Le 15 août de chaque année est une date spéciale pour nous autres, Congolais. C'est le jour de la célébration de notre indépendance nationale. Il est facile de se dire que nous ne sommes pas totalement indépendants, que nous ne maîtrisons pas notre politique intérieure influencée du dehors, que notre Etat est extraverti, que nous n'avons qu'une économie de rente, que le Congo est tenu en laisse par le franc cfa, etc, mais il faut bien replacer le 15 oût 1960 dans le contexte de l'époque : En 1960, nous sommes en face de plusieurs ethnies rassemblées par le fait colonial pour le seul intérêt colonial, des ethnies qui n'ont jamais constitué une nation unique auparavant (il faut d'ailleurs dire que, de nos jours encore, cet état initial continue à saper les fondements de l'émergence d'une véritable république, d'un véitable Etat, par l'absence de l'unité nationale). Il s'est agi de faire de toutes ces ethnies hétéroclites une seule république, une seule nation. Nous aurions pu réussir si nous avions eu des hommes politiques conscients de surmonter cet état de choses. Hélas, nos différences ont été plus fortes que notre envie de vivre ensemble, de former une nation basée sur l'égalité des droits.
Avant cette date, bien que la république ait été proclamée en 1958, le Congo n'est pas encore un Etat et ne peut - même en partie décider seul de son histoire. La France est une puissance coloniale qu'affrontent les pères des indépendances qui n'ont pas les moyens de rompre l'étau français sur le pays - par la force mais juste au moyen d'idées progressistes. Lorsque De Gaulle propose l'indépendance, rapport de force oblige, les pères de l'indépendance exultent et prennent ce qu'on leur donne car ils ne l'ont pas obtenue de leur propre gré. De république, le Congo devient indépendant mais la France garde la mainmise sur les ressources stratégiques du pays et contrôle l'accès au sommet de l'Etat en veillant à ce que celui qui arrive au sommet de l'Etat respecte la préséance française par rapport à d'autres Etats sur les matières premières. C'est un accord bilatéral qui a toujours cours jusqu'à nos jours.
Cinquante-six ans plus tard, le constat est amer : Denis Sassou Nguesso nous rappelle que le combat n'est pas terminé car si nous avons réussi à désserrer l'étau de la colonisation extérieure, reste à vaincre la colonisation intérieure qui est au service de la première. Il faut comprendre la France : elle elle ne saurait demeurer une puissance économique si les ex-toujours colonies françaises s'émancipaient totalement de son emprise. Dans un contexte de compétition économique mondiale, elle doit garder la main et maintenir des dictateurs au pouvoir car toute véritable démocratie dans son pré carré est une perte immense qui peut faire tache d'huile. Conséquence, le Congo, le Gabon, la RCA, le Cameroun, le Togo, la Côte-d'Ivoire, le Sénégal, le Mali, le Tchad, etc, sont maintenus la tête sous l'eau.
Soutenu par les grandes puissances, Denis Sassou Nguesso est armé jusqu'aux dents pour réduire à néant toute vélléité de véritable démocratie dans notre pays pour que la France et les grandes puissances comme la Chine continuent à exploiter nos ressources.
L'indépendance nous a donné l'illusion de la liberté, que nous avions vraiment notre destin en main. Comme nous l'avons écrit il y a quelques années, l'indépendance ne se donne pas. C'était un leurre. La France a juste installé un gouverneur noir dans le palais du gouverneur rebaptisé palais présidentiel pour l'occasion. Seulement, en servant les intérêts de la France, Denis Sassou Nguesso en a profité pour coloniser une seconde fois le pays qui est devenu une colonie de l'intérieur dirigée par une ethnie-Etat.
