L'Afrique s'essaie à la démocratie du maître blanc, une démocratie d'importation que lui conteste la dictature des gouverneurs noirs nostalgiques de l'autorité sans partage du grand méchant colon qui coupait la tête pour un non ou pour un oui, parfois juste par caprice. L'ego s'écroule et régresse par le fait de la peur. Et on s'étonne que l'Hexagone ne dise rien quand Sassou ou Ali tuent. La dictature - comme le pouvoir colonial qu'elle incarne et sert - règne par la peur. En Europe, la démocratie se veut séductrice pour engranger des voix toute peur évacuée, en Afrique, elle dicte la peur aux peuples. Désormais, la férule blanche du colon est tenue par une main noire qui fouette encore plus fort que le Blanc. La dictature prolonge le terrorisme colonial, un terrorisme par procuration. En servant le maître pilleur, le serviteur dictateur se sert au passage. Cette voie blanche sur papier et "noire" en intentions ne réussit pas à tout le monde. Plus le pays est riche et peu peuplé, moins la démocratie est la bienvenue.
Cependant, la peur régresse, perd du terrain. Les peuples africains prennent conscience de leur pouvoir affirmé, écrit, proclamé mais jamais concédé aussi facilement. Nous avons reçu la fin de l'esclavage et de la colonisation sans combattre ; il faut ce coup-ci se battre et montrer ses griffes pour obtenir la vraie liberté, la démocratie car ce qui se donne n'est qu'un leurre. Nous travaillons à exorciser la peur inscrite en lettres de sang sur nos peaux anthracites à coups de fouets. Contre les puissances du monde, la kalach braquée directement sur la volonté, les peuples d'Afrique s'émancipent de la peur qui asservit. Nous finirons par y arriver - d'autant que le partage des idées se fait à la vitesse et à l'étendue des réseaux sociaux.
Il faudra trouver le moyen un jour de transformer les forces publiques en forces qui protègent les peuples et non les dictateurs. En fait, le retard démocratique en Afrique vient de là. Historiquement, nous avons affaire à des peuples jeunes, à des républiques qui balbutient encore leur constitution, à des forces publiques qui se comportent comme des forces mercenaires au service des seuls Etats.
Nous travaillons les esprits au burin et espérons redonner aux Africains leur philosophie première, leur peau identitaire originelle : pour nous, il n'y a rien de plus important que l'homme, le plus grand bien de prestige. Hélas, l'Afrique est aujourd'hui, l'endroit où l'homme a perdu de son lustre d'antan. Nous avons été dévalorisés au point de nous détester nous-mêmes, de croire que nos vies ne comptent pas dans le concert des nations mais il est temps que le Kamite redevienne lui-même en reprenant la place qui était sienne quand sa fille Kemet civilisait le monde : l'être qui aspire à l'éternité en servant la vie et la création du Créateur, notre ancêtre, notre PERE.
Nous suivons avec beaucoup d'attention la crise électorale au Gabon. En effet, deux hommes se proclament présidents comme lors de la crise ivoirienne. Dans ce texte, nous souhaitons comparer la réaction de trois variables : régime, opposition, peuple dans deux pays frontaliers au déterminisme quasi identique lors d'un même événement, ici, l'élection présidentielle : le Congo et le Gabon. Deux pays qui ont un fond démographique en commun par le partage des frontières (Tékés, Punus, Vilis, Nzébis, etc) deux pays faiblement peuplés mais très riches en ressources naturelles dont le pétrole est la principale, deux pays dont l'Etat est entre les mains d'un étranger (Sassou, le Béninois-Ivoirien et Ali Bongo Ondimba, le Nigérian-Biafrais), deux pays sous dictature familiale qui jouent à la démocratie électorale.
Au Congo, l'opposition sort principalement du PCT et au Gabon du PDG. Au Gabon, une famille est au pouvoir depuis près de 50 ans et au Congo, le PCT cumule presque la même durée, Sassou squattant les hautes sphères de l'Etat depuis plus de quarante ans (1968). nous sommes en présence de deux ex-toujours colonies françaises appartenant à l'ancienne Afrique Equatoriale Française. Des anciennes cartes confondent même le Congo et le Gabon. Il existe même des liens de sang entre la dictature des Bongo et celle de Sassou.
