Deux ans avant la fin de son dernier mandat (prévu en 2016), Sassou découvre avec stupeur que sa constitution de 2002 n’est plus adaptée à la situation congolaise actuelle. D’après lui
« Malgré la ‘’stabilité et la paix ‘’ qu’elle a apportées, il faut la modifier, mieux, la changer ».
Ce même Sassou siffle alors la fin de la récréation et invite toutes les composantes politiques de prendre part à un débat ‘’pseudo juridique’’ sur la constitution congolaise.
La ficelle était certes grosse, le piège évident, mais une grande partie des forces vives s’y est engouffrée.
Je refuse d’entrer dans cette oblitération qui ne dit pas son nom.
En ce qui me concerne, je me refuse d’entrer dans cette mascarade de débat où les prétendus enjeux juridiques, sont complètement anachroniques et pipés.
Le débat actuel n’est point juridique mais bien politique comme l’ont affirmé sur les ondes, Thierry Moungalla et Théophile Obenga (à leur avis Sassou est l’homme providentiel, sans lui, point de salut pour le Congo), il s’agit en fait de l’avenir de Sassou et de rien d’autre.
L’opposition intérieure et extérieure commet une erreur politique monumentale en entrant dans ce jeu.
Les populations ne savent même pas à quoi sert une constitution, celle de 2002 a été adoptée sans le vote de toute la région du Pool et des Congolais de l’extérieur, sans que cela ne pose une interrogation au pouvoir actuel.
La seule question pour laquelle l’opposition a besoin de l’avis des populations est celle de savoir si après 35 ans de chemin d’enfer, elles veulent continuer l’expérience ?
En effet, la révision ou le changement de la constitution, de l’avis de l’opinion internationale, vise tout simplement à lever l’interdiction d’accomplir plus de deux mandats présidentiels pour consacrer la rééligibilité indéfinie à la présidence (Conférence Afrique/USA d’aout 2014).
Je considère qu’une telle révision ne peut avoir lieu car tout en purgeant la Constitution de toute référence à la limite d’âge et du nombre de mandats présidentiels, cette révision traduirait une grave dérive monarchiste et obérerait les chances d’une alternance démocratique. Il convient de bien souligner que tout en restant ouverte aux hypothèses de modification, la Constitution du 20 janvier 2002 contient des dispositions qui sont insusceptibles d’être modifiées… Fin du débat juridique.
Les véritables enjeux du débat actuel
A ce propos, si le dictateur de Mpila pense changer de constitution pour le bien de son peuple, je le mets au défi de le faire mais que celle-ci ne s’applique qu’à son successeur (on ne change pas les règles du jeu en plein match…)
Il est évident que monsieur Sassou Nguesso appréhende son départ du pouvoir pour deux raisons évidentes :
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Au début de l’année 2014, ENI, le groupe pétrolier italien, a fait état d’une énorme découverte pétrolière dans l’offshore congolais situé dans le bloc marine XII. 2,5 milliards de barils d’huile et 20 milliards de m3 de gaz. Le pétrolier italien prévoit un extraordinaire potentiel supplémentaire à cette découverte dont la mise en production est prévue pour 2016. (date du départ de Sassou) A ce très proche horizon, avec Moho-Bilondo Nord, 700.000 à 800.000 barils devraient être extraits chaque jour, contre environ 400.000 aujourd’hui. Le budget congolais passerait de 5.000 millards à près de 70.000 milliards. Le dictateur actuel pourrait-il abandonner pareil pactole ?
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Il existe une panoplie impressionnante de dossiers judicaires en cours ou avenir où la responsabilité de monsieur Sassou Nguesso est très fortement engagée (des assassinats de Ngouabi et Massamba Débat à l’Affaire des disparus du Beach en passant par les BMA ou l’affaire du 4 mars et autres…)
Notre despote aura-t-il le courage de dire sereinement sa part de responsabilité sans avoir l’immunité présidentiable ?
Mes positions en tant qu’acteur politique
Dans le débat politique actuel, et devant la seule question qui en vaille la peine, à savoir : Que faire ?
Il m’a semblé important de donner ma position face à une situation pré-insurrectionnelle, qui à certains égards ressemble à celle des forces du changement en 1990, dont j’ai été co-concepteur.
Les mots d’ordre de l’opposition doivent être simples, clairs et compris de toutes les couches des populations.
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Non radical à la modification, à la révision et au changement de la constitution congolaise du 20 janvier 2002.
Sans en être un adepte, je l’utilise volontiers pour le départ de Sassou.
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Non au projet de référendum sur la question de la constitution.
Avec les autorités politiques actuelles, aucune élection n’est fiable.
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Rejet total des résultats du recensement administratif spécial 2013 ;
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Pas d’organisation d’élection sans un fichier électoral répondant aux normes internationales de transparence, sans une commission électorale nationale indépendante dûment accréditée par toutes les parties prenantes à savoir : les partis politiques, la société civile, sous l’égide de l’Union Africaine et des Nations Unies ;
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Refus catégorique de toute participation à des états généraux, à une transition et un gouvernement d’union nationale qui aurait à sa tête monsieur Sassou Nguesso.
Lire mon avis en 2012 http://congo-liberty.com/?p=4909
Les mêmes exigences sur les conditions d’organisation d’élection citées plus haut valent aussi pour 2016.
Nous ne pouvons être exigeants aujourd’hui et ne pas l’être en 2016.
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Tout parti ou organisation politique qui participerait aux élections locales de septembre 2014 ne serait pas membre du front du refus mais de facto du coté de la majorité présidentielle qui milite pour le 3ième mandat.
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Les forces vives intérieures ont la responsabilité, d’alerter la communauté internationale (chose faite avec sa participation à la rencontre de Washington), d’accélérer les dossiers judiciaires (affaire des disparus du Beach, des BMA et autres), de réfléchir aussi sur des stratégies de lutte (cas des assises de juin 2014 à Paris)
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Même si certains ne nous reconnaissent pas ce droit, ceux de la diaspora qui partagent les mêmes positions que moi lancent un appel aux populations pour un boycott de ces élections locales comme lors des présidentielles de 2009.
En tout état de cause, le peuple qui, est souverain a le droit de décider de reprendre son pouvoir avant 2016 s’il le souhaite.
Benjamin Toungamani
Président de la Plate forme contre la corruption et l’impunité (PCCI)
Animateur de Exodus