La France est à nouveau traversée par la fièvre de la grève, une fièvre qui jette des hommes et des femmes dans la rue, à crier, à dénoncer une décision prise par leur gouvernement. Ces femmes et ces hommes ont voté des députés pour les représenter à l'assemblée nationale, des hommes qui votent les lois, parfois impopulaires - tant pour ceux qui ont élu la majorité à l'assemblée que pour les autres car il n'y a pas que dans l'opposition qu'on manifeste ; il y a aussi des gens de droite qui font grève en battant les pavés de France. Quand vous vous aliénez en déléguant votre pouvoir de faire des lois à des députés, pourquoi vous étonnez-vous que votre volonté, ne triomphe plus, cher peuple ?
Voilà même que la jeunesse s'en mêle car contrairement à ceux qui la croient manipulée, elle se voit en devenir et a compris que cette loi aura pouvoir sur les adultes que la jeunesse deviendra demain et nous trouvons insultant le fait que le gouvernement Sarkozy réfute à la jeunesse de France la capacité à lire les noeuds sociaux. Pour l'affaire, c'est de la retraite à 67 ans qu'il s'agit ou à 62 ans, qu'on ait 40 ans de cotisations ou non. En vérité, tous ceux qui n'ont pas leurs annuités de cotisations à jour, c'est-à-dire la majorité, il faut cravacher jusqu'à 67 ans. Bonjour le craquement des os pour des métiers très physiques ! Le gouvernement nous dit qu'en augmentant l'âge, on sauve les retraites. En forçant la population active à travailler deux ans de plus, ce sont des emplois qui sont accessibles aux jeunes avec deux ans de retard et s'il y a moins de travailleurs, alors qu'il y a déjà moins de personnel actif pour soutenir la retraite par répartition, on se demande comment l'augmentation de l'âge de mise en retraite va arranger les choses puisqu'il s'agit d'argent que l'Etat refuse d'aller prendre chez les riches et que l'on voit l'espérance de vie sans cesse augmenter. En créant plus de chômage, on réduit la population des cotisants et le problème va se poser à nouveau dans dix ans et on devra à nouveau augmenter l'âge de départ à la retraite : imaginez que l'espérance de vie en Europe atteigne 90 ans ; on vous fera travailler jusqu'à quatre-vingt ans pour que vous ne jouissiez que de dix ans de retraite tandis que les riches profitent de leur pognon tout le temps que les ouvriers-esclaves se tuent pour eux. Il y a trois variables : l'espérance de vie, l'argent et la durée du travail. En agissant juste sur une variable, il n'est pas certain que Sarkozy et son gouvernement aient réussi à équilibrer l'équation...
L'Etat campe sur ses positions en dépit de la grève qui s'étend : "on risque de ne plus être capable de payer les retraites si on ne fait rien", entend-on dire de la part des officiels. Tous les Français sont d'accord pour faire quelque chose mais en s'y prenant différemment. Même Jacques Attali qui est le conseiller de tous les pouvoirs - de gauche comme de droite - pense qu'il faut un peu plus piocher du côté du capital mais comme c'est le capital qui est au pouvoir comme pouvoir subliminal, il a pour ordre de s'épargner !
Dix jours de carburants ont même été prélevés des stocks stratégiques de la France (3 mois de consommation) - comme si une petite guerre couvait. Les douze raffineries sont toutes en grève. Partagés entre le salaire et l'envie de manifester, nombreux préfèrent aller bosser : " On ampute mon salaire de 150 euros ; je préfère manifester le samedi". D'un côté le droit à la grève, de l'autre la dissuasion financière. Là, n'est pas notre réflexion mais nous voulons interroger le coeur du système, le fonctionnement même de la démocratie. La démocratie véritable est censée être "le pouvoir du peuple par le peuple" : chaque point de vue devrait avoir une égale proportion pour appliquer sa vision de la société mais ce n'est pas ce à quoi on assiste : un seul point de vue à la fois pour toute la société - même s'il n'est pas le meilleur ; ce qui fait que pour une vision de la société représentée par un parti politique, peu importe qu'il soit le meilleur ou non, seul importe de convaincre la majorité des citoyens et non pas TOUS les citoyens. On a vu en France par exemple des maires se faire élire avec une dizaine de voix de différence ! Même avec une seule voix de plus sur l'autre, on peut se faire élire président de la république !
