COMMENTAIRE : Abonné au site Congo-Liberty de mon cadet Mingwa, je n'ai pas résisté à publier en reprise cet excellent article de J. M. Tali. C'est mon premier emprunt écrit à Congo-Liberty dont je publie des vidéos mais la qualité de l'analyse du point de vue du souci de l'objectivité et la limpidité du texte en valent la peine.
L'apparition de la variable coltan, un minerai très important en haute technologie, comme facteur caché de la tragédie du Pool, nous l'avons évoqué en soutenant que la plupart des guerres cachaient un sous-entendu économique mais nous n'avons en la matière aucune certitude car le coltan ne fait pas partie des ressources stratégiques répertoriées du Congo. Du moins, pas encore. Si l'hypothèse se révélait vraie, elle pourrait éclairer d'une nouvelle manière et d'une nouvelle lumière un drame dont le petit prétexte du 4 avril 2016 a du mal à justifier un pogrom d'autant que les populations sur le terrain doutent même de la présence des ninjas-nsiloulous dans certaines zones bombardées. Nous vous épargnons les photos de faux ninjas ventripotents et surarmés comme de véritables rambos - des mercenaires dont l'embonpoint trahit la proximité avec la mangeoire systémique car le nsiloulou végétarien est plutôt une silhouette fine épurée de graisse corporelle.
La synergie des intelligences et des informations finira par nous conduire un jour vers des certitudes. De toute façon, quelle que soit la profondeur où elle est enterrée, la vérité est une pierre précieuse qui finit toujours par sortir de sa gangue de mensonge, quel qu'en soit l'euphémisme par lequel le mensonge est désigné : intox, manipulation, désinformation, etc.
LION DE MAKANDA, MWAN' MINDZUMB', MBUTAT MUNTU
On est dans une situation où intox et réalité des faits nous obligent à rester sur nos gardes, et rendent tout texte de réflexion assez délicat face à ce flux d'informations. Ce qui ne change bien entendu pas le sort des populations massacrées.
Autant j'ai dans le passé acquis la certitude (sur la base de faits accumulés au moment où j'enquêtais pour un livre, en 2002-2003), que Ntoumi avait bel et bien été instrumentalisé, et bien sciemment, volontairement, par Sassou durant la guerre du Pool des années 90-2000 (voir mon livre Barbares et Citoyens... publié en 2005), autant je ne lui attribuerais en rien, sans plus ni moins, la responsabilité primaire de la nouvelle tragédie du Pool. Ce serait trop beau pour Sassou! Et le temps n’est pas aux cadeaux, même involontaires, et moins encore à notre bourreau commun.
Ce qui se dit dans le texte de Mediapart et dans certains blogs congolais sur la complicité présumée de Ntoumi dans l’affaire du 4 avril 2016, à Bakongo, des voix me l'avaient susurré à Paris, au lendemain du 4 avril. Et parmi elles, des voix issues des milieux diplomatiques internationaux et de correspondants de presse étrangers accrédités à Brazzaville. J’ai moi-même été diplomate dans le passé, et pense en avoir suffisamment appris sur le fonctionnement des canaux de circulations des informations dans ces milieux, entre intox dûment orchestrée par l'entité tutélaire de la juridiction de représentation, et les faits dûment collectés par les services diplomatiques de la chancellerie du pays représenté. Les rapports périodiques que la chancellerie adresse au pays représenté se nourrissent de ce genre de cocktails. Il s'agira alors, pour chef de mission et ses services, de savoir, en théorie, faire la part des choses pour informer l’entité de tutelle autant que possible avec véracité… Ou très proche d'elle. Pas simple dans la pratique. En cela, s’informer ne suffit pas : il faut faire passer le tout au crible de la grille analytique si l’on tient à rédiger des rapports qui aient de la substance...
J'en parle parce que les informations sur la collusion supposée, actuelle, de Ntoumi avec le boucher du Pool et geôlier du peuple congolais sont par trop explosives et délicates en termes d'analyse, pour qu'on y plonge sans discernement et sans fouiller plus en profondeur.
L'enjeu ici est, en effet, de ne pas diluer la responsabilité criminelle de Sassou sous une vague accusation contre Ntoumi, pour plus que celle-ci semble très documentée...
