Journal d'actualités sur le Congo-Brazzaville administré par le LION DE MAKANDA (LDM) pour les démocrates patriotes du Congo-Brazzaville œuvrant pour le retour de la démocratie perdue en 1997. Nous nous battons par amour avec les mots comme armes et le Web comme fusil.
"La Voix du Peuple" dans le viseur de Sassou
Après la publication du numéro 47 du journal La Voix du Peuple, le Président Sassou-N’guesso a piqué un soleil. Et pour cause, la plainte déposée par le Colonel Marcel Ntsourou, sur les affaires du 4 mars 2012 et du 16 Décembre 2013, devant le parlement, qui a été publiée dans ce journal (accompagnée des photos inédites fournies par les avocats), donne des crises d’urticaires au Chef de l’Etat congolais.
Sur ces entrefaites, à l’occasion du mariage de la fille de Jean Dominique Okemba, le Président congolais a fait venir à Oyo les présidents des deux chambres du Parlement avec lesquels il a eu un tête-tête. Pour tout dire, Denis Sassou-N’guesso les a (en)gueulés pour ne l’avoir jamais mis au courant du dépôt de cette plainte au Parlement. Dans cette localité, selon certaines indiscrétions, le Président Sassou n’y est pas allé de main morte pour demander au Président du Conseil Supérieur de la Liberté de Communication, Monsieur Philippe Mvouo, de suspendre le journal "La Voix du Peuple". L’on se demande bien pourquoi, alors que le dépôt de cette plainte du Colonel Marcel Ntsourou au Parlement, a été officiel, a fait l’objet d’une conférence de presse tenue par le collectif des avocats du Colonel et a été relayé par presque tous les journaux qui ont paru à Brazzaville et qui continuent de paraître ? Où se pose donc le problème ?
Dans son interview à La Voix de l’Amérique, le Président du Conseil Supérieur de la Liberté de Communication a parlé de la publication des photos de morts. Depuis quand elle viole les lois de la presse. Que dire par exemple des photos de morts des crises et guerres civiles qu’a connues la Centrafrique et que connaît la Syrie et autres qui sont largement diffusées et publiées par la presse internationale ? Que dire de la photo des cadavres de Mouammar Kadhafi et son fils qui ont fait le tour du monde par le biais de la presse internationale ?
Il vous souviendra que deux journaux congolais avaient été interdits pour avoir publié une interview du Colonel Marcel Ntsourou. Il s’agit du "Nouveau Regard" et de "La Griffe". Du jamais vu ! Comment, dans cette période où le torchon brûlait entre l’ancien n°2 des services et son ancien patron, Sassou-N’guesso, publier son interview pouvait-il être une faute ? Une telle interview n’était-elle pas pour les journalistes que nous sommes, un véritable scoop ? Quel organe de presse ne bondirait pas sur l’occasion ? Pouvait-on le reprocher au Nouveau Regard et à La Griffe ? Mais, le Conseil Supérieur, lui, s’y était appuyé pour infliger des interdictions à ces journaux sur cette seule base. Et si La Griffe vient d’être graciée, Le Nouveau Regard en revanche, continue à en faire les frais. Tout ceci par la volonté du Président Sassou qui en avait donné l’ordre à son chargé de la régularité des Institutions, Yves Ickonga, lequel avait mis la pression sur le président du Conseil supérieur, Philippe Mvouo. Aujourd’hui encore, l’histoire veut se répéter avec la publication de la plainte déposée par Marcel Ntsourou au Parlement et qui, pour les journalistes du monde entier, a été un scoop, pour ne citer que le cas de RFI. Comme à son habitude, le pouvoir a trouvé un autre bouc émissaire, La Voix du Peuple en l’occurrence. C’est elle qui devra payer les dégâts collatéraux de la plainte de Marcel Ntsourou.
Dans sa convocation, le Conseil supérieur de la Liberté de Communication a également épinglé un autre article : celui concernant le Général Guy Blanchard Okoï paru dans le même numéro. En effet, selon les informations en notre possession, le Chef d’Etat-major Général avait piqué une crise pendant qu’il était à Kinshasa, après quoi, il avait été acheminé à Brazzaville. Cette information nous a été confirmée par nos sources de la RDC. Au moment où nous l’avions recoupée, d’autres sources, cette fois-ci à Brazzaville, nous confiaient qu’il avait été évacué d’urgence à Paris, accompagné du Commandant de l’Armée de terre adjoint, le Colonel Ngoma Ntsieri et que, vraisemblablement, il était question qu’il fasse le voyage de l’Inde. D’autres sources encore, et pas des moindres, nous ont informé quelques jours plus tard, que le Chef d’Etat-major avait sollicité, auprès du ministre de la Fonction Publique, le prolongement de son séjour à l’étranger pour les mêmes raisons évoquées plus haut, mais que le Président de la République, lui, s’y était opposé et avait exigé qu’il regagne le Congo quel que soit son état de santé pour être soigné sur place. Vraies ou fausses ? Voilà en substance les informations en notre possession. Ces informations, nous avions tenue les partager avec nos lecteurs.
