Après Gnassingbé Eyadema (père) qui avait inauguré la « manœuvre », Omar Bongo Ondimba avait pris le relais, suivi de Lansana Conté, et d’Idriss Déby. Maintenant, c’est au tour de Paul Biya de s'autoproclamer président à vie, en décidant de manière autoritaire et cavalière de modifier la constitution du Cameroun. La liste devrait s’allonger...
La lueur d’espoir née de l’ouverture démocratique dans le continent africain, au début des années 90, inhérente aux vents d’Est et au sommet de la Baule en France a fait long feu et n’a eu de cesse de céder du terrain, pour laisser place à l’encrage de la dictature.
Tels des moutons de panurge qui se sont passés le mot, les autocrates au pouvoir en Afrique, arrivés aux « commandes » pour la plupart suite à des coups d’Etat, des guérillas ou des dispositions constitutionnelles scabreuses, tentent, contre la volonté de leur peuple, de s’éterniser au pouvoir en manipulant la constitution à leur guise. Ces pourfendeurs de la République dont ils prétendent être pourtant des « humbles » serviteurs veulent transformer le continent africain en conglomérat de royaumes, où chaque potentat au pouvoir se décrète roi, et installe une monarchie en lieu et place de la République comme le veut pourtant la constitution de leur pays.
Les très mauvais exemples.
Après le Togolais Etienne Gnassingbé Eyadéma qui a changé la constitution de son pays en 2002, alors qu’en principe il devait quitter le pouvoir au terme de ce mandat, ancien tirailleur arrivé au pouvoir à Lomé en 1963, à la faveur d’un coup d'Etat sanglant contre son prédécesseur Sylvanus Olympio, a fait voter une loi abrogeant la limitation du mandat présidentiel. Désormais, le « doyen » était assuré d’y rester jusqu’à la fin de sa vie. L'ordre de succession étant assuré par son fils, Faure Eyadéma, dont les agissements, étaient apparents à ceux d’un prince héritier qui n’attendait que son moment pour monter au trône. Chrétien de par ses parents, Etienne qui s’était montré plutôt un mordu de l’authenticité africaine, à l’exemple de feu le maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Gbendu Wa Za Banga, - qui a installé un régime de terreur au Zaïre - s’autoproclama, général et devint Gnassingbé. Il aura été celui qui a écrit en lettre noire, l’histoire du Togo. La suite on la connaît, Faure, son fils lui a bien succédé à sa mort.
Dans un continent africain où dirigeants et populations sont enclins à copier les mauvais exemples, Eyadéma (père) n’a pas attendu longtemps pour que son exemple fasse des émules au sein de la classe politique dirigeante.
Comme premier relais, son alter ego, le « doyen » en titre des chefs d’Etat, Omar Bongo Ondimba qui dirige le Gabon sans partage depuis décembre 1967, ne s’est pas fait prier pour changer la constitution en 2003. Ce qui lui confère désormais la possibilité de « piloter » ce pays pendant de longues années encore, au grand dam de l’écrasante majorité des Gabonais plutôt « fatigués de la même personne depuis plus de quarante ans ».
Si Bongo se défend de n'être pas arrivé au pouvoir par les armes, il n’y a point de doute que la France avait déjà préparé sa succession alors que Léon Mba n’était même pas encore malade ou mort. Comme Eyadéma, Bongo a changé son nom pour devenir dans un premier temps, El Hadj Omar Bongo après son islamisation, avant de devenir Omar Bongo Ondimba, il y’a quelques années. Sa progéniture, présente dans la gestion du pays, est prête à lui succéder.
Sa fille Pascaline Mferri Bongo, conseillère et directrice de cabinet de son père, et son fils Ali Ben Bongo Ondimba, ministre de longue date, étant certainement préparés pour continuer l'œuvre royale.
Evidemment, comme au Togo, la France et les autres pays Occidentaux connus pour leurs vertus démocratiques et de « liberté », n’ont rien fait pour contraindre ces potentats à quitter le pouvoir, brandissant « la non-ingérence dans les affaires internes d’un pays ». Eux qui, à d’autres occasions, ont contribué à chasser, voire à l’assassinat des présidents « indésirables » à leurs yeux, à l’instar du capitaine Thomas Sankara, n’ont eu aucune pudeur pour le reconnaître officiellement.
Le silence complice des Occidentaux.
Parce qu’il n’y a jamais deux sans trois, un troisième larron, Lansana Conté en Guinée, a fait voter une nouvelle loi dans son pays faisant de lui le président à vie, alors qu’il en était à son dernier mandat. Malgré son état de santé précaire, Lansana Conté a décidé de s’y accrocher, poussant le ridicule de voter dans sa voiture.
Quoi qu’il en soit, « l'appétit venant en mangeant », un quatrième despote s’est ensuite signalé sur les bords du lac Tchad, en faisant modifier la constitution. Désormais, Idriss Déby peut s’éterniser au pouvoir, lui qui ne devrait plus se représenter dès la fin de son second. Sous prétexte de garantir la « paix et la sécurité des Tchadiens », l’ex-maquisard Zaghawa arrivé au pouvoir en 1990 au terme d’une guérilla dans le désert sahélien contre son beau-frère Hissène Habré, s’est « ériger » en exemple en matière de démocratie.
Selon des sources concordantes, à cause d’importantes ressources pétrolières et financières à la base de la construction de l’oléoduc Tchad-Cameroun, Idriss Déby est resté maître du jeu. Comme il fallait s’y attendre, la décision du président de la République de mourir au pouvoir ne pouvait qu'être mal accueillie par le peuple.
Du coup, l’opposition civile et armée ne s’est pas fait prier pour hausser le ton, des combats se sont intensifiés ces derniers mois, notamment à proximité de la frontière tchado-soudanaise. tandis que dans le sud, les populations installées sur le site des immenses richesses pétrolières crient au complot et déclarent ne pas désarmer.
Que de similitudes pour les quatre potentats: ce sont tous des pays francophones qui avaient organisé des simulacres de conférence nationale au début des années 90; les quatre présidents ont une formation militaire et sont arrivés au pouvoir soit par les armes, soit par un concours de circonstances malheureuses; les quatre ennemis de la démocratie sont tous soutenus par les puissances occidentales, - grands donneurs de leçons de démocratie quand cela ne les arrange pas - notamment la France qui tient lieu de puissance tutélaire.
Dans les quatre pays : les populations vivent dans une extrême pauvreté, tandis qu’une minorité contrôle toutes les richesses du pays. La gestion de leur pays se confond à leur famille où la corruption, le clientélisme, le tribalisme, la manipulation sont érigés an mode de gestion.
Selon toute vraisemblance, ce quatuor ayant fait des émules, et comme il fallait s’y attendre, Paul Biya vient de modifier la constitution du Cameroun. Il pourra dorénavant se présenter ad vitam æternam et rejoint le « gang » des despotes francophones au pouvoir par leur seule volonté et non celle du peuple.
Daniel Nguimbi
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