Au Congo-Brazzaville, les liens entre le régime qui dirige l'Etat et l'"opposition" dite radicale ou juste modérée ne sont pas aussi étanches qu'ailleurs dans les vraies démocraties : quand on s'oppose, on se situe à des idées diamétralement opposées et surtout, on ne collabore pas dans le secret avec le pouvoir - en se laissant corrompre de quelque façon que ce soit. En discutant avec un aîné, je viens de réaliser plusieurs choses qui font que le système politique congolais est gangrené par le même esprit politique ensemencé par le PCT et que seule une personne hors de ce monde de hyènes et de vautours peut sortir le Congo de l'impasse.
En ce moment, de nombreux membres du PCT comme ceux de l'opposition sont en vacances à l'étranger, notamment en Europe - certains dans les deux cas à l'aide de l'argent de l'Etat. Le peuple lui, n'a pas les moyens d'aller en vacances. Il est là, prostré, à subir les éléments, le froid, la faim, la soif, le chômage, bref, la misère.
Nous apprenons que de nombreux membres de l'opposition viennent faire des bilans de santé tous les six mois aux frais de l'Etat congolais - tandis que le peuple doit se contenter du mouroir national qui nous tient lieu d'hôpital ici ou là - parce qu'il n'a pas de quoi s'acheter des ordonnances.
Il est à noter que lorsque certains membres de l'opposition meurent - même lorsque la mort survient à l'étranger, il arrive que l'Etat congolais s'occupe de tout : du rapatriement à l'enterrement. Déjà quand ils sont malades, c'est souvent l'Etat qui les évacue sanitairement à l'étranger.
Nous n'osons même pas vous dire que nombre d'opposants vont prendre des nguiris (argent noir de la corruption) auprès du régime. La journée, ils portent la veste d'opposants, la nuit, ils tendent la main pour mendier...
A l'époque de Lissouba, de nombreux membres de l'UPADS venaient déjà en aide à leurs amis du PCT ayant des difficultés financières. Aujourd'hui, ceux-là leur rendent la pareille.
Nous constatons quelques faits notoires qui rendent encore plus suspecte la connivence entre certains membres de l'opposition et le régime :
1) Ils ont pour beaucoup bu au lait de la mamelle PCT au temps du monopartisme triomphant depuis les années 1967, partageant ainsi la même idéologie de la camaraderie, de la complaisance et de la gabegie, de l'impunité (Marien Ngouabi, en effet, pardonnait à tous - quelle que soit la gravité du crime économique) ;
2) Ils appartiennent aux mêmes loges francs-maçonnes et ont juré de se faire égorger s'ils trahissaient les desseins de l'organisation qu'ils ont toujours juré de servir au détriment des intérêts du peuple congolais ;
3) Ils ont des liens matrimoniaux, familiaux, certains ayant fait des gosses avec les mêmes femmes ou épousé des femmes dans les familles des autres ;
4) Vous avez constaté que certains opposants ont été ministres de Denis Sassou Nguesso, c'est-à-dire, ont participé au régime qui prive le peuple d'eau, d'électricité, de soins, d'éducation, etc. Certains y ont participé à des niveaux moins élevés. Pour la petite digression, ils coupent l'eau pour vous vendre l'eau de forage et pour l'électricité, les coupures permettent de développer leur commerce des groupes électrogènes ;
5) certains opposants ont été utilisés par Denis Sassou Nguesso pour casser l'UPADS ou le MCCDI et les autres grands partis, les mêmes qui aujourd'hui, parfois soixante-dix ans passés, s'incrustent, parce que cupides, pour continuer à bénéficier des largesses d'un système perverti ;
6 ) Il ne faut pas oublier que chez nous, au Congo, les liens ethnorégionaux sont plus forts que les liens nationaux - ce qui me fait dire que certains opposants les remettront au premier plan au moment opportun : il y aura bien une élection présidentielle à un moment ou à un autre, n'est-ce pas ? Vous verrez alors le FPOC, le FROCAD, l'IDC, etc, exploser, chacun allant dans le sens de la défense de ses propres intérêts et ceux de son clan si ce n'est de son ethnie. Pour l'instant, tout va bien...
Bref, voilà une classe politique qui a réussi à créer des liens sympathiques entre opposition et régime aux commandes de l'Etat. L'opposition est molle et ne s'endurcit que lorsque le régime est faible - alors qu'une vraie opposition est constante, tenace, divergente, totalement en scission avec le régime dont elle ne tire pas sa substance de vie ou de survie. Pendant toutes ces années écoulées, nous n'avons pas vu une opposition tenace, pugnace ; il a fallu que certains sentent que la place de "distributeur général de la joie de vivre et des privilèges" est bientôt vacante pour se réveiller. Nous avons alors vu les FPOC, les FROCAD, l'IDC sortir de terre comme des champignons. Hier, ils ont quitté le PCT pour aller à l'UPADS - sans mue de l'esprit. Aujourd'hui sentant le vent tourner, certains penchent vers une opposition en lui tendant la main - parfois sans quitter le PCT, comme par prudence.
Le Congo a besoin d'une nouvelle élite politique sans connexion aucune avec la vieille classe actuelle (régime+opposition). Quand on s'oppose, on ne peut avoir de liens d'amitié nocturne avec le camp adverse. Il nous faut UN HOMME NOUVEAU, UN HOMME LIBRE, pour qu'il puisse agir sans la pression du système intérieur et extérieur. Si le remplaçant de Denis Sassou Nguesso sort de cette classe qui a bu le lait à la mamelle PCT, je vous le dis aujourd'hui, le Congo continuera à sombrer. Les mêmes hommes avec les mêmes méthodes continueront à pourrir la vie du peuple. De toute façon, vous les voyez à l'oeuvre, jouant à l'éléphant et au chasseur - alors qu'ils dévorent tous les deux le même peuple.
Je comprends ce que doit ressentir Sassou qui est le maître de la traîtrise : il a trahi Marien Ngouabi, Yhombi, Thystère Tchicaya et tant d'autres. Et dans un système où la cupidité a épousé la traîtrise, il ne peut sortir du désintéressement nécessaire à l'éclosion d'un GRAND HOMME D'ETAT. Sassou voit la traîtrise en action, ceux qui lui mangeaient dans la main hier, la mordant aujourd'hui le matin mais la baisant le soir dans la loge ou dans la chambre si ce n'est au salon. Il a pu se dire comme nous : TRAITRE UN JOUR, TRAITRE TOUJOURS ; VENDU UN JOUR, VENDU TOUJOURS ; CORROMPU UN JOUR, CORROMPU TOUJOURS...