COMMENTAIRE : Voici l'article entier publié sur le site de Médiapart que nous avons pu nous procurer au travers de notre réseau. Vous apprécierez le sens du détail dans la dépense selon telle ou telle personne au sein du clan Sassou & Nguesso. De la pêche au crocodile au grand luxe, tel est le chemin parcouru par la famille Nguesso grâce à celui qu'ils vénèrent tous comme le dieu éléphant pour les avoir fait sortir du monde des pêcheurs sur les rives de l'Alima à l'argent facile de la république royale bananière du Congo.
On pourrait même trouver une meilleure métaphore : ils sont passés de pêcheurs de crocodiles sur les berges de l'Alima à pêcheurs de milliards dans les caisses de l'Etat pour s'offrir des costards mal acquis et la plus belle vie facile du monde. Du crocodile au milliard, il y a tout un peuple au milieu qui en pâtit. Il faut bien que qu'un peuple perde quelque part pour que des richesses faciles se fassent et s'exhibent...
Reste une énigme que nous allons essayer de résoudre : QUI EST Philippe C., l'homme qui semble être au coeur de toute cette arnaque qui fait profiter l'argent du Trésor public au clan Sassou & Nguesso ? On sait qu'il est de nationalité française mais nous souhaitons avoir plus d'informations et nous allons remuer ciel et terre pour tirer tout ceci au clair...
MEDIAPART
« Biens mal acquis »
A Paris, le shopping de la corruption du clan Sassou
2,5 millions d'euros de montres et de bijoux, 1,6 million d'euros de costumes, 250.000 euros de chemises…
Les policiers en charge de l’affaire dite des « Biens mal acquis » sont parvenus à établir dans le détail les indécentes dépenses « shopping » du président du Congo-Brazzaville et de sa famille à Paris. L’argent provenait essentiellement des caisses de l’État congolais, via un circuit de sociétés offshore mis au jour par les enquêteurs.
C’est une promenade policière dans le Paris du luxe qui donne la nausée. Les enquêteurs de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière,
en charge des différents volets de l’affaire dite des « Biens mal acquis », sont parvenus à établir dans le détail les indécentes dépenses « shopping » du président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, et de sa famille.
Ce sont au minimum 7,7 millions d’euros à l’origine douteuse qui ont ainsi été dilapidés en quatre ans dans les plus beaux magasins de la capitale en futilités diverses, montres, bijoux, chemises, costumes et autres, d’après un décompte effectué par Mediapart à partir de dizaines de procès-verbaux de police.
Alors que le pays qu’ils dirigent d’une main de fer sans discontinuer depuis 1997 fait partie des « pays pauvres très endettés » (PPTE) référencés par la Banque mondiale ; que près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté ; que l’accès à l’eau potable ou à l’électricité demeure encore difficile ; que le taux de chômage national dépasse les 30 % ; qu’un quart des enfants congolais de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique, le président et les siens dépensent régulièrement sans compter à 6 000 kilomètres de la misère.
De fait, le pays vit sur une confortable rente pétrolière, mais sa population n’en voit que très rarement la couleur. Le groupe français Total, installé depuis la fin des années 1960 au Congo, assure à lui seul près de 60 % de la production nationale. L’autocrate francophile Denis Sassou Nguesso entretient de son côté depuis longtemps de solides amitiés avec la classe dirigeante française, comme en témoignent les récentes et chaleureuses rencontres avec les UMP Jean-François Copé et Rachida Dati ou la proximité affichée avec le banquier d’affaires Matthieu Pigasse, proche du parti socialiste, et co-propriétaire du journal Le Monde.
Saisie par plusieurs ONG anti-corruption, la justice française enquête depuis 2010 sur des soupçons de « détournement de fonds publics », « blanchiment », « abus de biens sociaux et de confiance », visant plusieurs dignitaires africains : les Bongo au Gabon, les Obiang en Guinée-Équatoriale et les Sassou Nguesso au Congo. Tous sont accusés d’avoir détourné l’argent public des pays qu’ils dirigent sans partage pour s’enrichir illégalement et se constituer, en France, un patrimoine dont le faste dépasse parfois l’entendement.
Après les villas et les appartements achetés par dizaines, après les parcs automobiles constitués sans aucune limite, les policiers français se sont cette fois penchés sur les “petites dépenses” des uns et des autres, et tout particulièrement du clan Sassou Nguesso. Louis Vuitton, Arije, Dolce Gabbana, Dubail… : c’est un épais catalogue du luxe parisien qui défile désormais entre les mains des enquêteurs et des juges d’instruction Roger Le Loire et René Grouman.
Une bonne part des dépenses aujourd’hui considérées comme suspectes par la justice a été opérée soit en espèces soit au travers des comptes offshore de sociétés-écrans domiciliées dans des paradis fiscaux.
Voici un aperçu des dépenses que les enquêteurs ont pu retracer ces derniers mois dans différentes boutiques de luxe parisiennes.
Chez Arije, bijoux et montres :
— Antoinette Sassou Nguesso, l’épouse du dictateur, a dépensé entre 2009 et 2011, 171 675 €, dont plus de 130 000 € ont été réglés en espèces.
— Claudia (Sassou) Nguesso, la fille et conseillère spéciale du dictateur, sur la même période : 243000 €.
— Denis Sassou Nguesso en personne : 14 130 €.