Qu’à cela ne tienne, le Général Guy Blanchard Okoï qui, aujourd’hui a regagné Brazzaville, est libre de se pourvoir en justice ou encore a la latitude de faire une mise au point sur cette affaire qui le concerne, si jamais les informations publiées par La Voix du Peuple sont fausses. En cela, nous osons croire qu’il l’a déjà fait, puisqu’en bon démocrate, il a invité la presse, y compris le journal La Voix du Peuple, à se rendre à Bilolo assister à une activité des parachutistes à laquelle il a également assisté personnellement. D’où vient-il donc que le Conseil supérieur, qui devrait, en principe, s’auto-saisir lorsqu’il s’agit d’affaires graves portant, par exemple, sur l’incitation à la haine tribale, au racisme, à la guerre ou pouvant porter atteinte à la souveraineté nationale ou encore compromettre la sécurité du territoire… le fasse pour des affaires qui peuvent être qualifiées de routine dans l’exercice du métier de journalisme ? Un métier, qui plus est, ne fait pas partie des sciences exactes. Monsieur Philippe Mvouo, ancien ministre de Sassou et membre du Comité central du PCT au pouvoir, a-t-il été nommé président du Conseil Supérieur pour suspendre et interdire les journaux qui caricaturent dans leurs écrits les autorités de Brazzaville ? Ou encore pour les venger ? Par ailleurs, pourquoi avoir institué les droits de réponse, les mises au point, les répliques et autres, s’il suffisait, à chaque fois, pour l’institution qui régule la presse, de recourir à des suspensions et interdictions des journaux ?
Tout ce qui précède conforte l’idée que le plan malicieusement concocté par le pouvoir de Brazzaville consistant à mettre sous l’éteignoir les organes de presse, jugés défavorables au pouvoir et qui constituent les centres de force de la liberté de la presse au Congo-Brazzaville, se poursuit. On peut dire sans se tromper, que La Voix du Peuple est aujourd’hui prise au piège du pouvoir de Brazzaville. Elle est, pour emprunter une expression populaire au Congo, tombée sur son répondeur. Pour le moment, nous avons écrit au Conseil Supérieur pour demander un report de l’audition, entre autres raisons, question de préparer notre défense. Laquelle, évidemment, ne comptera pas, puisqu’au Congo ne compte que la décision du Président Sassou, lequel a le pouvoir de vie et de mort sur les personnes et sur les choses. C’est donc dire que le sort de ce journal a déjà été scellé par ce dernier. C’est Regrettable ! D’autant plus regrettable que le Président Sassou, au nom soi-disant de la liberté de la presse, a rendu hommage à Charlie Hebdo, un organe de presse française plus heurtant, choquant et virulent que La Voix du Peuple. A noter que Charlie Hebdo n’a jamais été suspendu ni interdit en France par le Régulateur, même lorsqu’il avait offensé toute une communauté, la communauté musulmane, en publiant une caricature du Prophète Mahomet.
Décidément, le Chef de l’État a décidé de balayer d’un revers de la main le dernier rapport de Reporters Sans Frontières qui, parlant du Congo-Brazzaville, a été sévère en ces termes : « Le Congo a perdu 25 places au terme d’une année difficile pour les médias indépendants. Le Gouvernement a intensifié sa chasse aux journalistes critiques, usant parfois de méthodes extrêmement violentes. Les journalistes s’ils refusent de se taire, sont poussés à l’exil ou expulsés ». Conséquence : le Congo-Brazzaville occupe désormais la 107ème place alors que l’année dernière il occupait la 82ème place. Nous terminons ceci en invitant le Président de la République à méditer ces propos de Voltaire à Helvétius : « Je désapprouve ce que vous dites, mais je défendrais jusqu’à la mort votre droit de le dire ». C’est cette grandeur d’âme et hauteur d’esprit qui devraient caractériser le Chef de l’Etat et c’est de cette façon que se construit un Etat démocratique.
Guy Milex M’BONDZI