Depuis le discours du président François Mitterrand le 20 juin 1990 à la Baule-Escoublac en Loire Atlantique jusqu'à nos jours, la conception politique en Afrique a amorcé une phase de transformation géométriquement sinusoïdale entre la dictature et la démocratie, entre la misère absolue et des bribes de constructions infrastructurelles - notamment en Afrique subsaharienne, l'Afrique du nord étant mieux lotie. Il y a en Afrique autant de pays que d'évolutions politiques spécifiques mais certaines zones semblent parcourues par les mêmes déterminismes. Si François Mitterrand avait présenté le développement comme indissociablement lié à la démocratie et vice-versa, il semble que le haut du pavé politique et la base populaire de la pyramide n'évoluent pas au même rythme, les hommes d'Etat subissant encore l'impact des politiques d'exploitation carnassière des ressources africaines à bon prix tandis que la base populaire semble se nourrir désormais aux idées véhiculées par internet et les réseaux sociaux pour aspirer à un environnement plus confortable.
L'idée d'un processus électoral semble se frayer difficilement un chemin vers plus de transparence, plus de plurialisme et plus de liberté. Si l'élection paraît supplanter le coup d'Etat militaire, celle-ci ne respecte pas encore totalement le vote des électeurs et tourne autour d'une volonté de recherche de légitimation pacifique sans violence armée plus que de légitimité véritable.
La révolution tunisienne dite révolution de jasmin (2010-2011) sous-tendue par les réseaux sociaux a donné un coup de fouet qui a eu du mal à rejaillir sur les républiques non-maghrébines. Depuis Ben Ali s'est enfui, Moubarak est tombé en Egypte mais la senteur du jasmin s'est volatilisée, emportée par le vent sec du désert. N'empêche que la Tunisie s'accroche et nous assistons aux premières élections démocratiques dans ce pays. Nous attendons l'issue du deuxième tour pour voir le président tunisien démocratiquement élu qui succèdera à Ben Ali.
Depuis les indépendances, les Etats africains jouent à la république et à la constitution sans jamais se conformer totalement au modèle des ex-puissances coloniales instigatrices de ce mode de gouvernance. C'est que l'Afrique tarde à adopter l'idée que le peuple est le souverain primaire et que le chef de l'Etat n'est là que pour servir la volonté et les intérêts collectifs. Du côté du peuple, l'idée de la détention collective du pouvoir a du mal à pénétrer le subconscient mais des progrès se font sentir comme dans le cas de la révolution burkinabée en 2014 qui a balayé le régime de Blaise Compaoré qui ne voulait pas respecter la constitution de son pays. C'est que l'Afrique surtout subsaharienne a du mal à s'acoquiner le droit - surtout au sommet des Etats. On réchigne à respecter le droit comme s'il s'agissait plus de prétexte que de texte, le prétexte étant de l'ordre de l'incantatoire tandis que le texte cristallise au respect de la loi écrite, à l'absolu. Les Burkinabès, pour la première fois en Afrique, appellent au respect strict des textes, refusant que l'intérêt de l'ambition individuelle l'emporte sur la volonté collective qui a pris le pouvoir dans la rue, les institutions étant réservées à l'élite. en brûlant l'assemblée nationale, le peuple a mis fin à la délégation de pouvoir prouvant ainsi qu'il veut désormais dicter lui-même sa volonté sans intermédiaire.
Désormais les regards se tournent vers le Congo, la RDC, le Gabon, le Togo, l'Angola, le Tchad, le Cameroun et tant d'autres pays en proie à une négation de l'alternance. C'est qu'au sommet des Etats, les républiques africaines jouent à la démocratie pour faire triompher la dictature démocratiquement élue. Ce paradoxe qui parcourt les nervures politiques de l'Afrique va-t-il encore durer longtemps ? Entre les puissances du monde qui soutiennent les dictatures "démocratiquement élues" et les peuples des pays du sud qui aspirent au bonheur, la tension politique se traduit par plus d'immigration. L'Europe et le monde dit civilisé semblent enfin comprendre que l'on ne peut pas soutenir ceux qui plongent l'Afrique dans la misère et ne pas supporter les conséquences d'une immigration économique, la quête de bonheur n'étant pas réservée aux seuls occidentaux. D'ailleurs, l'Europe se bat avec une croissance qui se fait rétive car désormais, c'est la Chine et l'Orient qui attirent le monde. Raison de plus pour aider l'Afrique à sortir de l'impasse...
Nous travaillons désormais à émanciper la conception politique africaine en affirmant tout haut que LE PEUPLE EST LE POUVOIR ET QU'IL DOIT L'AFFIRMER A 100% S'IL NE VEUT PAS EN ETRE DEPOSSEDE A 100%. Le monde semble fonctionner autour d'un triptyque DEMOCRATIE-DEVELOPPEMENT-DICTATURE, la dictature au sud semblant servir le développment et la démocratie au nord. C'est ce modèle qu'il faut désormais abattre.
En conclusion, nous assistons en Afrique à la résistance de la dictature sous la poussée des vélléités démocratiques des peuples étouffés par la misère établie depuis les indépendances. L"Europe aussi doit changer en arrêtant de ne voir l'Afrique que comme un entrepôt de matières premières. L'Afrique est vivante et bien en chair ; elle ne se réduit pas à du coltan, du cobalt, du pétrole, de l'or, du diamant. Sous des peaux anthracites battent des coeurs qui aspirent à vivre heureux - parce que le bien-être n'est pas l'apanage de l'occident. L'Afrique est à la croisée des chemins où même les dictatures doivent se réinventer parce que ce qui hier se faisait dans l'ombre est su à la seconde près dans le monde entier. La dialectique du numérique est hégélienne dans le sens où elle se joue dans la sphère des idées.
Au XXI ème siècle, l'Afrique se réveillera ou mourra. NOUS AVONS FOI QU'ELLE SORTIRA DE SON COMA POLITIQUE POUR PRENDRE ENFIN SON DESTIN EN MAINS ET JOUER SA PARTITION QUI MODIFIERA LA MUSIQUE POLITIQUE DU MONDE.
LION DE MAKANDA