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25 janvier 2007 4 25 /01 /janvier /2007 14:20

Cher X,

il y a à mon humble avis deux sortes d'histoire : une histoire passive et une histoire active ou histoire construite. Par histoire passive, j'entends une histoire qui se fait au travers de facteurs exogènes comme la colonisation, la conquête, la guerre, etc. Par histoire active, j'entends une histoire volontariste, construite qui ne laisse pas la nature faire l'essentiel des événements mais qui force les choses, les assujettit et modèle les structures humaines selon la culture d'une certaine volonté de domination. En gros, les deux histoires se chevauchent, s'entretiennent jusqu'à se normaliser dans des formes assez supportables comme nos fausses indépendances...

Ces deux concepts sont très essentiels pour comprendre ce que sont les peuples africains et les peuples colonisés en général et le peuple congolais en particulier. Nous avons subi l'esclavage, la colonisation et une forme plus subtile de colonisation appelée "néocolonisation" qui est tout simplement une colonisation féodalisée. Explication : la féodalité est un système politique dans lequel le vassal a une structure sur laquelle il règne au nom d'un souverain plus grand qui ne peut pas exercer son autorité lui-même car il n'a pas le don d'ubiquité pour être partout à la fois. La colonisation féodalisée est comme une sorte d'autonomie proclamée mais dans la réalité, c'est le système dominant qui exerce les grands choix structurels pour le compte de la satisfaction de ses propres intérêts. De manière plus diplomatique, ça s'appelle donner "l'indépendance". Mais tu conviendras, l'indépendance ne se donne pas mais s'arrache et tout ce qui en politique est prétendu "donné" est souvent un leurre. Ce qui est pris par la force ne peut être repris que par la force mentale ou juridique. Cependant, dans le cas des colonies, il n'y a ni force militaire suffisante pour discuter d'égal à égal avec le colonisateur, ni assez de puissance internationale pour faire entendre sa voix, vu qu'on est une entité qui vient à peine de se créer par le biais de l'indépendance. Le point le plus fort de ces soi-disant indépendances est le suivant : des pays comme le Congo héritent d'un système qu'ils n'ont pas créé, un système qui a été conçu pour enrichir son créateur et cela continue en dépit des apparences. Par quoi ? D'abord le pouvoir monétaire. Pourquoi y a-t-il toujours le franc CFA ? "CFA", je te signale signifie : "Colonie Française d'Afrique". Alors, comment expliquer que les ex-colonies françaises sont toujours au franc CFA dont la validité internationale est garantie par le franc français ou l'euro ? Avant même le passage à l'euro, la France a pris les précautions d'assurer la convertibilité de cette monnaie "cfatique" en euro. Je t'explique le topo : avant l'euro, nos recettes extérieures étaient d'abord converties en francs français; ce qui a permis à la France d'opposer un embargo financier à Lissouba, chose qui n'aurait pas été possible si le Congo avait sa propre monnaie convertible en dollar. Cependant, le système de la maintenance du franc CFA a un prix que la France paie pour maintenir un taux de change fixe car toute monnaie libre est soumise aux fluctuations du dollar. Pour le franc esclave CFA, c'est le franc maître qui subit les secousses. Tu dois savoir que le franc CFA n'est pas convertible directement en franc français mais seulement en franc suisse ! Je te souhaite une grosse dose d'ingéniosité pour comprendre le truc ! En fait, c'est simple ! Si c'est directement convertible en franc français, on comprendra tout de suite que la colonisation continue mais par un détour chez les Suisses qui sont les rois du secret financier, cet argent peut secrètement entrer en France incognito. Le franc suisse n'est pas franc pour rien : pour comprendre tout ça, il faudrait remonter à Napoléon car il voulait annexer la Suisse à la France mais c'est une autre histoire.... Je te souhaite une grosse dose d'ingéniosité pour comprendre le truc ! En fait, c'est simple ! Si c'est directement convertible en franc français, on comprendra tout de suite que la colonisation continue mais par un détour chez les Suisses qui sont les rois du secret financier, cet argent peut secrètement entrer en France incognito. Le franc suisse n'est pas franc pour rien : pour comprendre tout ça, il faudrait remonter à Napoléon car il voulait annexer à mais c'est une autre histoire....

En gros, nous sommes un pays indépendant mais sur le plan du système monétaire, nous sommes toujours une colonie ! Et ça, De Gaulle l'avait bien compris, lui qui grâce à son fidèle lieutenant Foccart s'assura que ceux qui dirigeraient les colonies françaises seraient bien des agents de la France comme Bongo, Houphouët, Youlou, Senghor, Bokassa, tous avaient servi la France d'une manière ou d'une autre, avaient la nationalité française (y compris notre Lissouba national) et avaient été installés dans leur fauteuil par la France qui en sourdine organisait des semblants d'élections. Militairement, elle a gardé des camps en Côte d'Ivoire, au Gabon, à Bangui, etc. Elle avait donc encore une emprise militaire sur ces ex-toujours colonies et pouvait intervenir quand bon lui semblait pour renverser ou maintenir des régimes politiques. Elle l'a fait directement ou indirectement au travers de mercenaires comme un certain Bob D...

