Journal d'actualités sur le Congo-Brazzaville administré par le LION DE MAKANDA (LDM) pour les démocrates patriotes du Congo-Brazzaville œuvrant pour le retour de la démocratie perdue en 1997. Nous nous battons par amour avec les mots comme armes et le Web comme fusil.
Madame Gatfaoui, bonjour.
Ravi de l'honneur que vous me faites de publier votre texte sur mon blog, je n'ai pas hésité à le faire. Sourcilleux sur l'orthographe, je me suis permis de corriger quelques coquilles (pas nombreuses en tout cas) : " un pays majoritairement chrétien" (j'ai enlevé le S à la fin de chrétien), " Quels sont aujourd’hui les priorités, les positions, la volonté, les plans d’action concrets de la France, de l’Europe et des Nations Unies sur le long terme ? " Quels est au masculin parce que ce mot se rapporte aussi à "plans d'action". J'ai ensuite supprimé deux points-virgules non nécessaires...
Votre analyse est intéressante : elle cerne le facteur principal qui pourrait ramener la quiétude en Centrafrique. J'en ai discuté avec les Centrafricains qui ont noté que le rétablissement de la confiance dans leur pays aurait pu être accéléré si comme au Congo, les chefferies traditionnelles avaient été influentes parce qu'opérationnelles. Or, elles sont inexistantes en RCA. Cette crise est aussi accentuée par une classe politique dispersée à l'étranger - suite à la transformation par la Séléka de sa victoire militaire en victoire politique et religieuse - surtout religieuse, une erreur qui a plongé la RCA dans le chaos. Quant aux Antibalaka, ils sont loin de constituer une force politique structurée pour leur représentativité au cours de discussions inter-partis ; il s'agit plus d'une réaction spontanée à une violence confessionnelle qui a été menée de façon désordonnée et éparse.
La confiance doit intégrer un dialogue inter-religieux et une réparation des victimes de violences politiques - sous la houlette internationale en attendant le rétablissement de l'Etat de droit. Il s'agit aussi de promouvoir une nouvelle élite politique qui fait tant défaut à ce pays.
Vous avez aussi soulevé ce que j'ai observé depuis les indépendances : le phénomène de "société de bétail" instaurée par la colonisation dans la mesure où les éléments de création d'un véritable Etat transformant les ethnies en nation ont fait défaut dès le départ, les élites noires s'étant précipitées à prendre la place de la classe coloniale en jouant le rôle de "gouverneurs noirs". Le modèle républicain imposé de l'extérieur est un modèle extraverti qui n'intègre pas les identités traditionnelles ataviques mais joue sur la ressemblance de la société dominée à la société dominante - sans que la première ait les moyens de réaliser cette transformation. Il a manqué en 1958 une espèce de ritualisation du passage des sociétés ethniques fragmentaires à la république pour susciter des nations ou des sociétés cohérentes d'un nouveau type. Sous la colonisation, le gouvernorat colonial esclavagiste et dominateur n'avait nullement l'intention de faire des populations rassemblées dans les villes un PEUPLE : cela aurait été suicidaire ; au contraire, les colons ont divisé en inventant l'identité ethnique là où primait l'identité clanique qui est ethno-transversale (on peut retrouver un même clan au sein de plusieurs ethnies : dans la société traditionnelle matrilinéaire, la femme est l'élément mobile et, en cas de mariage trans-ethnique, elle ira vivre dans l'ethnie de son mari, en épousera les valeurs mais communiquera à ses enfants le fait qu'ils appartiennent à son ethnie d'origine. Ce qui a pour conséquence que les enfants parle la langue de leur père, partagent les valeurs culturelles de sa société - sans pour autant renoncer à l'appartenance clanique qui est l'élément identitaire principal). C'EST LE FACTEUR PRINCIPAL DE TROUBLES EN AFRIQUE NOIRE. Or, le fait de coexister ensemble dans le seul enjeu de la réalisation d'objectifs économiques ne suffit pas à constituer une nation - sinon, d'emblée, les regroupements d'esclaves dans les Antilles auraient de facto constitué des sociétés harmonieuses qui auraient vite fait de briser leurs chaînes.
Il manque sur le plan théorique en Afrique une socio-psychologie du conflit entre le modèle sociétal traditionnel et celui de la république extravertie. Les sociétés post-coloniales fonctionnent, de mon point de vue, sur le modèle du "syndrome de Spartacus". Par syndrome de Spartacus, nous entendons l'étrange phénomène qui conduit inconsciemment la victime à réagir à son tour comme le bourreau, l'esclave à épouser à son tour la posture du maître quand les rôles sont inversés et qu'il se trouve en position dominante.
L'identité républicaine à l'occidentale n'a pas pris ; c'est le moins que l'on puisse dire. L'Afrique est mal partie parce qu'on ne lui a pas laissé choisir un modèle de genèse sociétale qui tienne compte des ses identités multiples fusionnées dans une méta-identité nationale sacralisée selon un rituel traditionnel qu'il eût fallu inventer ou instaurer. Un homme au pouvoir se regarde comme une ethnie au pouvoir et, l'ethnie du nouveau gouverneur noir se comporte généralement comme si elle avait colonisé le reste des autres ethnies. Cela se comprend lorsqu'on sait que selon la construction traditionnelle, l'individu ne se regarde pas comme une entité coupée de son ethnie ou de son clan qui reste au-dessus de lui (effet de "grégarité" au cours duquel le groupe prime sur l'individu - alors que la société moderne républicaine fonctionne exactement de façon inverse) Inconsciemment, les républiques post-indépendances ont prolongé étrangement le phénomène colonial.
Avec toute ma sympathie,