Il n'a jamais eu lieu depuis 1960. Certains se froissent dès qu'on en parle. Se sentiraient-ils coupables ? Responsables ? Comment expliquer cette gêne ? C'est le sujet tabou de notre république depuis plus de cinquante ans. On peut comprendre la frilosité de certains pseudo-intellectuels. Ils savent que ce sujet pourrait réconcilier les Congolais - alors qu'eux n'ont que mission de caqueter pour jouer à la démocratie. Il me semble qu'il est temps de parler de "tribalisme" même si certains ethnologues et sociologues estiment que la tribu n'existe plus, d'ethnocratie que certains donneurs de leçon confondent avec la démocratie et d'ethnodicrimination, un vocable que j'ai créé pour expliquer une certaine politique de choix et de sélection des hommes tournée vers une seule ethnie : celle du monarque absolu, une politique masquée par l'ajout de quelques individus issus d'autres ethnies mais bien dociles quant aux injustices en vigueur.
ONE MAN, ONE VOTE. Ainsi parlait Mandela Madiba. C'est le ressort fondamental de la démocratie. Le vote reste à la discrétion de la personne et quiconque remettrait cela en cause n'est pas un démocrate. Peu importe la motivation de celui qui vote, même si elle est ethniquement orientée. Ce qui compte en démocratie, ce n'est pas pourquoi on fait un choix mais qu'on respecte le choix de celui qui vote - quel qu'il soit. Il revient après à ceux qui réclament les suffrages du peuple d'entrer en émulation car les citoyens qui constatent qu'on les trompe finissent par tourner leurs votes et suffrages ailleurs.
Il y a un pseudo-intellectuel qui déclare à qui veut l'entendre que ce qui fut instauré en 1992 - ce fut l'ethnocratie et non la démocratie. Il se fourvoie car il n'a rien compris. Pascal Lissouba est un Nzabi. Si seuls les Nzabis avaient voté pour lui, il n'aurait jamais pu être président de la république. Cet homme a présenté un projet qui a séduit jusqu'au nord de la république. Le Général Jean Marie Michel Mokoko que ce pseudo-intellectuel soutient par pur "tribalisme" a obtenu le plus de voix au sud qu'au nord. Donc si ce qui avait été instauré en 1992 était l'ethnocratie, - ce qui pour cet homme justifierait le coup d'Etat de Sassou, le Général Jean Marie Michel Mokoko n'aurait pas fait plus de voix que Tsaty Mabiala à Loudima. il faut qu'il arrête ses inepties. La démocratie commence par le respect du one man, one vote - dans la discrétion du votant qui a un pouvoir discrétionnaire. Celui qui veut remettre en question la liberté d'un citoyen de voter pour qui il veut est un dictateur ; il ne peut se targuer d'être un démocrate.
Si on dit qu'en 1992, c'est l'ethnocratie qui a été instaurée, alors on soutient la fin de ce système en donnant raison à Sassou d'avoir fait son coup d'Etat. Quant à la critique des partis qui seraient des purs regroupements ethniques, là encore notre pseudo-intellectuel n'a rien compris et veut s'opposer à la liberté des gens de se regrouper comme ils le veulent. Je comprends pourquoi Denis Sassou Nguesso a créé une loi des partis sous le conseil de pareils individus qui impose une certaine composition pluri-ethnique dans la fondation d'un parti. C'est une violation des individus à se rassembler. Ils ont commencé par le PCT, parti unique avant de céder au pluripartisme. Désormais, ils veulent une diversité ethnique dans les partis oubliant que l'essence d'un parti n'est pas dans la diversité ethnique de ses militants mais dans l'adhésion que les uns et les autres font à un projet politique.
Ce monsieur qui dit que DEMOCRATIE = ETHNOCRATIE au Congo, non seulement soutient Denis Sassou Nguesso mais en plus, il estime qu'il n'est pas nécessaire de rétablir la démocratie, c'est-à-dire, la liberté des Congolais - quelles que soient leurs motivations - à voter pour le candidat de leur choix. De tels énergumènes sont dangereux car ils jouent au démocrate - alors qu'ils n'en connaissent pas ou qu'il en nient l'essence même : la liberté de choix, un choix discrétionnaire que l'on doit respecter - au lieu de se dresser en objecteur de conscience.
De telles aberrations intellectuelles présagent de la confusion que ceux qui veulent que le pouvoir reste à tout prix au nord pourraient semer demain. Si un Mbochi vote pour Denis Sassou Nguesso, ce qui pour nous importe n'est pas le fait qu'il soit Mbochi mais que son vote discrétionnaire soit respecté et pris en compte - sans être violé. Voilà, le one man, one vote. Si Denis Sassou Nguesso déçoit les Mbochis, ils peuvent très bien ne pas voter pour lui. Je signale à notre pseudo-intellectuel que le vote discrétionnaire de l'armée essentiellement composée de Mbochis a placé le Général Mokoko avant Denis Sassou Nguesso. Il faut arrêter de distraire notre peuple, cher ami.
