A l'heure où je dispose de 207 abonnés (actuellement 322), il me vient à l'idée de mettre en parallèle un texte qui éclaire ma vision de la voie démocratique qui sortirait l'Afrique de l'impasse de la démocratie imitée, texte écrit le 08/09/2010 et dont les idées ont été reprises en 2012 par Denis Sassou Nguesso. Quand vous aurez entendu l'homme qui dirige le destin du Congo, vous vous demanderez s'il n'a pas lu ce texte qui est l'un de mes textes les plus importants. Même l'allusion au Japon se trouve dans un autre de mes textes où je démontre que le progrès économique et le développement ne dépendent pas de la démocratie à l'occidentale puisque deux des premières puissances économiques mondiales n'étaient pas des démocraties (Chine, Japon) - encore que la démocratie à l'occidentale n'est pas du tout parfaite sur le plan du consensus total qui est la mesure de toute organisation et institution humaines qui se veut juste et consensuelle. Ceci montre que Denis Sassou Nguesso pourrait être un fidèle lecteur de Demain le Nouveau Congo-Brazzaville...
Le texte publié le 08 septembre 2010 sans la moindre retouche :
ESSAI : OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS SUR UNE REFORME PERTINENTE DES INSTITUTIONS CONGOLAISES (REPUBLIQUE DU CONGO) OU DE LA TRADI-REPUBLIQUE
INTRODUCTION
Une institution se présente comme un organe collectif, consensuel, normatif ou non, inscrit dans la légalité et l’inconscient collectif dont le but est de représenter le Tout ou des parties du Tout dans la prise de décision, la résolution des problèmes collectifs, la gestion ou la représentation du Tout face à d’autres entités. Une institution peut être codifiée dans l’écrit ou non, coulée dans le béton ou non. Elle est normalement le fruit de l’évolution naturelle des peuples mais il arrive qu’elle soit imposée et qu’elle finisse par déterminer la PERSONNALITE COLLECTIVE ou SOCIETE – sans toujours réussir à chasser le fond identitaire précédent mais toujours de façon hégémonique de sorte qu’elle influe sur la culture elle-même.
Il n’est pas d’institutions universelles seulement des besoins humains universels comme la liberté (expression, mouvement, action, pensée, sentir), la santé, la nourriture, l’énergie, l’éducation, le travail, l’amour, l’habitat, la vestimentation, l’identité (généalogie+culture+société).
Les institutions naissent de la vie commune et de la nécessité des groupes humains à définir des règles de vie commune et de la façon dont on peut amener l’individu à s’y plier – soit par la culture, soit par la contrainte juridique, soit par la force (domination, colonisation, aliénation, etc.)
Dans l’absolu, les institutions sont idéalisées mais dans la réalité, elles doivent être animées par des hommes qui ne sont pas parfaits et c’est à la société, au TOUT SOCIAL d’établir un rapport de force qui amène les représentants institutionnels à rester dans les objectifs prédéfinis.
Les institutions ne sont pas éternelles. Elles naissent et meurent ; seuls les besoins et les nécessités dialectiques demeurent. L’essentiel d’une institution est de parvenir à rester dans le giron du consensus collectif. On peut améliorer les institutions et l’histoire des hommes nous le démontre car le « démos grec » n’est pas le peuple d’aujourd’hui car TOUS NE VOTAIENT PAS DANS LA GRECE ANTIQUE, LE DEMOS D’HIER N’ETANT PAS LE PEUPLE D’AUJOURD’HUI MAIS UNE ELITE SOCIALE DOMINANTE.
Le gros problème des institutions est double : d’abord le fait qu’elles sont définies par une élite sociale sous la pression populaire ou non mais toujours par nécessité et enfin le fait qu’elles peuvent être dominées par des forces mentales ou physiques qui en imposent de sorte que le consensuel ne soit plus leur ligne d’équilibre.
On peut dire que les institutions fonctionnent bien quand la société est harmonieuse et que l’individu s’y épanouit bien et qu’elles ne retournent pas leur puissance déléguée contre le peuple qui les a mises en place ou acceptées.
On notera que le TOUT (SOCIETE) est en soi une institution qui peut revêtir une forme qui déterminera les autres institutions (république, royauté, principauté, dictature, démocratie ou une combinaison de telle ou telle forme avec une autre ou plusieurs). Le TOUT sociétal peut se développer de façon naturelle ou non et nous remarquons que les sociétés qui s’établissent naturellement sont harmonieuses. Le TOUT est rarement homogène mais TOUTES LES PARTIES se reconnaissent dans le TOUT et ses règles tout en tenant à leurs spécificités.
