LION DE MAKANDA

Selon Transparency International, la France pointe au 22ème rang des pays les moins corrompus du monde. Et le sujet ne mobilise visiblement pas les pouvoirs publics.
"En France, il est impossible de connaitre les statistiques de la corruption" observe François Badie, chef au service central de prévention de la corruption. (Christian Zachariasen/ MaxPPP)
Pas très glorieux. Ce matin, Transparency International présentait, comme chaque année, son fameux classement sur la perception de la corruption. Avec une note de 71 sur 100, la France se situe à une piteuse 22ème place mondiale. Elle n'est qu'au 9ème rang européen des pays perçus comme les moins corrompus.
Au-delà du classement, plusieurs personnalités invitées par Transparency ont dressé un constat sans concession, à l’image de Patrick Moulette, chef de la division anti-corruption à l’OCDE. "La France est pionnière en matière de conventions internationales, comme celle de 1997 concernant la lutte contre la corruption de fonctionnaires étrangers lors de transactions commerciales. Mais, ensuite, les résultats ne suivent pas du tout".
Selon un rapport publié par l’OCDE fin octobre, il y a eu à peine cinq condamnations pour fait de corruption transnationale depuis 2000, concernant, en plus, des affaires mineures. Un nombre dérisoire par rapport à nos grands voisins européens. "Le problème de l’indépendance du parquet français est notamment un point essentiel même si nous avons été rassurés par les engagements du nouveau gouvernement à ce sujet."
"En France, il est impossible de connaitre les statistiques de la corruption"
François Badie, chef du Service Central de Prévention de la Corruption juge, lui aussi, la situation française "médiocre" mais n’est guère étonné. Son propre service, qui fêtera pourtant ses 20 ans en janvier prochain, est rarement consulté par les pouvoirs publics avant les réformes législatives, ne dispose pas de pouvoir d’enquête administrative et ne peut pas être saisi directement par les citoyens. "En France, il est impossible de connaitre les statistiques de la corruption, regrette-t-il. J’ai demandé aux instances judiciaires le nombre de signalements pour faits de corruption en 2010-2011 mais on n’a pas su me répondre".
A la différence des salariés du privé, les fonctionnaires ont d’ailleurs obligation de signaler toute faute ou délit mais aucune loi ne protège ces "lanceurs d’alerte" ; le gouvernement compte toutefois y remédier en 2013. Badie déplore aussi le manque de moyens affectés aux services spécialisés. Par exemple, la Brigade Centrale de Lutte contre la Corruption ne compte que 14 agents pour tout le pays !
Des lois qu'on applique insuffisamment
Une analyse partagée par William Bourdon, patron de l’association Sherpa et avocat de Transparency, à l’origine de l’affaire des biens mal acquis des dirigeants africains. "Seul un officier de police judiciaire a été affecté à ce dossier ! Nous avons adressé un courrier au ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, pour réclamer des hommes supplémentaires. Mais nous n’avons toujours pas de nouvelle."
Enfin, Alain Pichon, président de chambre à la Cour des comptes, souligne que la France a des "bouffées législatives" mais qu’elle n’applique pas suffisamment les lois qu’elle crée. En particulier, le magistrat déplore que la Cour de discipline budgétaire et financière, rattachée à la Cour, ne puisse pas poursuivre les ministres et les élus locaux mais seulement les hauts fonctionnaires. "Comme cela, dès qu’un directeur ou un conseiller remarque un contrat ou un projet un peu louche, il le fait signer par son ministre et personne n’est inquiété !"
Par ailleurs, il note que les services des préfectures en charge de vérifier la régularité des budgets et des marchés publiques au niveau local ont été considérablement affaiblis par la révision des Générale des Politiques Publiques. Un exemple de dérive en la matière ? "Une collectivité décide de refaire une route mais, au lieu de passer les quatre centimètres de goudron prévus, on ne fait que deux centimètres et on empoche le reste du budget. Ni vu ni connu !"
Autre point abordé : la déclaration de patrimoine que doivent fournir les élus. "Il n’y a aucun sanction ni publicité prévue dans les cas où les élus ne la remplissent pas !" Qui plus est, la France est, selon Transparency, le seul pays européen avec la Slovénie où les responsables ne sont pas tenus de rendre publique cette déclaration, notamment sur Internet.