Le système construit par la France a introduit la culture et  la technologie françaises et pour cela, les pays colonisés ont besoin que la France soit encore technologiquement au pouvoir. La France nous tient donc par les finances, par la technologie, par la culture car presque tous les cadres sont formés par la puissance colonisatrice française qui avait un centre de formation à Brazzaville. Sais-tu que la France formait tous les cadres de l'Afrique centrale à Brazzaville et les envoyait là où elle voulait, en fonction des besoins ? Youlou se trouvait au Gabon quand les Français sont allés le chercher...

La colonisation encore un côté qu'il te faut comprendre : il s'agit d'une structure totalement abstraite, construite car avant, n'existaient que des ethnies, des tribus et des embryons de royaumes qui avaient fortement été affaiblis par l'esclavage. Souvent, à cette époque, on voyait des mulâtres exercer le rôle de chef car ils avaient du sang blanc et n'étaient donc pas totalement noirs. C'est la colonisation française qui pour ses besoins regroupe les hommes pour créer les premières villes comme Brazzaville. Ces hommes ne sont pas là au départ de leur propre gré, ils y sont pour le travail forcé colonial, ils sont forcés de se parler, de se connaître par solidarité mais qui sont-ils dans leur esprit ? Des Vilis, des Lumbus, des Saras venus construire le chemin de fer, etc. Ce ne sont pas encore des Congolais puisque l'entité Congo comme telle n'existe pas. Ces hommes sont encore attachés à leur identité clanique, tribale, à leur  terroir, à leur tsi. Quand on interroge quelqu'un qui vit à Brazzaville, il répond qu'il est de Mouyondzi, de Boko, alors même qu'il est né à Brazzaville ! La colonisation n'a pas fait de ces colonisés pendant cette période des Français à part entière ; on le proclame mais dans la réalité, seuls quelques individus ont ce privilège comme Eboué, Houphouët, Senghor, etc. Il y a donc une déstructuration de la personnalité identitaire du colonisé. Il n'est pas un esclave sinon, on lui aurait enlevé toute identité ; sur ses papiers officiels, il est nzabi, kongo, lari, vili, yaka kamba. On lui laisse cette identité car seul compte qu'il se soumette au travail forcé, qu'il soit au service du colon pour l'exclusif intérêt de celui-ci. L'entité géographique qu'on nomme Congo, tu le sais, résulte du découpage de l'Afrique par les grandes puissances. Il n'a pas été tenu compte du découpage ethnique ; ce qui fait qu'il y ait par exemple plus de Punus (Eschiras) au Gabon qu'au Congo. On n'a pas tenu compte si le plus gros de la famille ou clan tel était plus ici ou là, on a taillé dans le vif, on a créé des entités abstraites qui deviendront plus tard des nations, le Congo, le Gabon, l'Angola. Tu dois te demander comment le Cabinda qui fait partie du Congo est une enclave angolaise, alors même que l’Angola est à des kilomètres. Il faut remonter au partage de l'Afrique et des accords en la France et le Portugal. Bref, voilà, notre Afrique qui a totalement subi son histoire car elle ne la contrôlait pas. Tu comprendras pourquoi le tribalisme persiste car même si nous nous reconnaissons "Congolais", dans notre subconscient, nous sommes encore des personnalités tribales et c'est par la force des choses que nous vivons ensemble. Nous ne sommes pas encore passés d'un Congo psychologiquement abstrait à un Congo  psychologiquement concret. Tu me diras : "Mais nous vivons ensemble, nous nous marions entre ethnie, etc." Et alors ? N'était-ce pas déjà le cas à l'époque coloniale ? Le fait de vivre ensemble ne suffit pas pour créer un sentiment national. En France, Napoléon, par ses guerres, sa grande armée, où il fallut que les uns veillassent sur les vies des autres, a permis de consolider le sentiment d'être français. Il a pratiquement doté la France de son premier véritable droit civil qui prévaut encore.

Y aurait-il eu un facteur qui nous aurait permis de nous rassembler, de nous sentir plus proches les uns que les autres ? Oui ! Un facteur religieux. Hélas, nous sommes tombés sur le christianisme, une religion sans ambition politique, une religion qui sépare les choses terrestres aux choses célestes, une religion de soumission qui ne développe pas l'instinct de rébellion, contrairement à l'islam qui a une portée politique plus grande, plus combattive, qui a exercé par ailleurs une prédication armée, violente. Pour preuve, il n'y a pas de nation chrétienne, alors qu'il y a au moins un état islamique avec l'Iran, l'Arabie saoudite, etc. La religion chrétienne a autorisé l'esclavage ; l'église apostolique elle-même a eu ses esclaves. De toute façon, c'est à cause d'un prêtre, Bartholomé De Las Casas qui voulait éviter la disparition des Indiens  que nous avons eu droit à l'esclavage ! Je t'expliquerai plus tard si ça t'intéresse.