Dans le cas du CONGO, nous pouvons constater que c’est un TOUT issu de l’hégémonie impériale française qui a considéré un ensemble délimité arbitrairement lors du partage colonial comme une de ses colonies qui deviendra ensuite une république – sans que le peuple n’ait son mot à dire. On peut même dire que cet ensemble a fonctionné sous la contrainte coloniale plus harmonieusement qu’après le départ des Français et la proclamation des indépendances. La question est de savoir si la forme actuelle de nos institutions est compatible avec nos intériorités identitaires ou non étant donné que nos institutions ne fonctionnent pas harmonieusement car le consensus et/ou la recherche du consensus n’en sont pas les bases relationnelles. Quelle est la pertinence de nos institutions ? Sont-elles biaisées ou ne fonctionnent-elles pas parce qu’elles ne correspondent pas à notre moi profond (kimuntu défini comme une personnalité bantoue hautement morale et respectueuse de l’autre et de la vie) ? Pourquoi avant l’arrivée des Blancs nos sociétés étaient harmonieuses et qu’il y faisait bon vivre ? Quelles sont les contradictions qui en expliquent le dysfonctionnement et comment y remédier ? Quelles institutions pour un Congo harmonieux ? Si la réforme semble nécessaire, sur quelles bases doit-on l’opérer ? Telles sont les interrogations auxquelles nous devons répondre de façon circonspecte.
Nous allons d’abord étudier les caractéristiques des sociétés traditionnelles à travers leurs institutions et rechercher ce qui fait qu’elles étaient harmonieuses et semblaient flotter hors du temps de façon immuable. Ensuite nous étudierons les changements et la façon dont ils ont affecté la personnalité et nos institutions pour ensuite proposer des solutions qui somme toute seront évidemment discutables. Il s’agit ici d’un essai et cela signifie que nous sommes hautement conscients de la difficulté de la tâche qui devrait être un travail collectif.
CARACTERISTIQUES DES SOCIETES TRADITIONNELLES ET DE LEURS INSTITUTIONS ORIGINELLES
Il existe un noyau institutionnel dans les sociétés traditionnelles des peuples bantous en général et des peuples du Congo en particulier : ce sont des sociétés à institutions non formalisées de caractère traditionnel inscrites dans l’oralité comme mode de transmission et d’exécution dans le consensus ritualisé, des institutions non marchandes car la notion de profit n’existe pas et l’exploitation de l’homme par l’homme n’est même pas envisageable.
Dans une telle société, la monnaie n’est pas une nécessité puisque le troc suffit et en général, les individus possèdent à peu près les mêmes connaissances et le mode de production rustique est à la portée de tous. Ce sont des sociétés où la police et l’armée n’existent pas car le kimuntu fait en sorte que le crime y est minime et, le respect de l’homme ou de l'être humain, l’ancêtre des droits de l’homme aidant, la vie sociale dans les sociétés tribales est harmonieuse, solidaire, le groupe primant sur l’individu.
La société traditionnelle a ceci d’extraordinaire : elle force la liberté de la pensée individuelle à définir un comportement totalement axé sur l’acceptation par le consensus de TOUS – de sorte qu’il y a très peu de contrôle de l’individu par le groupe car la déviance y est moindre.
Une société est une entité collective composite et chaque MOI est histoire soluble dans la grande HISTOIRE collective, c’est-à-dire, un condensé du passé généalogique du groupe, du présent et de l’avenir qui essaient ensemble de s’intemporaliser autour d’un commun dénominateur intangible. Toute entité collective est NOUS et un NOUS peut être un ensemble de VOUS qui doivent se supporter pour vivre ensemble comme à l’époque de la colonisation où des individus issus d’ethnies diverses furent obligés à vivre ensemble. Une entité collective créée de façon brutale est un ensemble de VOUS qui doivent créer une mémoire commune et le drame des sociétés coloniales est de manquer de mémoire collective, de passé commun, de sorte que la république du Congo aura un grand déficit de mémoire collective face aux ethnies. Face à un déficit de mémoire, c’est-à-dire, une faiblesse identitaire collective, il faut de puissants principes de consensus et c’est à ce niveau que pèche la république. Nos principes sont faibles car on constate que le recours à la force par le truchement de la justice pour y annuler la déviance n’existe pas pour la classe dominante.