La classe politique congolaise a le « génie », lors des grandes tragédies nationales dont elle est toujours l'auteur moral et matériel, de diluer sa responsabilité primaire en invitant dans le discours sociopolitique national des formules suffisamment vagues et généralistes, du genre « la bêtise humaine », qui avait été utilisée pour justifier les crimes commis pendant le long coup d'État de 1997... Du coup, on est passé à autre chose sans avoir guéri les blessures provoquées par cette tragédie, et moins encore sans avoir convoqué, demandé et établi, devant une juridiction criminelle, la responsabilité des uns et des autres des acteurs politiques de l’époque, individuels et/ou collectifs. Le procès concernant l’affaire des disparus du Beach avait été une belle comédie, faite sous pression internationale; mais il avait montré que ce pouvoir ne lésinerait sur aucun moyen pour se faire une virginité criminelle… Au contraire, Sassou et Ntoumi ont par la suite trouvé une base d'entente politique, qui permettait au premier de caser et de maîtriser le second sans efforts, en lui octroyant un portefeuille gouvernemental vide, mais accommodant. On aime les honneurs chez nous. Être appelé "Excellence" ou "Honorable" vaut bien dix têtes de parents sacrifiés à Kinkala, Boko, Madingou ou ailleurs, sur l'autel du pouvoir de celui qui garantit ces honneurs et tout ce qui va avec. Telle est la valeur cardinale qui semble guider l'homme politique congolais. Et ici, comme ailleurs, les rares exceptions ne font que confirmer la règle.... On connaît la suite, que le ralliement du vieux Békol (quelles qu'en aient été les raisons, compréhensibles ou pas, mais au bout du compte impardonnables pour un homme politique avec son parcours), n'a pas arrangée, puisque Sassou s'est, une fois de plus, trouvé dans le beau rôle du « bon et compréhensif » père de la « grande famille congolaise ». Un rôle payant apparemment, au regard de la complexe situation de la famille Kolélas aujourd’hui face à un pouvoir qui bombarde et massacre une partie substantielle de la base électorale et identitaire de leur famille prise ici dans sa double identité : en tant qu’entité sociale, doublée d’une histoire politique liée tant au parcours du patriarche Bernard Kolélas, qu’à la relève politique représentée aujourd’hui par ses enfants. Au demeurant, la situation du Pool n’est que l’extrême et sanglante épitomisation de la tragédie congolaise globale : celle d’un pays pris en otage, avec une classe politique peu fiable, voire pour la majeure partie complètement discréditée, rendue à la logique du ventre, et qui nous offre sans relâche un spectacle minable, dans lequel les exceptions, trop rares, sont noyées dans la forêt de professionnels de la mangeoire politicienne.
Qui dit la vérité dans tout ce fouillis de données et d'affirmations explosives publiées par Médiapart sur le faramineux projet minier d’exploitation du coltan dont regorgerait le sous-sol de la région martyrisée du Pool ? « Vérité vraie », ou écran de fumée, pendant que l'on tue et l'on meurt dans ce pays devenu merdique, et dans ce Pool devenu souffre-douleur d'un clan ? Un clan du reste élargi, au sens mafioso, camorriste, s'entend : des gens non pas liés uniquement par la biologie mais par les affaires. Je veux dire par la grosse affaire appelée le pillage et la mise en coupe réglée du Congo par quelques gros bras. Car dans ce clan élargi, on y trouve aussi des enfants du Pool martyrisé, et pas des moindres; lesquels enfants trouvent moyen de faire du zèle de loyauté en se réunissant dans un Hôtel de Brazzaville, pour répéter comme des perroquets bien apprivoisés, et sous l'œil vigilant de l'oncle du Roi (Aimé Emmanuel, Yoka que l'on peut voir sur YouTube, attentif à la lecture de la fameuse déclaration issue de ce conclave de la honte), que c'est la faute de Ntoumi si l'on déverse des bombes et si l’on tue sans pitié les populations de leur région d'origine...
Et, fiction ou pas, intox ou réalité potentielle et prospective, cette affaire du coltan vient apporter une substance à la raison d’être réelle de la nouvelle croisade guerrière de Sassou dans le Pool, et impose un parallèle avec la tragédie du Darfour, au Soudan.