Enfin, le dernier aspect des contextes démographiques spécifiques comme celle de la pluralité ethnique, de toutes ces peuplades peu enclines à la guerre, à la résistance, à ces populations qui se satisfont de peu, qui ne comprennent pas que cette nouvelle entité créée de façon abstraite pour des intérêts particuliers, pour les intérêts français, deviennent une vraie nation, un vrai ensemble solidaire. Pour que cela arrive, il faut un vrai chef d'Etat qui prenne conscience de cette réalité et qui instaure une justice sociale pour que chacun, chaque Congolais se sente membre à part entière du tout, de ce Congo. Or, à quoi assiste-t-on ? A une distribution ethnique de privilèges socio-économiques ; ce qui renforce que le "Congo", le pays n'est qu'un être virtuel qui fonctionne toujours comme avant : avant, elle discriminait des indigènes pour des Français, aujourd'hui, elle discrimine des ethnies pour une autre ethnie. On ne construit pas un peuple homogène, une nation sur des bases discriminatoires. La conscience d'être un peuple, de quoi dépend-elle ? De la "justice sociale", de la solidarité, d'une vraie éthique politique qui prélude à la démocratie, d'un partage, d'une volonté politique qui doit travailler à inscrire les "tables de la loi" nationale dans le cœur de tous les citoyens. Comment peut-on être un peuple quand le souverain vous divise, exactement comme le colon qui vous assimilait à des "Mbochis", des "Bembés", des "Tékés" pour que vous ne fassiez jamais un tout ? Dans les nations sous influence islamique, l'islam, a apporté un ciment religieux qui pouvait jouer dans le sens d'un dépassement des différences d'appartenance. Nous, avec le christianisme, ça été une expérience totalement différente : voilà une religion qui a une idéologie forte mais qui n'a pas réussi à la transformer en comportements sociaux définitifs qui passe dans la culture ambiante et s'enracine à jamais dans l'histoire d'une nation. En Europe, les valeurs chrétiennes se sont immiscées dans les valeurs culturelles de l'Occident. C'est la chrétienté qui a assoupli la dureté, l'inhumanité des valeurs du libéralisme. Cependant, c'est le fond historique de guerriers, de combattants pour la liberté face aux innombrables invasions barbares qui a renforcé ces peuples, qui leur a donné le goût de la liberté, l'idée qu'il est bon de combattre, de défendre la liberté, de mourir pour elle s'il le fallait, là où le christianisme leur demandait de tendre la joue droite ! Cela vient du moyen-âge où il fallait défendre la citadelle du seigneur à qui l'on appartenait. Le peuple congolais a l'impression qu'il n'y a rien à défendre en tant que peuple parce que tout est perdu d'avance. Après tout, notre indépendance ne vient pas de notre volonté à nous départir de la France mais d'une sorte de remerciement parce que les Nègres étaient allés mourir pour la France. C'était une façon qu'avait eu De Gaulle de nous faire partager sa victoire. Mais à quel prix ? Les colonisés avaient de fortes choses en commun : ils avaient la haine du colon, enduraient les mêmes souffrances, étaient exploités comme des animaux. Ils étaient parqués dans les mêmes quartiers et se saoulaient dans les mêmes bars, à l'heure une musique non ethnique apparaissait avec des chanteurs comme Wendo. A présent, c'est le peuple trahi et divisé qui n'a plus les ressources politiques et morales de se reconstruire en tant que peuple. Notre peuple n'est encore qu'à l'état de populace, pour que celle-ci devienne un peuple, il faut qu'il s'arme de ses droits. Or, au niveau international, ils ont déjà été donnés. Peuple congolais, porte tes droits et deviens ce que tu dois être ! Nous sommes encore ancrés dans notre personnalité bantoue qui place la vie, en elle-même au piédestal de l'importance, le « kimuntu », la vie assimilée à la nature humaine, se suffit, il suffit de vivre, quel qu'en soit l'état, même esclave, mais vivre, alors qu'en Occident, la vie en elle-même ne suffit pas puisque on lui adjoint les conditions matérielles qui l'environnent pour l'apprécier. Ici, un homme qui est pauvre n'est rien car la vie est quantifiée, chosifiée, réduite à sa capacité d'accumulation de richesse sociale. Prochainement, je te parlerai, des conséquences de cette vision des choses.

 

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commentaires

J
C'est plutôt étonnant !<br />
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M
Julie,<br /> bonjour. Qu'est-ce que vous trouvez étonnant ?<br /> M.I.L.<br />  

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