Ma chère Noëlle, j'ai toujours dit que nous n'avons pas encore dépassé le stade du vote identitaire pour passer à celui du vote par projet, prélude à l'éclosion d'une véritable démocratie. La démocratie électorale est le stade où l'identité, l'épiderme, les racines, ne comptent plus : on est jugé à la hauteur de ses projets et à sa capacité à les tenir. Et lorsqu'on en arrive là, les hommes politiques naissent vraiment. Un homme politique, qui est-il vraiment ? C'est un homme qui ne peut compter que sur son intégrité morale et sur sa force de proposition et non sur ce qu'il EST. Voilà, le chemin qui nous reste à parcourir pour avoir des hommes politiques dignes de ce nom. Lors du vote identitaire, le projet du candidat, c'est... son IDENTITÉ ! Qu'il n'ait rien à proposer, à dire, qu'il soit traître, alcoolique, pouilleux, fou ou assassin, c'est un fils du coin, de la région, de l'ethnie. On se doit de voter pour lui. Les sages mbochis n'ont-ils pas dit à Sassou : "TU ES NOTRE FILS ; NOUS NE T'AVONS JAMAIS ABANDONNE" ? Pour passer à l'étape d'après, il y a du travail : il faut que cessent la distribution des privilèges ethniques au profit des droits de tous et l'arbitraire dans la violence. Tant que cette condition ne sera pas réunie, nous pataugerons dans le vote identitaire. En fait, les hommes politiques exploitent à leur profit l'esprit grégaire, l'affinité identitaire qui est au service de l'ambition personnelle. Sassou est prêt à massacrer tous les Mbochis si ces derniers refusent d'épouser sa logique de division tribale, sa politique de distribution de privilèges ethniquement et claniquement orientée. C'est ce qui fait la force des dictateurs.
Définissons d'abord une société fragile. C'est à nos yeux une société à faible cohésion sociale par défaut de ciment politique qui est le flux d'échange dans les deux sens de tous à chacun et de chacun à tous. Et la bonne question sociologique à se poser est : comment fait-on pour aller vers la démocratie avec une société fragile basée sur la lutte politique d'une ethnie qui essaie de dominer toutes les autres au travers d'un individu qu'on s'efforce de hisser et de conserver au sommet de l'Etat ? That is the question. In fact, the question is THE problem. So try to solve it. Il existe une solution pour résoudre cette épineuse équation différentielle : la distribution des droits et des devoirs de façon égalitaire, de sorte qu’être de telle ou telle ethnie ne compte plus, ne vient plus impacter la conscience en premier. Et là est le défi qui conduit à la modernité. Le jour où être Congolais sera plus important qu’être Mbochi, Kongo, Téké, Ngala ou Vili, etc, nous aurons gagné la démocratie. Là est ma vision, là est mon espoir, là, est mon idéal. Or, que font les politiciens ? Ils assassinent cet idéal qui donnerait naissance à la nation, au CONGO. Certes, nous ne cesserons pas d'être ce que nous sommes mais si l'esprit grégaire, collectif, l'emporte sur l'esprit de partialité ethnique ou clanique, nous aurons fait un grand chemin. Et tout Congolais qui ne regarde plus qu'à ce que les hommes politiques peuvent lui apporter au lieu de regarder à qui est en face de lui, deviendra un CITOYEN car ce qu'il réclamera ne sera plus seulement pour lui tout seul mais la même chose que devront aussi recevoir les autres. Là, nous serons véritablement sur le chemin de la démocratie. Nos différences ne sont des freins que parce qu'elles ne fusionnent pas dans les ressemblances. La démocratie est comme une rivière dans laquelle on ne distingue plus les gouttes d'eau ethniques. Je pourrais m'étendre tellement mon cœur s'épand sur ce qui lui semble être le cœur, le nœud du problème. Nous devons inventer une nouvelle ethnie au dessus de toutes, l'ethnie CONGO, une ethnie qui passerait avant toutes les autres - sans les faire disparaître. La différence n'est une richesse que perdue au sein de la ressemblance, au service de la ressemblance. Ah, comme les mots me viennent avec tant de simplicité !
