12 octobre 2009
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Brice Dzamba m'a parlé de la rupture ; nous avons discuté longuement dans le RER. Nos vues sont assez proches. Je n'ai pas pu venir pour assister à la sortie officielle de "La rupture". J'ai donc dû me contenter des vidéos trouvées sur Zenga-Mambu. En écoutant parler Brice Dzamba, je conçois l'objectif de La Rupture comme une rupture-reconnexion, rupture avec la façon actuelle de faire de la politique, reconnexion avec la vision des pères de l'indépendance comme Matsoua. L'action se décline en actions visibles et actions invisibles. Certainement faute de temps, perturbés par des problèmes techniques, les organisateurs n'ont pas eu tout le temps de déployer leur vision des choses. On retiendra qu'un intervenant a souhaité une nouvelle Conférence Nationale.
Dans le mode opératoire, il s'agit de rompre avec un système et avec une trame mentale qui va avec. Brice estime qu'il s'agit de "savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va". Si la vue de l'esprit paraît facile, dans le cas du Congo, il faut une analyse sociologique comparative pour cerner notre passé historique (d'où l'on vient) afin de cerner le futur (où l'on va). Nous avons réfléchi longtemps sur le Congo et avons distingué l'antagonisme principal qui ne parvient pas à tourner dialectiquement en une synthèse qui déboucherait en un progrès social : l'opposition entre identité traditionnelle et identité nationale et le fait que la première est plus forte que la seconde au lieu de l'inverse. Par identité traditionnelle, nous entendons l'identité qui définissait nos "pères" qui la tenait eux-mêmes de nos ancêtres. En me penchant sur la façon dont mon propre père père s'identifiait, il se définissait comme un mussi clan X, fils du clan Y de l'ethnie Z. Le précepte mussi définit aussi les habitants d'un même village, les bissi Massanga et ici l'identification se fait par rapport à l'espace, à la terre, au ntsi. Il y a donc une double identification : grégaire et spatiale. Le père Tempels dans sa philosophie bantoue a remarqué cette définition identitaire qui fait que l'homme se définit par homologie au groupe, à l'ensemble, sa personnalité tenant avant tout à rester dans les rôles spécifiés par la conscience collective (en sortir, c'était courir le risque d'être un sorcier, un possesseur de kundu, etc). Quant à l'identité nationale, elle renvoie à l'individu qui se reconnaîtrait membre d'une nation, un ensemble plus grand défini juridiquement, avec un Etat qui représente et organise le tout social dans l'intérêt de chaque individu soumis à des droits et des devoirs. Les modes de gouvernance de la nation vont de la dictature à la démocratie en passant par la royauté.
Dans le passé, avant l'arrivée des Occidentaux, le Congo est subdivisé en tribus ou en royaumes dont le pouvoir semble se résoudre en pouvoir foncier, la notion d'argent n'existant pas et le travail étant plus considéré comme une activité de survie. qu'une activité lucrative ou économique Les premiers explorateurs de l'Afrique comme Ibn Battuta parlent de peuplades paisibles qui ne se considèrent pas comme une nation mais des groupes ethniques structurés autour d'une même langue, d'une même culture et d'un même territoire, le roi ou le chef en rentier, bénéfiçiant d'une sorte de "dîme" sur tout ce qui se capture ou s'échange sur l'étendue du ntsi. Dans cette culture, l'homme est le premier bien de prestige qui a prépondérance même sur l'or. Cette phase de notre histoire est celle que je qualifie d'histoire active non subie car les peuplades font elles-mêmes une histoire qui se caractérise par des guerres tribales et par le phénomène de segmentarisation qui fait que des peuples, des tribus ayant atteint une certaine taille se subdivisent en sous-groupes et s'étendent spatialement pour mieux survivre. Les échanges ne sont pas légion ; les peuples de la côte échangent sel contre ivoire, etc.
La colonisation marque le début d'une histoire passive, d'une histoire subie. En effet, le sentiment qui aurait pu ici se muer en sentiment national est avant tout un ressentiment identique vis-à-vis de l'étranger qui est venu de loin vous faire subir le joug. Le Congo est avant tout une construction coloniale. L'espace est destructuré car les hommes de plusieurs ntsis sont obligés de vivre ensemble et de travailler pour le "Blanc". Sur le plan du subconscient, la période coloniale ne peut identifier les hommes par la nationalité car la nation n'existe pas encore ; il ne reste que l'ethnie ou la coutume qui est mentionnée sur l'acte de naissance. L'individu est coupé du groupe et coupé de son espace originel. Il vit dans un espace mais se définit par un autre. Se créent des occupations de l'espace ethniquement déterminées. Quartier Talangaï pour les Ngalas ou ressortissants du nord ou quartier Bacongo pour les Kongos à Brazzaville. Ailleurs, ce qui a soudé et prédisposé à la gestation d'Etats-Nations, c'est le sang mis en commun dans les guerres de conquête ou de défense. Dans le cas du Congo, c'est une condition sociale d'asservis qui est le point commun mais pour faire une nation, il eût fallu que dialectiquement l'identité nationale prît le dessus sur l'identité traditionnelle. Quand on demande à quelqu'un qui vit à Brazzaville qui est-il, il répond qu'il est de Boundji, de Boko, de Makabana, etc. La colonisation n'a pas eu vocation de faire des ethnies dans leurs différences un seul vrai peuple ; ce qui aurait constitué une faute stratégique grave : unir les asservis dans une même identité aurait été comme prêter le flanc à une sorte de révolution.
