L'eau, c'est la vie. C'est si facile de le dire comme un raccourci qui passe de l'eau à la vie sans en énumérer les étapes et les processus et si nous poussons plus loin, nous pouvons déduire que l'absence d'eau potable, c'est la mort. Si l'eau symbolise la vie car nécessaire à l'éclosion de tout germe, de toute semence, de tout organisme, n'est-on pas en droit de conclure que son absence signe la mort dans une sorte d'étiolement de tout l'organisme qui contient 80% d'eau dans nos cellules ? Et que penser d'un Etat qui prive son peuple d'eau potable - alors que l'hydrographie est un scandale dans un pays où il pleut plus de neuf mois dans l'année ? N'est-il pas criminel ? Nous pensons au niveau du projet de l'UPIERAD associer en synergie l'électrification générale du Congo avec la généralisation de l'accès à l'eau potable à tout le Congo. La population du Congo est de trois millions d'habitants en fait, l'autre million, ce sont des étrangers, nos voisins d'en face, des Ouest-Africains, etc. Soit prenons le chiffre de quatre millions d'habitants - rine à voir avec la population du Nigéria ou même de la République Démocratique du Congo. Les besoins ne sont pas titanesques et l'investissement reste de l'ordre du raisonnable.
Ecrire de telles choses, à l'apparence, si évidentes ne peuvent que dire qu'il existe un drame de l'eau potable pour une bonne partie de l'humanité, pour des hommes et des femmes qui luttent pour les gouttes de la survie. Laissons de côté le monde et intéressons-nous au Congo qui n'est pas un désert mais un pays de l'Afrique tropicale où l'eau foisonne - presque pure dans nos rivières non polluées et il suffit d'un peu de courage politique pour que chaque citoyen de notre pays en boive à sa soif. Nous sommes pour la gratuité de l'eau ou pour une tarification symbolique à la portée de toutes les bourses comme nous pensons que l'accouchement et le séjour natal devraient être gratuits : on ne peut d'un côté ne pas fournir du travail aux citoyennes et citoyens et de l'autre côté les accabler - alors que le pouvoir sait qu'ils n'ont pas les 45.000 francs qu'on leur demande pour sortir de l'hôpital après un accouchement.
De l'eau ! Ne serait-ce que de l'eau - même s'il n'y a rien à manger. Mon père disait : "l'eau est le premier médicament". Dès qu'un enfant pleurait, il demandait qu'on lui donne de l'eau. Un ami me dit que dans le Pool, dès qu'on reçoit un étranger, on lui propose d'abord de l'eau. L'eau symbole de vie, d'accueil, de purification et que sais-je encore ! Ah, le temps des fontaines publiques ! Nos petites têtes allaient puiser l'eau pour la transporter à la maison. Un Etat criminel ferma les fontaines publiques et on se demande s'il savait que l'eau c'est la vie. Les populations se sont ruées sur la bière tant le soleil est brûlant et nous sommes entrés dans une société éthylique où l'ivresse est le quotidien de plusieurs milliers de personnes désireuses de ne plus voir la misère ambiante. Boire sa Primus puisqu'on ne peut boire le pétrole. C'est vrai qu'un cerveau saoul ne peut ne se révolter...
Je suis presque sûr qu'au nombre de litres d'eau par habitant et par jour, nous sommes dévancés par des pays comme le Tchad et le Burkina-Faso qui font face à l'avancée fulgurante du désert ! En tout cas, je prends les paris !
La question de l'eau, de sa potabilité et de son adduction jusqu'à la bouche des citoyens est une question nationale mais je ne vais m'intéresser ici qu'à la ville de Pointe-Noire, non pas parce qu'on y a plus soif qu'ailleurs, encore que l'on ne peut même plus boire l'eau de pluie à cause de la pollution aux hydrocarbures par rejet de gaz dans l'atmosphère mais parce que nous recevons beaucoup de plaintes ces temps-ci : il y a de nombreux contrôles qui ont pour but de vérifier la régularité des abonnements à Pointe-Noire. Chouette ! Il suffit de s'abonner pour avoir de l'eau et si la SNDE vérifie la conformité des abonnements, c'est qu'il y a de l'eau potable ! En fait, pas si sûr ! Des quartiers comme O.C.H., le grand marché ou Matendé, etc., ne reçoivent plus une seule goutte d'eau depuis des lustres. Système d'adduction d'eau défectueux ? Pourquoi ne le répare-t-on pas avec l'argent des abonnements prélevés même lorsqu'il n'y a pas une seule goutte d'eau ?