Si au Congo, l'élection présidentielle est à deux tours, au Gabon, elle se déroule en un tour. Remarquez qu'au Congo, depuis son retour aux affaires louches de la république royale bananière, en 1997, Denis Sassou Nguesso l'emporte toujours au premier tour lors de scrutins présidentiels. Une différence dans le principe mais une grande ressemblance dans la pratique.
Nous avons travaillé depuis près de vingt ans à libérer la parole, espérant que libérée, la parole libérerait l'action. Il fallait ensemencer les esprits en plantant la liberté. Nous avons choisi internet. Ensemble, nous assistons au réveil démocratique de l'Afrique. Tout n'y est pas encore parfait mais l'expérience remonte juste à la conférence de la Baule. La jeunesse de la démocratie africaine est une excuse recevable. Nous espérons une accélération. Nous avons vu les Ivoiriens résister à la puissance française avant de voir la France imposer son gouverneur noir. Ensuite vint la révolution de Jasmin partie de Tunisie avant de gagner l'Egypte, une révolution qu'on jurait qu'elle ne traverserait pas les Tropiques. Le Burkina Faso a jeté ses hommes intègres dans la rue. Compaoré s'est enfui. La ouagattitude était née après avoir triomphé d'un coup d'Etat fomenté par le Général Diendéré. Les regards se sont désormais tournés vers la riche Afrique centrale où pullulent les dictateurs et les dictatures.
Le Congo est entré dans un bras de fer avec Denis Sassou Nguesso. Certains de ses anciens alliés - de surcroît ministres pour certains - sont devenus des opposants. La politique est devenue un Janus à deux faces opposées le jour mais liées la nuit et par l'histoire et par la politique et par les liens maçonniques. Le peuple s'est réveillé mais les leaders n'ont pas été capables de porter le coup de grâce au régime alors que le pays était vent debout. Les jeunes désoeuvrés, sans autre avenir que la mort à petit feu dans la pauvreté ont répondu présents. Hélas, timorée, l'opposition ne s'est pas vraiment opposée : l'Alima a débordé et inondé la Constitution jusqu'à conserver le pouvoir entre les mains du même clan. L'élection présidentielle du 20 mars a vu la défaite de Denis Sassou Nguesso mais l'homme s'est maintenu au pouvoir en terrorisant le peuple, soudoyant une partie de l'opposition et en embastillant certains opposants trop intransigeants comme Paulin Makaya privé de l'élection présidentielle et le Général Jean Marie Michel Mokoko qui s'était retrouvé au second tour avec Parfait Kolélas. Acculée dans un rôle administratif, l'opposition n'a même pas été capable d'obtenir le recomptage des voix. Les leaders bloqués politiquement, le peuple n'avait plus de meneurs. Cependant, quelque chose avait changé : nous avions proposé de filmer et de photographier le processus électoral du 20 mars 2016 - ce qui permit d'établir aux yeux du monde entier la défaite de Denis Sassou Nguesso. En décapitant le mouvement populaire qui commençait à prendre, Sassou a arrêté net le mouvement démocratique. Cependant, l'expérience congolaise a inspiré nos frères du Gabon aui ont été très vigilants lors de l'élection présidentielle du mois d'août.
Au Gabon, l'opposition sortie du PDG a appliqué ce que nous avions proposé à la notre, à savoir, un candidat unique ; la stratégie qui fut refusée au Congo par l'opposition au prétexte de priver Sassou de voix partout pour mieux servir les ambitions personnelles a fonctionné au Gabon : Ali Bongo Ondimba a été battu pas Jean Ping, un autre baron du régime désormais dissident. Jean Ping n'a pas cédé. Le peuple gabonais est sorti dans la rue, là où le peuple congolais est resté sans réaction - après le hold-up électoral de Sassou. Assemblée nationale brûlée, aéroport de Lambaréné incendié, etc. Ali a appelé les mercenaires à la rescousse. Le chef d'Etat Major a démissionné tout comme le ministre de la justice. L'affaire est désormais entre les mains de la cour constitutionnelle. Il y a eu une fraude flagrante dans le Haut Ogooué. Madame Mbourantso a chaud aux fesses car Ping menace - en cas de parti pris.