— Edgar Sassou Nguesso, le cousin : 1,04 million d’€ en deux ans, dont près de
200 000 € en espèces.
— Wilfrid Sassou Nguesso, neveu et patron de la société de transports Socotram :
1,05 million d’€.
Chez Halary, spécialiste de la chemise haut de gamme sur-mesure :
— Entre septembre 2005 et novembre 2011, 257 261 € ont été versés en espèces pour l’achat de chemises monogrammées “D.S.N” (pour Denis Sassou Nguesso), des chaussettes en laine et en soie et des boutons de manchettes sertis d’argent et d’or. L'argent provenait des caisses de l'État congolais
Chez Dubail, horlogerie et joaillerie place Vendôme :
— Edgar, le cousin, s’est offert en 2006 trois montres pour un montant total de 94484 €, dont l’une d’elles, une IWC “Tourbillon” en or rose, a coûté près de 60 000 €.
— Denis Cristel, le fils, a acheté en 2008 une montre, elle aussi en or rose, pour 22160 €. Montant réglé en espèces.
— Pour la famille Sassou Nguesso, sans précision particulière quant au destinataire final, deux montres homme (une Richard Mille et une Franck Muller) ont été acquises en 2008 pour un total de 196 970 €. Une partie des sommes a été réglée par une société baptisée African Petroleum Activities LD.
Chez Pape, maître tailleur :
— Denis Sassou Nguesso s’est acheté pour… 1,66 million d’€ entre 2005 et 2012, des centaines de costumes, payés essentiellement par virement, notamment via une société civile immobilière.
— Edgar, le cousin, a déboursé 443 452 € pour près de 140 costumes.
— Wilfrid, le neveu, a versé 38 209 €, payés une nouvelle fois par la Socotram qu’il
dirige.
Chez le célèbre maroquinier Louis Vuitton :
— Jean-Jacques Bouya, un cousin de “DSN”, a déboursé entre 2005 et 2011 pour 136500 €, dont la moitié a été réglée en espèces.
— Edgar Nguesso : 708 000 €, le tout essentiellement payé en espèces.
— Claudia (Sassou) Nguesso : 34 000 €.
— Denis : 101 704 €, tout en espèces.
— Antoinette, l’épouse : 27 870 €.
— Guy Johnson, le gendre : 11 121 €
Chez Romeo, mobilier et décoration d’intérieur :
— Pour “M. Sassou Nguesso”, les policiers ont retrouvé 757 200 € de factures. Certains paiements reçus avaient préalablement transité par des banques suisses.
Chez Villa Paris, carreleur de luxe :
— En 2006 et 2007, pour Denis Cristel Sassou Nguesso, le fils, 402 000 € ont été dépensés par l’intermédiaire d’une banque domiciliée à Libreville au Gabon, la BGFI Bank.
Chez Unza Design, design d’intérieur :
— Les enquêteurs ont retrouvé une facture au nom de Denis Sassou Nguesso pour
244 642 €.
Chez Dolce Gabbana, vêtements :
— 2 810 € ont été dépensés au nom de Claudia Sassou Nguesso en tee-shirts, pantalons et chemises.
Derrière ce shopping d’un genre particulier, se cachent des montages financiers parfois complexes, dont les policiers parviennent petit à petit à démêler l’écheveau. Notamment grâce à la coopération internationale et au service de renseignements du ministère des finances, Tracfin. Un homme de paille, un certain Philippe C., de nationalité française mais domicilié à Nyon, en Suisse, a pu être identifié comme étant au coeur du système financier opaque du clan Sassou Nguesso.
Dans une note du 3 août 2012, Tracfin avance que Philippe C. a ouvert plusieurs comptes bancaires aux noms de nombreuses sociétés-écrans qui ont leur siège social dans des paradis fiscaux (île Maurice, les Seychelles, îles Marshall, Hong Kong...). « Des transactions pour plusieurs millions d’euros ont été effectuées (60millions d’euros), dont l’origine pourrait être illicite », note un commandant de police dans un récent rapport du 19 juin 2013. « Ces faits pourraient en effet provenir de délit de corruption commis en Afrique (Congo-Brazzaville et Congo plus précisément) », poursuit-il.
Mieux : d’après les éléments recueillis, la très officielle Direction générale des grands travaux (DGCT) de la République du Congo aurait transféré depuis 2007 plus de 60millions d’euros sur les comptes détenus par les sociétés étrangères dont l’uniquepersonne habilitée à agir est Philippe C. Une partie de ces sommes a transité par un établissement bancaire du petit État de Saint-Marin, une enclave au coeur de l’Italie, longtemps considéré comme un paradis fiscal.
Or les autorités de Saint-Marin enquêtent elles aussi sur l’intermédiaire Philippe C., suspecté là-bas de blanchiment, et les informations transmises à la France se sont avérées très précieuses. En effet, les virements SWIFT analysés par la Cellule de renseignement financier de Saint-Marin montrent que c’est la Direction générale du trésor de Brazzaville qui a émis les ordres de virements de plusieurs dizaines de millions d’euros, qui ont permis in fine les emplettes de luxe du clan Sassou Nguesso à Paris. Une démonstration, sur le papier, du détournement de l’argent public congolais au profit personnel de la famille présidentielle.
http://www.mediapart.fr/journal/international/101013/paris-le-shopping-de-la-corruption-duclan-sassou-nguesso