Maître Dominique Nkounkou est un homme de haut idéal. Il faudra trouver le moyen de mobiliser les autres avocats pour le soutenir. Je n'oublierai jamais qu'il m'a défendu quand la mafia de l'Alima m'attaqua en justice en France. Nous, au niveau de la Diaspora, ne parvenons pas encore à dépasser le stade de l'ego. L'individualisme occidental a ceci de particulier qu'il fait enfler l'ego, de sorte que l'individu, le MOI, passe avant le collectif, la société. On la traîtrise n'existe que parce que l'ego individualisé tend à satisfaire l'ambition individuelle. C'est cela l’égoïsme, le fait de faire passer EGO avant LE TOUT. On le voit à l'oeuvre en Europe et dans le monde entier avec les PANAMA PAPERS. Ce fut l'inverse dans nos sociétés traditionnelles dans lesquelles l'esprit grégaire l'emportait sur l'esprit individuel. Nos ancêtres ont maîtrisé l'ego, de sorte à créer des sociétés où l'homme n'exploitait pas l'homme car pour cela, il fallait que certains ego prennent l'ascendant jusqu'au point de devenir prédateurs pour d'autres. C'est le point fort. De l'esprit grégaire de nos ancêtres nous vient le vote identitaire, l'impression que le pouvoir est avant tout un pouvoir de groupe, un pouvoir ethnique. Nombreux voient dans les personnalités politiques, le porte-étendard d'un clan, d'une ethnie, etc. Il n'y a qu'à voir la composition des ministères pour s'en convaincre : chaque ministre s'entoure de ses proches (lignages, clans, ethnie, un peu les alliés matrimoniaux ou sociaux). C'est le point faible.
Vous avez tout compris. La France par la bouche du président François Hollande a choisi son camp : Sassou au lieu du peuple congolais. Il n'y a plus rien à dire ou à faire, une fois que le choix est fait. On s'en tient. Elle plaide pour le statu quo dans la satisfaction de ses intérêts dans notre pays. De toute façon, elle ne veut pas d'un Mukongo au sommet de l'Etat. Un Mukongo, président ? Non, trop nationaliste. On me l'a dit en face. Donc, on maintient le moins nationaliste au pouvoir. Une fois que vous aurez compris cela, vous aurez compris pourquoi après Pascal Lissouba, un sudiste ne reviendra pas si tôt au pouvoir, au sommet de l'Etat. Pourquoi ? Parce que Pascal Lissouba a exigé un meilleur traitement des intérêts du Congo en faisant passer de 17 à 33% notre part de pétrole. Et ça, ça vous pénalise tous les Bakongo aux yeux des Français. On peut les massacrer, la France ne bougera pas le petit doigt, surtout quand elle a vu Pascal Lissouba faire appel aux Américains pour venir prendre une part dans le pétrole congolais qui est la chasse gardée de la France qui tient mordicus à son indépendance énergétique. N'est-ce pas pour cela que la FRANCAFRIQUE a été créée par le Général Charles De Gaulle ? La FRANCAFRIQUE est un ensemble d'Etat vassaux œuvrant pour la satisfaction des intérêts de la France, des Etats liés par des chaînes monétaires. Sortir du franc CFA est une condition, une des conditions pour briser l'influence de la France sur ses ex-toujours colonies africaines.
Nous n'avons besoin que de NOUS-MEMES pour nous sauver. LE MESSIE, C'EST LE PEUPLE, LA CHAÎNE DU NOUS QUE RIEN NE PEUT BRISER. TOUT LE PEUPLE AGISSANT EN CHŒUR. Or, qu'est donc le peuple sinon les différences coulées dans la RESSEMBLANCE ? Et qu'est-ce qui fait la différence ? La distance à l'autre. Annuler la distance différentielle, c'est créer la RESSEMBLANCE SOCIALE OU NATIONALE. La différence qui fait la richesse de chacun et de chaque groupe viendra alimenter le principe d'égalité qui engendre la ressemblance, le sentiment d'appartenance à un meme peuple. La différence coupée de la ressemblance tue. Il suffit de lire l'histoire de l'humanité pour s'en convaincre.
J'espère que ce texte instinctif vous permettra de comprendre pourquoi nous sommes en proie à des difficultés politiques - tout en réalisant qu'il est possible d'en sortir. Il faut juste, au-delà de toute recherche démocratique, que l'Etat commence par ne plus distribuer des privilèges là il doit nous servir des droits à TOUS sur un plateau. Le chemin sera long, difficile, escarpé et si nous parvenons à réaliser la conscience de peuple, nous pourrons enfin faire face aux puissances du dehors qui nous oppriment et qui nous maintiennent dans la servitude perpétuelle. Les nations se construisent au détriment des différences de leurs différences. Exacerber les différences, c'est crucifier la république, la nation. Nous avons tout mis en commun : terres ou NTSI, âmes, esprits, hommes, richesses. C'est juste distribuer à CHACUN ce qui est à TOUS qui fait défaut. Il faut prendre à TOUS pour donner à CHACUN pour que naisse une nation et prendre à CHACUN pour donner à TOUS. LE CONGO EST A CE PRIX...
LION DE MAKANDA, MWAN MINDZUMB', MBUTA MUNTU