu'on y engrange est destiné à sortir. Il faudra changer cette façon de faire et ce n'est pas parce que nous le disons qu'il nous revient de le faire mais quoi qu'il en soit, il faudra une nouvelle élite politique patriote au Congo pour que les choses changent. Sassou et les membres de son clan ne sont pas tout simplement à la hauteur des enjeux.

Le Congo est la terre du kimuntu où l'homme valait mieux que tout l'or du monde puisqu'il était le bien absolu, l'expression de la richesse la plus noble. Vous pouvez ou ne pas me croire mais vous devez savoir que la plume de l'oiseau quetzal valait plus que l'or chez les Incas qui s'étonnaient de voir les Espagnols si préoccupés d'amasser de l'or et de tuer pour cela.

Il s'agit, pour nous Bantus, de replacer l'Homme collectif au centre de l'échiquier politique. En Europe, ils sont pourtant plus individualistes que nous mais pourquoi ça se passe mieux chez eux ? Parce qu'ils respectent plus la vie et la condition humaines dans leurs sociétés que nous ne le faisons et l'Etat se charge d'en imposer à tous pour que le niveau de vie global soit digne des homo sapiens sapiens que nous sommes. 

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commentaires

M
<br /> Bjour LDM! Oui, bonne réflexion qui est à propos. Elle pose le problème de l'adéquation "Formation et logique". Ou le problème de l'inadéquation entre formation et emploi et logique qui a<br /> entrainé le placage des notions surtout avec la "scientifisation" de l'Economie politique. mais l'espoir nous arrive à grands pas, qui entraine avec lui les outils de correction de cet état des<br /> faits. Le Congo a désormais 4 agrégés nouveaux en sciences économiques et de gestion, ils pourront faire quelque chose... vous aurez saisi mon inquiétude, d'un système qui va continuer de<br /> dériver....<br /> <br /> <br /> le concept de croissance sert surtout la prétention scientifique d'une discipline qui a tendance à récuser son caractère social. Elle veut des quantités mathématiques. dans un petit pays d'Asie,<br /> on a remis ce concept en cause et inventer pour lui le concept inédit de "Bonheur national  brut" en lieu et place de l'indicateur quantitatif imposé de "Produit national brut". C'est<br /> simple, dans ce petit pays, on a compris que le "Produit" peut ne pas correspondre à la réalité sociale. les Africains s'accrochent comme de très bons élèves à un concept quantitatif comme pour<br /> plaire à leurs maîtres. Un tas d'agrégés en économie n'ont pas encore pu faire prendre conscience de l'inconsistance de cet agrégat pour notre réalité sociale.<br /> <br /> <br />  <br />
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L
<br /> <br /> Mon cher Mwangou,<br /> <br /> <br /> Bonjour.<br /> <br /> <br /> Comme toujours, tu nous laisses des commentaires avisés. Nous saluons le fait que nous<br /> ayons de nouveaux agrégés congolais en sciences économiques mais tu as mis le doigt sur l’essentiel puisque ce qu’ils vont enseigner ne sera qu’une imitation de ce qu’ils auront appris des<br /> banques de données de savoir et de savoir-faire de l’occident. Oui, nous consommons de la connaissance, la chose la plus facile à inventer, puisque son terreau – la nature - est là,<br /> donné, jeté, livré à notre observation, à notre intelligence, comme on consomme de la tomate importée ou comme on se rue sur du bœuf d’importation. C’est comme si toute ton imagination<br /> avait été mise dans un bocal pour t’empêcher de penser la réalité puisque et dans le bocal, l’occident y a placé les « ombres » de la caverne de Platon sur laquelle nous nous<br /> concentrons. Or, hors du bocal, qu’y a-t-il ? La réalité, la vraie, celle sur laquelle on devrait coller une certaine conception qui lui sied comme une seconde peau.<br /> <br /> <br /> La science économique n’a pas prévu la crise des subprimes aux Etats-Unis – là où une<br /> journaliste américaine l’a vue venir ; ce qui pose des questions car il n’y a SCIENCE que là où il est possible de prévoir en tenant compte des lois du réel. C’est pour cela<br /> qu’il est impossible de parler de « sciences sociales » ou de « sciences de l’histoire ».<br /> <br /> <br /> Nous devons booster notre recherche et l’orienter vers des objectifs spécifiques –<br /> sans pour autant se départir des avancées de la science occidentale. IL EST TEMPS DE PRODUIRE NOTRE PROPRE CONNAISSANCE COMME NOS MERES PRODUISENT LEUR PROPRE MANIOC.<br /> <br /> <br /> Les sciences sociales ou économiques de l’occident véhiculent ses valeurs, ses vices<br /> aussi, sa vision du monde de domination, de consommation frénétique de la substance du monde qui s’épuise très  vite juste pour que quelques-uns aient des bouts de papier avec des zéros sur<br /> leurs comptes. Qui a dit que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » ? On ne ruine pas seulement sa propre âme mais aussi celle d’autrui, celles des milliards<br /> d’habitants. En Europe, l’eau est intoxiquée parce qu’on la nettoie à l’aluminium ; or l’aluminium se fixe et s’accumule au niveau di cerveau provoquant à la longue la maladie d’Alzheimer<br /> qu’on trouve surtout en Europe. Même les tétines des bébés contiennent des substances toxiques. C’est pourquoi je dis qu’il est temps d’arrêter de copier aveuglément la culture occidentale.<br /> N’avons-nous pas notre propre libre-arbitre ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Le terme ECONOMIE si on le prend au sens vulgaire veut dire « parcimonie »,<br /> dépense contenue pour préserver un capital – notamment matériel, environnemental, voire humain. Or l’économie moderne travaille et encourage une industrialisation effrénée qui finira à la longue<br /> par épuiser toutes les richesses de la planète. L’économie moderne est bâtie sur la gloutonnerie, l’envie de produire pour produire – même lorsqu’il y a déjà sur le marché trop de choses à<br /> consommer ; elle est donc en contradiction avec le bon sens. L’économie est à mon humble avis la science qui calcule et prévoit les besoins humains à leur juste valeur pour définir une<br /> production qui préserve la planète. On produit trop et derrière, on vous embrouille le cerveau avec du marketing pour que tu aies trop d’appareils surtout numériques qui font souvent les mêmes<br /> choses…<br /> <br /> <br /> <br />

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