Quand arrive l'indépendance, c'est autour de l'identité traditionnelle plus que sur l'identité nationale balbutiante que va s'appuyer le pouvoir. Et ce processus discriminatoire continue jusqu'à nos jours. La lutte politique ressemble à une compétition ethnique dont le but est de placer un champion au sommet de l'Etat. Au début, le choix se porte sur des civils mais bientôt, l'armée, la seule structure organisée et capable de tenir un ordre hiérarchique prend le pouvoir. Le vrai défi de demain est de faire de l'ethnie non pas une force dichotomique mais une force positive.
Comment mettre l'identité nationale au-dessus de l'identité traditionnelle ? Telle est la mère des questions. Le pouvoir étatique est vécu parce que entretenu comme tel comme le règne d'une ethnie sur d'autres ethnies là où le colon, une sorte d'ethnie exogène règnait sur toute les ethnies. Sans renier notre identité traditionnelle, il nous faut la diluer dans l'identité nationale et il n'y a qu'un seul moyen d'y parvenir : LA JUSTICE SOCIALE. Or, tous les gouvernements du Congo ont sapé ce point de sorte que si le Congo veut réellement devenir une nation, il faut se résoudre à se poser une seule question : comment instaurer une justice sociale, mère de toute démocratie ? Les Etats africains sont vécus comme des distributeurs de privilèges ethniques qui s'étendent aux autres ethnies par association de quelques leaders censés donner l'illusion d'une unité nationale perceptible au sommet de l'Etat - alors que dans l'ensemble, une seule ethnie, ou un clan donné s'arroge la plupart des privilèges en minimisant les droits. C'est donc ce noeud gordien qu'il faut rompre pour que la rupture soit une vraie rupture au risque de tomber dans une démocratie ethnisée par le vote car pour l'instant, c'est par le sentiment d'appartenance ethnique que prêchent nos politiques et non par le programme politique qui lui parle à chaque individu compris comme une voix électorale...
Dans le mode opératoire, il s'agit de rompre avec un système et avec une trame mentale qui va avec. Brice estime qu'il s'agit de "savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va". Si la vue de l'esprit paraît facile, dans le cas du Congo, il faut une analyse sociologique comparative pour cerner notre passé historique (d'où l'on vient) afin de cerner le futur (où l'on va). Nous avons réfléchi longtemps sur le Congo et avons distingué l'antagonisme principal qui ne parvient pas à tourner dialectiquement en une synthèse qui déboucherait en un progrès social : l'opposition entre identité traditionnelle et identité nationale et le fait que la première est plus forte que la seconde au lieu de l'inverse. Par identité traditionnelle, nous entendons l'identité qui définissait nos "pères" qui la tenait eux-mêmes de nos ancêtres. En me penchant sur la façon dont mon propre père père s'identifiait, il se définissait comme un mussi clan X, fils du clan Y de l'ethnie Z. Le précepte mussi définit aussi les habitants d'un même village, les bissi Massanga et ici l'identification se fait par rapport à l'espace, à la terre, au ntsi. Il y a donc une double identification : grégaire et spatiale. Le père Tempels dans sa philosophie bantoue a remarqué cette définition identitaire qui fait que l'homme se définit par homologie au groupe, à l'ensemble, sa personnalité tenant avant tout à rester dans les rôles spécifiés par la conscience collective (en sortir, c'était courir le risque d'être un sorcier, un possesseur de kundu, etc). Quant à l'identité nationale, elle renvoie à l'individu qui se reconnaîtrait membre d'une nation, un ensemble plus grand défini juridiquement, avec un Etat qui représente et organise le tout social dans l'intérêt de chaque individu soumis à des droits et des devoirs. Les modes de gouvernance de la nation vont de la dictature à la démocratie en passant par la royauté.