Sassou ne se pose même ce genre de questions, lui qui a son eau minérale Okiéssi et qui boit du Champagne à foison. Il y des zones de privilégiés comme le centre-ville où vivent de nombreux expatriés ou certains quartiers où vivent les nantis qui reçoivent un peu plus du précieux liquide. Pour le reste, c'est la soif pour tous, la Primus, la Ngok ou la Kronembourg pour celui qui peut s'en offrir une bouteille.
La question de l'eau devrait être au centre des préoccupations politiques et il ne suffit pas que le ministre-neveu de tutelle fasse de nombreux colloques et meetings pour que les gens n'aient plus soif. La ville productrice de pétrole, c'est-à-dire de la richesse principale du Congo n'est même pas foutue d'être approvisionnée en eau potable. Quelle ironie ! J'y vois un acte délibérée comme un pied de nez. La ville la plus riche du pays s'étanche le gosier à coups d'eau de puits. un vrai appel au Typhus, au choléra, etc.
Au pays de la politique du bricolage quotidien, on fait aller, on laisse la soif et la mort guider les destins et parfois, sous ce soleil qui taraude la peau comme une punition venue du ciel, on se demande : pourquoi a-t-on si soif puisque nous avons tout pour ne plus avoir soif ? Les vendeurs d'eau de forage font fortune avec une eau dont la qualité n'est appréciée qu'à partir d'un semblant de limpidité. Transparente mais pas forcément anodine et nous savons qu'aucune étude pour en mesurer la potabilité n'est pas faite avant de la livrer sur le marché de la soif.
Autour de l'eau, se sont développés de petits métiers de porteurs, de vendeurs d'eau au détail par ceux qui possèdent des "bâches" à eau ou tout simplement ceux qui vendent des sachets d'eau fraîche dite "glacée" par le langage populaire ; les pousse-pousseurs saisissent chaque jour l'opportunité de transporter de l'eau contre rémunération et même les taximen sont mis à contribution pour transporter le précieux liquide si ce n'est le 4x4 du voisin d'en face qui va chercher l'eau en ville pour le ramener au quartier O.C.H. ou ailleurs. En fait, en pleins Tropiques, le Congo a une politique de l'eau semblable à celui des zones désertiques où l'eau est transportée à dos de chameau ! On constate une étrange corrélation entre richesse et pauvreté : plus il y a de l'eau, moins il y a d'eau potable et plus il y a des richesses dans une région, plus elle est pauvre - alors qu'autour d'Oyo et de ses environs, il y a une telle concentration de richesses dans un espace où on ne trouvait avant que le silure et le ngoki, une nouvelle inversion de la réalité...
Et il y a un ministre, un ministère et même un ministère des grands Travaux toujours bâclés ! Ce drame de la soif s'ajoute à celui de la faim, de la maladie, de la saleté et de tous les maux dont souffrent les Congolais. Nous sommes pauvres - même de l'eau potable ! De l'eau, mes chers amis ! Et même dans les Plateaux où plusieurs grands cours d'eau prennent source, on se bagarre avec la soif. Vous n'avez même pas vaincu la soif et vous prétendez vaincre la dictature qui vous étrangle depuis treize ans ? Comment ? Par quelles voies de passe-passe ? Notre enquête arrive à une conclusion curieuse : la franc-maçonnerie ne fournit pas seulement les chefs d'Etat en Afrique puisqu'elle fait aussi de ses membres des ministres, des députés, des sénateurs et des directeurs au plus haut niveau de l'Etat. Et tout ce beau monde politique est tenu au silence quand il arrive en loge. La franc-maçonnerie est l'un des freins de la contestation politique en Afrique noire. Aussi, ne pouvons-nous espérer qu'un sursaut populaire pour secouer le joug ténébreux des crocofiles de l'Alima...
Et si tout ça était calculé ? Nous parlons de misère établie quand la politique planifie la souffrance là où elle ne devrait pas exister comme à Pointe-Noire et cela va jusqu'à certains niveaux de déstructuration - même des nations capitalistes subissent des assauts par des banques comme dans le cas de la Grèce où la révolte couve. Lorsque la politique et le monde de l'argent se rencontrent, il y a calcul, pour détruire, pour piller, pas pour améliorer la vie des petites gens. Et si la soif était une politique d'Etat pour vendre l'eau d'Okiéssi, la Primus, la Kronenbourg et la Ngok ? Comment ne peut-on même pas assister à une insurrection de l'eau ? Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond dans mon pays ? Même à Pointe-Noire, ville pourvoyeuse de richesses, on ne se révolte pas ? Que vous faut-il ? Des avions vous tombent sur la tête, vous restez muets, des trains déraillent, vous pleurez en sourdine, on vous assoiffe, vous vous ruez sur l'eau polluée des pluies. C'est à Pointe-Noire que doit partir le vent de la révolte.
Ne vous battez pas contre la soif mais contre ceux qui vous assoiffent....