Les sociétés traditionnelles sont définies comme traditionnelles par leur oralité et par l’absence du Droit écrit remplacé par la tradition ou la force de l’habitude de l’histoire. Le Droit canon est de la force physique cristallisée en force mentale gravée dans des symboles scripturaires. Il n’est donc pas étonnant que l’échec de la coercition mentale amène le Droit à sévir sous sa véritable nature : la force physique (armée, police, gendarmerie, etc.). Le Droit est né dans des sociétés fortement militarisées qui ont un recours constant à la force physique. Or, celles-ci ne peuvent contrôler des foules énormes ; elles sont donc obligées de prendre une forme mentale visualisable à l’extérieur par le Droit.
Les sociétés où la force physique n’existe pas comme expression de contrainte ne ressentent pas la nécessité de créer un Droit et fonctionnent simplement sous le mode du consensus total. Le consensus total est une forme de démocratie, elle peut même être considérée comme la matrice même de cette dernière car la démocratie n’est que le consensus total obtenu en transformant le consensus partiel le plus grand en consensus de tous, c’est-à-dire, en consensus total. Nous venons d’ouvrir un champ qui devrait intéresser les chercheurs en définissant la matrice du processus démocratique : le processus de création du consensus total. Or, la tradition est le mode de consensus total collectif qui ne souffre d’aucune contestation, d’aucune injustice car ce n’est pas un consensus obtenu par la force ou un consensus visant à produire une inégalité sociale. La tradition n’est pas le fruit d’une pensée dominante issue d’une classe dominante mais la capitalisation d’une expérience humaine positive transmissible culturellement. C’est là que se trouve l’or du kimuntu et je me demande combien comprendront véritablement la portée de ce texte car il ouvre un champ nouveau qui permet de comprendre que la dictature est refus du consensus et nous Africains, avons tiré cette façon de faire du Droit colonial qui s’est imposé à nous de façon arbitraire sous le mode de la domination. Ce processus qui contient les germes de toute démocratie tracé, il nous reviendra de proposer comment il nous est possible de revenir à un mode de consensus total qui pourrait être l’invention d’une démocratie originale.
LE PROBLEME DE LA SOCIETE CONGOLAISE
Nous avons du mal à passer d’entités à consensus global (tradition) à un autre mode de gouvernance qui est le consensus partiel généralisé avec intérêt de tous (démocratie). Contrairement à ce que l’on pense, si vous m’avez bien compris, vous vous rendez compte que la tradition est supérieure à la démocratie comme le Tout est supérieur à la partie car ce qui s’applique dans une démocratie c’est le choix de la plus grande minorité sur tous – de sorte que la démocratie est elle-même la dictature du plus grand nombre, la tradition ne pouvant être une dictature qu’elle ne générera pas car elle est la capitalisation d’une pensée globale non élective. En effet, l’élection ne produit le consensus que par une aliénation de la liberté de la plus petite minorité face à la plus grande. Pour illustrer ce que nous considérons comme la première théorie universelle du consensus en tant que processus, nous dirons que c’est ce second processus de consensus (démocratie) qui amena Adolf Hitler au pinacle du pouvoir en Allemagne, de sorte que la folie posséda un pays pour écrire une tragédie mondiale. En effet, si le plus grand nombre est dans l’erreur et qu’il obtient le triomphe de l’erreur par le vote, c’est l’erreur que suivra le TOUT SOCIAL. C’est la première fois, qu’un penseur produit une théorie qui contient tous les processus qui sont à la base des modes de gouvernance.
PROPOSITIONS DE REFORME DES INSTITUTIONS CONGOLAISES
Si nous résumions notre pensée, nous l’exprimerions de la sorte : il nous faut inventer un nouveau mode de gouvernance : la république consensuelle ou la « TRADI-REPUBLIQUE ». La première exigence d’un tel projet consiste d’abord à réinventer la force physique, à la tourner exclusivement vers l’extérieur ou vers la contenance de la déviance intérieure de la société congolaise.
Il nous faut remettre une sorte de « tradition » au cœur de la république. On ne peut encore s’inspirer du modèle de la votation suisse qui n’a pas d’armée ; ce qui confirme ma théorie mais simplement une police mais on peut dans une première phase modifier les corrélations entre l’exécutif, le juridique, l’administratif, le financier et le coercitif. Comment ? En assignant à l’armée la seule tâche de défendre les frontières et de s’y installer pour garder les contours de la nation. En faisant de la présidence de la république un simple poste symbolique et en mettant en scène un Conseil Constitutionnel Ethnique qui regrouperait tous les sages de toutes les tribus pour symboliser l’unité nationale en modifiant la Constitution – de sorte que le consensus global soit le seul mode de fonctionnement de ce Conseil qui en référerait à la démocratie en seconde instance, le consensus n’ayant pas été trouvé en son sein. Il faudra un Comité AD HOC de mise en place de la nouvelle Constitution qui permettrait au Conseil Constitutionnel Ethnique National de voir le jour.