Dans le passé, avant l'arrivée des Occidentaux, le Congo est subdivisé en tribus ou en royaumes dont le pouvoir semble se résoudre en pouvoir foncier, la notion d'argent n'existant pas et le travail étant plus considéré comme une activité de survie. qu'une activité lucrative ou économique Les premiers explorateurs de l'Afrique comme Ibn Battuta parlent de peuplades paisibles qui ne se considèrent pas comme une nation mais des groupes ethniques structurés autour d'une même langue, d'une même culture et d'un même territoire, le roi ou le chef en rentier, bénéfiçiant d'une sorte de "dîme" sur tout ce qui se capture ou s'échange sur l'étendue du ntsi. Dans cette culture, l'homme est le premier bien de prestige qui a prépondérance même sur l'or. Cette phase de notre histoire est celle que je qualifie d'histoire active non subie car les peuplades font elles-mêmes une histoire qui se caractérise par des guerres tribales et par le phénomène de segmentarisation qui fait que des peuples, des tribus ayant atteint une certaine taille se subdivisent en sous-groupes et s'étendent spatialement pour mieux survivre. Les échanges ne sont pas légion ; les peuples de la côte échangent sel contre ivoire, etc.
La colonisation marque le début d'une histoire passive, d'une histoire subie. En effet, le sentiment qui aurait pu ici se muer en sentiment national est avant tout un ressentiment identique vis-à-vis de l'étranger qui est venu de loin vous faire subir le joug. Le Congo est avant tout une construction coloniale. L'espace est destructuré car les hommes de plusieurs ntsis sont obligés de vivre ensemble et de travailler pour le "Blanc". Sur le plan du subconscient, la période coloniale ne peut identifier les hommes par la nationalité car la nation n'existe pas encore ; il ne reste que l'ethnie ou la coutume qui est mentionnée sur l'acte de naissance. L'individu est coupé du groupe et coupé de son espace originel. Il vit dans un espace mais se définit par un autre. Se créent des occupations de l'espace ethniquement déterminées. Quartier Talangaï pour les Ngalas ou ressortissants du nord ou quartier Bacongo pour les Kongos à Brazzaville. Ailleurs, ce qui a soudé et prédisposé à la gestation d'Etats-Nations, c'est le sang mis en commun dans les guerres de conquête ou de défense. Dans le cas du Congo, c'est une condition sociale d'asservis qui est le point commun mais pour faire une nation, il eût fallu que dialectiquement l'identité nationale prît le dessus sur l'identité traditionnelle. Quand on demande à quelqu'un qui vit à Brazzaville qui est-il, il répond qu'il est de Boundji, de Boko, de Makabana, etc. La colonisation n'a pas eu vocation de faire des ethnies dans leurs différences un seul vrai peuple ; ce qui aurait constitué une faute stratégique grave : unir les asservis dans une même identité aurait été comme prêter le flanc à une sorte de révolution.
Quand arrive l'indépendance, c'est autour de l'identité traditionnelle plus que sur l'identité nationale balbutiante que va s'appuyer le pouvoir. Et ce processus discriminatoire continue jusqu'à nos jours. La lutte politique ressemble à une compétition ethnique dont le but est de placer un champion au sommet de l'Etat. Au début, le choix se porte sur des civils mais bientôt, l'armée, la seule structure organisée et capable de tenir un ordre hiérarchique prend le pouvoir. Le vrai défi de demain est de faire de l'ethnie non pas une force dichotomique mais une force positive.
Comment mettre l'identité nationale au-dessus de l'identité traditionnelle ? Telle est la mère des questions. Le pouvoir étatique est vécu parce que entretenu comme tel comme le règne d'une ethnie sur d'autres ethnies là où le colon, une sorte d'ethnie exogène règnait sur toute les ethnies. Sans renier notre identité traditionnelle, il nous faut la diluer dans l'identité nationale et il n'y a qu'un seul moyen d'y parvenir : LA JUSTICE SOCIALE. Or, tous les gouvernements du Congo ont sapé ce point de sorte que si le Congo veut réellement devenir une nation, il faut se résoudre à se poser une seule question : comment instaurer une justice sociale, mère de toute démocratie ? Les Etats africains sont vécus comme des distributeurs de privilèges ethniques qui s'étendent aux autres ethnies par association de quelques leaders censés donner l'illusion d'une unité nationale perceptible au sommet de l'Etat - alors que dans l'ensemble, une seule ethnie, ou un clan donné s'arroge la plupart des privilèges en minimisant les droits. C'est donc ce noeud gordien qu'il faut rompre pour que la rupture soit une vraie rupture au risque de tomber dans une démocratie ethnisée par le vote car pour l'instant, c'est par le sentiment d'appartenance ethnique que prêchent nos politiques et non par le programme politique qui lui parle à chaque individu compris comme une voix électorale...