Que pouvons-nous déduire de ces deux expériences ? Certes, l'expérience congolaise avec une partie du peuple qui sort de sa léthargie a inspiré le cas gabonais en matière de vigilance électorale mais le contexte global politique dans les deux pays est différent du fait que la dichotomie nord-sud ou clivage du pays en deux camps ethno-régionaux n'est pas aussi manifeste au Gabon où la force publique n'est pas ethnisée comme au Congo. Jean Ping a explosé le rassemblement autour d'Ali, là où le Général Jean Marie Michel Mokoko n'a pas réussi à retourner l'armée : ils appartiennent au même clan, Ping ayant épousé Pascaline Bongo avec laquelle il a deux enfants - ce qui a annulé le phénomène de rejet de l'opposant Ping qui a même surfé sur l'impopularité de son adversaire, lui qui dit : "Moi au moins, je suis né au Gabon.." Ping a réussi à créer un consensus autour de sa personne au point de rallier les deux autres candidats sérieux de l'opposition, là où les Congolais n'ont pas pu se regrouper autour du Général Mokoko ou de Guy Brice Parfait Kolélas. Jean Ping a bénéficié du soutien de l'ensemble du pays - là où le nord est resté attaché à Sassou au Congo, d'autant qu'avec près de trente ans dans les rouages du système, il a su se construire un important réseau. En somme, l'unité républicaine est plus forte au Gabon. La détermination populaire aussi. Ali pèche certainement en durée au pouvoir : sept ans ne peuvent pas être comparés à trente-trois ans mais il peut tout autant s'appuyer sur la force de l'Etat. Ali ne peut se permettre de mettre Ping aux arrêts sous un prétexte fallacieux qui risquerait de mettre le feu aux poudres, d'embraser le pays. Avec une élection à un tour, celui qui a eu la majorité des voix est le nouveau président de la république. La balle est entre les mains de la cour constitutionnelle du Gabon, des mains féminines appelées Mbourantso. Celle qui a veillé sur le pouvoir de feu Omar Bongo pendant quarante-deux ans est aussi la mère de ses enfants. Elle doit trancher entre le fils adoptif de feu son "mari" et son ex-beau-fils. Va-t-elle désavouer Ali ou décevoir Ping ? Au moins, elle aura à se prononcer. Elle a le choix entre le mensonge et la vérité. En dictature, nous le savons tous, on n'aime pas beaucoup la vérité qui ne sert pas la conservation du pouvoir.
En tout cas, ce qui tranche avec l'attitude de l'opposition congolaise, c'est la posture de Ping qui ne se laisse pas faire et qui est décidé à ne pas se laisser voler sa victoire -ce qui fait toute la différence. Au Congo, Parfait Kolélas arrivé potentiellement premier reconnaît la victoire d'un tricheur quand le Général Mokoko préfère se faire arrêter. Si la démocratie n'est pas servie par des hommes politiques qui ne veulent ou ne peuvent pas la défendre, c'est qu'ils ne méritent pas le pouvoir. Sassou aurait dit : "Le Congo appartient à tous mais le pouvoir est à moi..." Il est temps qu'apparaisse un Congolais qui aime le pouvoir plus que Sassou ne l'idolâtre pour oser lui tenir tête, voire le virer du sommet de l'Etat. Si un cabri chassait Sassou du pouvoir, nous applaudirions le cabri.
Au Gabon, nous avons l'impression que Ping n'est pas Maboundou. Normal : il y a du chinois en lui et en Chine, on ne lâche pas le pouvoir qu'on a légalement gagné parce que dans un Chinois, il y a du chien et un vrai chien ne cède pas son os à un autre - sans le défendre jusqu'au bout de la canine...
LION DE MAKANDA, MWAN' MINDZUMB', MBUTA MUNTU