Nos sociétés modernes sont en fait des guerres de consensus ethniques différents – en Europe, l’ethnie étant remplacée par le « parti politique » ou consensus par la vision sociale globale ou identitaire. Denis Sassou Nguesso n’a-t-il pas dit : « Donnez-moi vos fils et vos filles pour que je garde le pouvoir au nord » ? Il faut éviter la possibilité qu’une ethnie prenne le pas sur l’autre en refondant l’armée qui serait une armée frontalière car elle vivrait en gros aux frontières – de sorte que le retour d’un militaire dans la cité correspond à la fin de son service militaire. On pourrait envisager l’existence d’un Etat mais simplement comme organe de contrôle, le pouvoir étant collectivement détenu par le Conseil Constitutionnel Ethnique. En effet, seule la tradition est un véritable pouvoir démocratique car elle est exercée collectivement pour l’intérêt de la collectivité ou du TOUT SOCIAL. On confierait l’élaboration de projets économiques à un groupe d’experts qui soumettraient leurs propositions au Conseil Constitutionnel National Ethnique qui prendrait ses décisions à la majorité absolue, le cas échéant étant résolu par le vote. Dans une telle société, la décentralisation est une condition nécessaire ; ce qui nous amène à repenser l’urbanisation en mettant en place non plus des grands ensembles humains mais des cités à taille intelligente.
La tradition est une sorte de pouvoir détenu par tous car n’importe qui peut l’appliquer ou l'exercer sans craindre de blesser son prochain. Ce consensus traditionnel était notre spécificité ; nous proposons d’y retourner – de sorte à réussir le pari des anciens, la vie idéale de nos ancêtres où nul n’oppressait personne. C’est une théorie complexe à mettre en place au vu de la déstructuration de nos sociétés par le processus colonial et capitaliste issu de l’occident mais si on y réfléchit bien, on trouvera dans cette réflexion les germes d’un développement qui ressuscitera notre kimuntu-bomoto. Ce n’est pas le lieu d’un tel développement intellectuel complexe : il ne m’a été demandé qu’un texte liminaire de quatre pages.
Le développement n’est pas un fatras, une accumulation de richesses entre les mains de quelques-uns qui imposent un consensus factice à tous en usant de manipulations médiatiques, juridiques et en usant de la contrainte quand leur cause se heurte à une résistance. Le Boutan est à lui tout seul un mode de gouvernance curieux mais on s’y sent bien et je pense que c’est là le but et le sens de la vie en commun : que chacun s’y sente bien. La démocratie occidentale n’est pas parfaite et nous ne pensons pas qu’elle est le meilleur mode de gouvernance comme nous l’avons démontré par le biais de la logique. Cependant, ceci est une vision radicalement originale d’un esprit qui s’est totalement déconnecté des pesanteurs idéologiques du monde moderne et de ses schèmes de pensée. Il n’est nullement question d’en faire la pensée dominante dans un monde totalement connecté mais n’avons-nous pas le droit de revendiquer notre ORIGINALITE ? Le droit à l’originalité pour résoudre tous les problèmes que nous avons eus pendant 50 ans que nous n’aurons jamais eus si le Congo était une tradi-république, la première du monde car la « tradi-république » est supérieure à tout autre type de société.
Il s’agit d’une vue originale qui pourrait paraître d’une intelligence un peu difficile mais nous savons que ce consensus dont il est question ici n’exclut pas la différence mais toujours dans l’intérêt de tous de sorte à ressusciter ce mode de gouvernance extraordinaire de nos ancêtres dans lequel le groupe était supérieur à l’individu qui avait le devoir moral de s’y fondre sans se décomposer ou désintégrer sa personnalité.
LION DE MAKANDA
A présent, la vidéo des voeux de monsieur Denis Sassou Nguesso dans laquelle il parle du dialogue social, d'autres thèmes et de la possibilité que la tradition soit une source de démocratie. En disant cela, il s'agit surtout de réfléchir sur sa mise en oeuvre...