Nous sommes pour la liberté de chaque individu à voter pour qui il veut et peu importe ce qui le motive ! C'est la base de toute démocratie véritable. Je vous défie, monsieur le pseudo-intellectuel, de prouver que la démocratie, c'est autre chose que cela.
Il ne faut pas oublier que le Congo se trouve encore à un certain stade de l'évolution politique. Oui, il peut être regrettable que les gens votent en fonction d'une certaine proximité ethnique au candidat ou se regroupent en partis sous la même motivation - sans en référer au projet mais c'est une étape par laquelle nous devons passer.
Je préfère encore ceux qui estiment qu'il faudrait imposer deux ou trois partis dans lesquels tous les Congolais seraient obligés d'adhérer. Cependant, même dans ces conditions, rien n'empêche que certains soutiennent les présidents de partis en fonction de leur distance ethnique. C'est donc un faux problème. On reconnaît là, les ennemis de la république car ils sont d'abord les ennemis de la LIBERTÉ.
Désolé pour cette longue digression mais il me fallait mettre les pendules à l'heure de la liberté dont la démocratie est fille. Examinons à présent ce qui empêche la démocratie de fonctionner au Congo.
Qu'on prenne les Portugais, les Espagnols, les Hollandais, les Anglais, les Allemands ou les Français, une constance s'impose : ils ne sont pas venus en Afrique pour créer de nouvelles nations ou de nouvelles républiques. En un mot, ils ne sont pas venus nous apporter la démocratie. S'ils ont brisé les regroupements naturels des Africains en 1885, c'est juste pour éviter de se combattre entre eux. Les fils d'Europe se sont partagés le monde en frère comme l'avait souhaité Schiller. Ils n'étaient pas venus pour nous apporter le développement ou la démocratie mais l'esclavage et la destruction de notre harmonie ancestrale.
Le Congo n'est pas né comme une république mais plutôt comme un pâturage où le colon français regroupait ses sujets, ses esclaves, ses ressources dans une certaine superficie. Les frontières du Congo ont par ailleurs bougé en suivant le jeu des influences en Europe. La carte du Congo en 1885 n'est pas celle de 1910 ou celle de 1950, à la chute de l'Allemagne nazie.
Les Colons ont au contraire renforcé les différences entre les ethnies pour éviter qu'elles s'unissent. En créant un acte de naissance ethnique, la France affirmait la différence ethnique qui était insignifiante avant l'arrivée des Occidentaux, le clan étant l'élément dominant. Or, le clan est trans-ethnique. Nous avons été contacté par un Mindzumba de la Bouenza à notre plus grand étonnant, un Mindzumba bembé ! La tradition avait édité une carte d"identité clanique, là où le colon a instauré une carte d'identité ethnique. Les actes de naissances de ceux qui sont nés pendant la période coloniale contiennent une mention "coutume" qui consigne l'ethnie. Cela peut paraître anodin mais il s'agit d'un changement capital. Avant la colonisation française, on regardait au clan pour définir une personne. Au nord, les Makanda et les Mindzumba me recevraient avec joie si je me présentais avec ma carte d'identité clanique. A présent, si je vais au nord, on fera d'abord attention au fait que je ne suis pas Kouyou ou Likouba mais Mukongo - alors que dans la pure tradition, mon clan aurait le dessus.
Donc, pendant la période coloniale, entre les ethnies du Congo, il n'y a pas eu la moindre fusion nationale, unitaire. C'est juste une rassemblement au profit du colon qui pillait le pays en utilisant les populations comme une main d'oeuvre bon marché. Pour une transmutation de toutes les ethnies en nation et en république, il eût fallu un certain protocole rituel qui n'a pas hélas eu lieu. C'est le défi des de notre génération et des générations futures. Il n'y a pas de guérison -sans bon diagnostic. Nous en faisons les frais depuis 1960 ! Cela n'a que trop duré. Il faut qu'on en parle.
Quand La France accorde l'indépendance au Congo, les différentes ethnies n'ont pas par magie fondu en une solide nation où l'ethnie n'est plus que de l'histoire ancienne. Dans la liesse de cette pseudo-indépendance, les populations furent heureuses de se sentir libres. Hélas, dès le premier président de la république, les différences ethniques dont on n'avait pas pris le temps de fusionner en un seul peuple reprirent le dessus. Le naturel supplanta l'artificiel, le virtuel, tout en profitant des avantages conférés par ce dernier (le virtuel). Chaque ethnie souhaitait voir un des siens au sommet de l'Etat pour bénéficier de privilèges. Voilà à quel niveau fut corrompu le développement de notre pays.