Du Coltan et de la darfourisation du Pool
Il s’agit en effet d’un fait nouveau, qui montrerait, si besoin était, que l'on est en réalité dans un remake de la tragédie du Darfour... On sait que les enjeux pétroliers et de vastes réserves en nappes phréatiques dans cette région du Soudan avaient dicté le sort du peuple du Darfour face aux appétits de l'élite de Khartoum, en alliance avec des intérêts miniers de puissances étrangères... Il a fallu la criminalisation internationale du président soudanais, et la mobilisation de stars de Hollywood (avec des intentions secondaires cachées en ce qui concerne ces derniers, certes, on le sait maintenant, mais c'est là une toute autre histoire...), pour que le monde extérieur (et j’évite expressément d’utiliser le terme « communauté internationale », qui a la faculté de provoquer de plus en plus de crises d’urticaire sur mon corps chaque fois que j’ai la mauvaise idée de le prononcer) se rende compte que l'on était là bel et bien dans une entreprise d’extirpation forcée de populations de leurs lieux ancestraux de résidence, dictée par ce que cachait le sous-sol de leur région.
On s'acheminerait donc vers une darfourisation du Pool, par « la faute » de son sous-sol, et non point par celle de Ntoumi... Cela aurait au moins l'avantage de la clarification par les faits, et non point par la propagande vomie par le mégaphones officiels, par la voix de Pierre Mabiala, de Thierry Moungala et d’autres chantres de la « nouvelle république ». Une première explication, plus logique, sur les tueries du Pool, semble de ce fait se dessiner si de tels faits s’avéraient réels.
Entre criminaliser Ntoumi et « criminaliser » les intérêts miniers : la part des choses
Au point où l'on en est, loin de toute spéculation médiatique, Ntoumi reste et restera LE prétexte absolu. Sauf si, comme l'affirment certains, il y est lui-même impliqué comme partie prenante d'un vaste projet minier... Auquel cas, oui, il y aurait matière à revisiter l'extension de la chaîne de responsabilités dans ce massacre qui dure depuis tant de mois. Pour le moment, et en tout état de cause, le seul responsable primaire et absolu devant l’Éternel en est celui qui se dit chef de l'État, et a pourtant juré sur ses deux Constitutions de protéger le peuple qu'il gouverne, et d'assurer son bien-être... Il est vrai les Constitutions chez nous restent des chiffons de papier, sans valeur effective réelle d'aucune sorte. Surtout sous Sassou…
En tout état de cause, la tuerie dans le Pool n'en subira pas un changement, ni de fond, ni de forme, même à supposer, que, complice présumé, Ntoumi se cache quelque part, sous la protection de ses présumés acolytes en affaires qui dirigent le pays, comme le suggèrent certains bloggeurs congolais... Un doute toutefois sur une telle suggestion : Sassou n'est pas du genre à laisser en vie les témoins de ses assassinats et tueries, comme le montre l'exemple de la tragédie du 18 mars 1977. C’est un professionnel, pas un amateur et moins encore un sentimental. Auquel cas il faudrait peut-être bien admettre la suggestion avancée selon laquelle la soi-disant traque de Ntoumi vise en effet à le faire taire, tout en procédant au délogement programmé des habitants du Pool des terres visées par ledit projet d'exploitation du précieux minerais. Faire d'une pierre deux coups, en somme... Il n'y a là rien d'irréel, il faut l'admettre, surtout venant de la part d'un homme sans scrupules, calculateur froid, implacablement rancunier et vindicatif, et de son clan élargi : le clan biologique, plus des « enfants adoptifs » de celui-ci, qui viennent de toute la République, dont de hauts dignitaires issus de ce même peuple martyrisé du Pool. Signe que plus qu'un homme, c'est un système qui est en cause. On n'a eu de cesse de le dire depuis les premiers éditoriaux publiés dans le blog des Assises du Congo-USA.
L'argent n'a, semble-t-il, pas d'odeur. Le coltan, ce minerai qui fait déjà l’objet des malheurs de l’autre Congo, doit en avoir, même symbolique. Et s’il n’en a pas lui-même, cette odeur viendra de la putréfaction des corps des fils du Pool – du Congo – sur lesquels se fera son éventuelle exploitation, si tel projet venait à prendre corps dans la conjoncture actuelle, sous ce régime anthropophage. Ou tout simplement du fait des sommes qu’empocheraient touts ceux qui y seraient impliqués. Á plus forte raison, elle pourrira les consciences de chacun des enfants du Pool qui, d'une manière ou d'une autre, auront trahi leur propre peuple, qu'ils s'appellent Kolélas, Mampouya ou autres Moungani, et j'en passe... Et Ntoumi, bien entendu, si les informations de Mediapart s’avéraient fondées.
J. M. Tali