Journal d'actualités sur le Congo-Brazzaville administré par le LION DE MAKANDA (LDM) pour les démocrates patriotes du Congo-Brazzaville œuvrant pour le retour de la démocratie perdue en 1997. Nous nous battons par amour avec les mots comme armes et le Web comme fusil.
COMMENTAIRE : Le site www.notreafrik.com a interviewé Arnaud Montebourg sur les liens entre la France et son précarré africain plus connus sous le concept de "Françafrique". Pour ceux qui connaissent l'homme, c'est certainement le futur visage de la Gauche car il est jeune et ses idées se font doucement un chemin dans l'univers de gauche et dans tout le paysage politique français. Il est consternant que lors du débat socialiste, les rapports avec l'Afrique n'aient pas été évoqués. Il faut craindre que rien ne change - même si Hollande ou Aubry accédait au pouvoir. Il y a trop d'intérêts, trop de lobbies puissants et puis les mauvaises habitudes ont la vie dure. La Françafrique est plus qu'un phénix puisqu'elle refuse de mourir. D'ailleurs, elle refuse même de dormir. Certes, il s'agit d'abord de convaincre les citoyens français puisque le vote est ouvert à tous mais ne pas aborder cette dimension importante de la diplomatie française nous renvoie un très mauvais signe. Néanmoins, face à Nicolas Sarkozy ou un autre représentant de la droite, le sujet ne pourra pas être éludé. Les affaires africaines ne doivent pas continuer à demeurer dans l'enclave régalienne des curies élyséennes. Il faut qu'elles soient traitées à l'Assemblée Nationale, en toute clarté, en toute humanité - sinon, nous risquons de croire que les relents de l'esclavagisme continuent puisque cela reviendrait à traiter les Africains comme une catégorie inférieure. La Françafrique cultive la culture du secret depuis plus de cinquante ans ; cela ne peut plus durer. Est-il normal que Sarkozy décide seul d'intervenir en Côte-d'Ivoire ? Nous estimons qu'il faut que les choses changent parce que l'on ne peut d'un côté revendiquer d'être le pays des droits de l'Homme et de l'autre continuer à considérer les Noirs comme des primates évolués.
Bref, Montebourg parle de la Françafrique, de la corruption, des biens mal acquis et de la nécessité que la loi internationale soit plus forte que la loi nationale. Montebourg parle de connivence entre l'Europe et les dictateurs africains pour le pillage de nos richesses par le flux de l'argent qui transite de l'Afrique à l'Europe. Nous espérons seulement que si Montebourg entre dans un futur gouvernement Hollande ou Aubry car nous ne seront fixés que dimanche prochain, qu'il se souvienne de cet entretien et qu'il fasse en sorte de changer les choses car il n'est pas certain que la Gauche soit prête à se couper de sa vache à lait africaine...
Pour vous, quand on parle de françafrique, est-ce caricatural ?
Non, parce que la réalité a dépassé la caricature.
Ces mallettes africaines qui financeraient les campagnes électorales en France, cela relève-t-il du mythe ou de la réalité?
Une réalité bien triste, d’ailleurs insuffisamment réprimée, ce que je regrette. C’est l’une des raisons pour lesquelles lorsqu’un peuple africain ou du Maghreb prend le pouvoir, nous souhaitons qu’il ouvre des informations judiciaires, qu’il ouvre des enquêtes pour aller chercher y compris des complices occidentaux du vol de la richesse de ces peuples. La lutte contre la corruption est une lutte universelle contre les oligarchies qui ont dépouillé leur propre peuple.
Dans l’affaire des biens mal acquis, vous avez estimé que la décision de la Cour de cassation française est une grande victoire…
Oui. Elle a permis pour la première fois à des associations de briser le mur de silence. J’ai félicité personnellement les avocats qui avaient réussi cette performance. Les magistrats se sont montrés à la hauteur de la tradition universelle de la France.
Que répondez-vous par exemple au président congolais, Denis Sassou Nguesso, qui estime que les juges français n’ont pas à s’immiscer dans les affaires de son pays?
Je dirai que dans de nombreux domaines, la loi internationale est désormais plus forte que la loi nationale derrière laquelle un certain nombre de dirigeants abusifs cherche à s’abriter. Et il faudra qu’ils s’y fassent.
En Afrique, on estime que malgré les fortes présomptions d’abus de biens sociaux qui pèsent sur l’ancien président Jacques Chirac, la justice française a mis du temps ou n’a pas du tout réagi aussi promptement…
Je fais partie de ceux qui ont défendu la mise en accusation du président Jacques Chirac à l’époque, car je considérais que c’était au moment où il exerçait ses responsabilités de président de la République qu’il devait assumer ses responsabilités et son destin judiciaires. A l’époque, les socialistes ont plutôt désavoué mon initiative et protégé Jacques Chirac; ils s’en sont mordus les doigts. Mais aujourd’hui, la justice suit son cours et Jacques Chirac comparaîtra devant les tribunaux français. Il n y a aura donc pas d’exception à loi.
Les puissances occidentales voient très bien les flux d’argent entre l’Afrique et l’Europe, mais ne les arrêtent jamais, ne les stigmatisent pas. Et c’est à la chute des dirigeants africains qu’ils s’en indignent. Pourquoi?
Cela démontre la connivence, pour ne pas dire la complicité d’oligarques entre eux ou des dirigeants politiques entre eux. J’ai mené de longues enquêtes parlementaires sur le blanchiment d’argent sale impliquant notamment des personnes politiquement exposées, des hommes politiques de premier plan. J’ai bien vu que dans les paradis fiscaux comme dans le système de grandes économies, les moyens de détection et de répression des actes de corruption ne sont pas suffisamment performants dès que des personnes de premier plan sont impliquées.
Quels types de mécanisme faut-il mettre en place pour s’assurer que l’argent des dictateurs comme Ben Ali, Moubarak et bien d’autres puisse revenir en Afrique et servir à leurs peuples?
Il y a toujours des mécanismes qui existent et qui ont toujours été appliqués. C’est le gel des avoirs jusqu’à ce que l’initiative des procédures des demandes de restitution par les Etats ait abouti. Ce qui permettra ainsi que ces avoirs, comme dans l’affaire Abacha, puissent être restitués assainis à l’Etat qui aura réclamé des comptes. Donc, les mécanismes provisoires existent. Simplement, il faut que les procédures soient ouvertes dans les pays concernés, sinon la procédure du gel des avoirs tomberait.
Le débat sur la limitation des mandats présidentiels a cours dans de nombreux pays africains. Cela vous inspire t-il un commentaire?
Oui, tout dirigeant politique qui sentirait que le pouvoir peut être prolongé entre ses mains indéfiniment est porté à en abuser. La limitation des mandats présidentiels est une mesure nécessaire. Les Américains y sont venus il y a 50 ans, les Français également, les Européens le font tous. Une Afrique démocratique est une Afrique qui assumerait l’idée que la limitation du pouvoir est nécessaire.
Certains affirment que cette limitation est anti-démocratique.
Elle est nécessaire. La démocratie suppose d’organiser la limitation du pouvoir. La démocratie, ce n’est pas l’absence des limites, c’est toujours buter sur des limites. C’est la séparation des pouvoirs. Ce sont là des mécanismes issus de ce qu’on appelle l’Etat de droit.