Avant la colonisation, chaque ethnie avait sa terre de préséance. Avec la colonisation et l'indépendance, tous les NTSIS ont été mis en commun sur un certain territoire. De force. Par la force de la LOI. Le colon, lui, ne regardait pas à la différence ethnique (même si certaines ethnies étaient plus appréciées que d'autres par leur kimuntu) pour le choix des hommes car peu importe celui qui œuvrait à la réussite de son dessein de pillage des ressources de sa colonie avec l'aide des autochtones qui constituaient une main d'oeuvre bon marché pour ne pas dire gratuite. Il veillait juste à ce que les ethnies ne se rassemblent pas pour le combattre et le bouter dehors. Hélas, à l'indépendance, le choix des hommes et la distribution des richesses commença à s'élaborer selon un schéma ethnodiscriminant à partir du sommet de l'Etat. C'est la source de tous les problèmes que nous rencontrons jusqu'à ce jour.
Nous aurions pu déjà dépasser ce stade dans notre évolution politique si l'Etat congolais avait transcendé l'ethnie en privilégiant l'identité républicaine à l'identité ethnique. Or, de Youlou à Sassou en passant par Massambat-Débat, Marien Ngouabi, Yhombi et Lissouba, ce ne fut pas le cas. C'est la raison pour laquelle les partis ont encore de nos jours un fond de commerce ethnique. Si l'Etat avait accordé à tous les mêmes droits et exigé à tous les mêmes devoirs, il y a très longtemps que nous aurions dépassé cette étape.
Dans un article très soutenu, nous avons évoqué un nouveau concept pour sortir le Congo de cette situation : la TRADI-REPUBLIQUE qui consisterait à rassembler toutes les ethnies dans une espèce de sénat disposant du pouvoir de veiller sur l'unité nationale et sur le fait qu'il n'y ait pas d'ethnodiscrimination. Cette espèce de sénat aurait le dernier mot et garantirait que les Congolais aient des projets de portée et d'étendue nationales.
Le tribalisme est un concept que certains chercheurs estiment désuet car les tribus n'existent plus mais je m'y inscris en faux puisque la tribu peut être assimilée à un ensemble homogène organisé autour d'un chef, reconnaissable par la langue et par l'espace d'origine. L'ethnie ne serait que le fait que la chefferie ait disparu. Au Congo, nous avons encore des nkanis, des rois, des chefs de village, etc. Il est donc sociologiquement impossible de parler de fin des tribus dans la mesure ou on s'estime encore mukongo, mbochi, téké, likouba, makoua, bembé, vili, etc. Dans le doute, on a préféré au tribalisme un concept nouveau l'ethnocratie ou l'ethnocentrisme.
L'ethnos, chez les Grecs, c'est la race, l'origine et chaque Congolais en a une par son père ou par sa mère. Ce qui cimente et permet que l'on reconnaisse l'ethnie, c'est la langue vernaculaire d'attache, la région d'origine et le nom. L'ethnie a été utilisée par différents chefs d'Etat depuis l'indépendance pour consolider le pouvoir en divisant pour régner - ce qui prolonge en quelque sorte le système colonial.
Par ethnocratie, nous entendons un pouvoir dictatorial qui se maintient au travers de l'ethnodiscrimination que nous définissons comme la transformation des droits de tous en privilèges ethniques. Le choix des hommes et la répartition des ressources renvoient à cette discrimination - en vue de la perpétuation de la dictature de l'ethnie-Etat. Ce système a été exacerbé par Denis Sassou Nguesso jusqu'à la ruine du pays. On ne regarde pas à la compétence ou à la vertu de la personne mais à son origine et à sa proximité au gangster en chef au sommet de l'Etat. Cela conduit à l'instauration de la médiocrité et à l'impunité à tous les niveaux. La conséquence ne peut en être que la ruine du Congo.
Il nous faut réaliser ce que les pères de l'indépendance n'ont pas pu faire : nous asseoir pour parler de la question qui tue notre pays : le tribalisme ou ethnocratie, cette doctrine qui est l'ennemie de la république et de la nation. Si ce problème n'est pas résolu, nous pouvons être sûrs que nous passerons notre temps à nous déchirer pendant que les étrangers pilleront notre beau pays. N'exigeons pas une démocratie de projet tout de suite - si les bases de la construction d'une république égalitaire ne sont pas réunies. Suffit le one man, one vote dans un premier temps, qui garantira la liberté du choix. L'émulation entre les politiciens fera le reste - comme on le voit en Afrique du Sud.
Si les droits de tous sont garantis - quelle que soit l'origine de l'ethnie de celui qui accédera au pouvoir, l'ethnie ne sera plus un problème. C'est à ce niveau que ce trouve l'intérêt du concept de TRADI-REPUBLIQUE que nous avons élaboré comme solution à nos problèmes.
LION DE MAKANDA, MWAN' MINDZUMB', MBUTA MUNTU