Si nous ne parvenons pas à vaincre l'éléphant de l'Alima, comment pouvons-nous nous sortir des griffes de la France ? Est-ce possible ? Nous disons : oui. Il faut commencer par influencer la politique extérieure française par le vote intelligent. De la sorte, on affaiblit le principal soutien de Denis Sassou Nguesso. Si tous les Africains de nationalité française s'y mettent, nous pouvons pousser la France à retirer son soutien aux dictateurs africains. L'argument électoral a toujours fait mouche dans des pays qui se revendiquent démocratiques. Si les partis classiques sentent qu'ils peuvent évincés du sommet de l'Etat en France à cause de leur soutien aux dictateurs, il est clair que les Africains des ex-toujours colonies françaises se feront mieux entendre. Il s'agira ensuite de reprendre le contrôle de nos ressources, d'arracher nos ports à Bolloré, de protéger nos forêts, notre littoral, etc. Comment ? Simplement par la férule du droit. Affaiblir le protecteur pour affaiblir le protégé. Ensemble, nous pouvons y arriver, dans la mesure où tous les Français d'origine africaine représentent tout de même une part importante de l'électorat général qui peut faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre lors d'une élection.
Il faut que la conscience des franco-Africains s'élève afin d'influencer la politique extérieure française en direction de l'Afrique qui est une charge régalienne de l'Elysée. Les problèmes africains doivent sortir des curies élyséennes pour passer à la lumière de l'assemblée nationale. Les Africains de France et d'Europe ont un rôle à jouer pour que les choses changent.
Dans un contexte difficile, parce que des notions comme république ou Etat étaient encore assez virtuelles pour les Africains, les pères de l'indépendance ont fait ce qu'ils ont pu face à un empire qui a depuis perdu de sa superbe influence - même si elle a toujours des atouts. Notre génération doit prendre la relève et terminer le travail des pères des indépendances. Pour cela, il nous mettre en place une stratégie. Il faut sortir du piège occidental qui a fait de l'individualisme une composante essentielle de notre personnalité, là où nos anciens étaient plus grégaires, plus collectifs. On multiplie les petites associations (divisions) au lieu d'aller vers le mono-organisme (regroupement). Ce qu'il nous faut d'abord, c'est vaincre l'ego individualiste qui nous vient de la culture occidentale. Ensuite faire du lobbying pour changer la politique extérieure de la France et des autres grandes puissances. Si nous y parvenons, nous pouvons alors réussir à vaincre les dictatures africaines comme celle de Denis Sassou Nguesso.
Pourquoi échouons-nous ? Parce que nous voulons à tout prix imiter l'Occidental. Or, nous ne pouvons pas sortir de la colonisation en adoptant la mentalité du colonisateur. Notre première bataille est de redevenir nous-mêmes. Hélas, c'est plus facile à dire qu'à faire. Ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il ne faut rien faire. Au contraire, il faut oser mais il faut résoudre au préalable le problème du leadership au sein de la diaspora - notamment congolaise qui se disperse et qui multiplie les actes de réunionite au lieu de passer à une stratégie plus efficace bâtie sur les expériences réussies de lutte pour la décolonisation. Passer de l'émotion au jugement, à la stratégie. Vous êtes Français. Allez militer au sein des partis politiques français pour faire bouger les choses de l'intérieur, par exemple, au lieu juste de se réunir entre vous. Si vous intégrez les partis politiques français, vous pouvez plaider la cause du Congo, faire comprendre à l'élite politique française que la colonisation n'est pas la seule politique extérieure valable en direction de l'Afrique. Il y a aussi la coopération où chacun y trouverait son compte.
Nous n'avons reçu de la France que la moitié de l'indépendance, une motié que Denis Sassou Nguesso nous a arrachée. Il faut donc et travailler en intra au Congo pour la reprendre au monstre de l'Alima et en extra en direction de la France pour arracher le morceau qui reste entre ses mains. Si nous posons correctement le problème, trouvons la bonne méthode et créons la bonne organisation, sans nul doute, nous pourrons le résoudre. INGUETA...
LION DE MAKANDA, MWAN' MINDZUMB', MBUTA MUNTU