Signalons que les modes de gouvernance sont des inventions humaines - même si à certaines époques, des hommes ont prétendu détenir leur pouvoir de Dieu qui pourtant reste à tous les égards LE GRAND SILENCIEUX, celui qui a inventé la bouche et l'oreille mais qui ne dit mot et n'entend pas un seul mot en apparence. C'est le cycle du pouvoir que nous avons qualifié de pouvoir impersonnalisé car on prétend ne pas le détenir d'une autorité physique, humaine - alors même que les rois succédaient à leurs pères. La république est une invention récente : il n'y a pas trop longtemps qu'on a guillotiné un roi en France pour que naisse la république ! Et si la démocratie était le tour de passe-passe imaginé par les rois devenus présidents de la république pour continuer à règner tout en sauvant leur tête de l'échafaud ?
La démocratie a ceci d'extraordinaire qu'elle n'est plus discutée, vu qu'on lui a attribué la couronne de meilleur mode de gouvernance - comme si les hommes étaient incapables d'envisager mieux, de voir autre chose parce que l'Europe et sa fille l'Amérique estiment qu'il n'y a pas mieux.
Dans les nations dites démocratiques, c'est l'Etat qui dirige le pays - puisque TOUT LE PEUPLE ne peut exercer le pouvoir, l'aliénation étant ici ou ailleurs une nécessité. Tout se passe comme si en votant un gouvernement le peuple votait pour des individus qui décident à sa place. Or, lorsque la volonté du peuple "démocratique" s'oppose à celle de l'Etat, celui n'utilise que rarement le referendum mais impose sa volonté - ce qui fait de la démocratie une espèce de dictature d'Etat.
La démocratie organise une double aliénation : d'abord, le point de vue choisi par la majorité des votants (et non de la population puisque certains ne votent pas) s'impose sur tous et devient pour un certain nombre d'années (de 5 à 7 ans) le point de vue dominant et, enfin, tous délèguent le pouvoir de décider pour leurs vies à un groupe d'individus commandés par une sorte de "César" qui ordonne et qui tranche en première et en dernière instance.
Lors des grèves comme celle qui se déroule en ce moment, on se demande vraiment si le peuple est au pouvoir car ceux à qui il a donné le pouvoir ne l'écoutent pas. Si le peuple avait le pouvoir, on ferait un referendum mais là, on redoute ce mode de questionnement, ce vote qui permettrait au peuple d'imposer sa volonté au détriment de celle de l'Etat. La non saisine du referendum indique bien que ce n'est pas le peuple qui est au pouvoir en France. On se demande même si la démocratie n'est pas le moyen le plus habile pour exercer tranquillement une dictature d'Etat au service du capitalisme car n'oublions pas, toutes les nations démocratiques sont des nations capitalistes et on constate, qu'il s'agisse d'un pouvoir de gauche ou de droite, on protège le capital de peur qu'il ne s'envole vers d'autres cieux. C'est que l'argent est le bienvenu partout et il n'a pas besoin de visa pour passer d'un pays à un autre via les banques. Certes, il y a un tréfonds de droits communs que des pays comme le mien n'ont pas et qui garantissent un minimum vital pour tous mais on fait en sorte que le capital contribue le moins possible et d'ailleurs, les capitalistes tiennent souvent les hommes politiques comme on le voit dans l'affaire Bettencourt-Woerth.
Pour ceux qui ont lu mon esquisse sur la tradi-république, j'ai dit que la démocratie était une sorte de dictature de la majorité car si on était véritablement dans une vértable démocratie, on testerait tous les points de vue et on prendrait le meilleur. La démocratie devrait au moins faire que ceux qui ont eu 45% des votes voient leur vision être appliquée sur 45% de la population ou du territoire mais ce n'est pas le cas ; il doit être le point de vue triomphant et ce n'est pas forcément le meilleur qui triomphe puisque le vote peut être influencé par les lobbies des médias car l'information est un véritable pouvoir dans les pays démocratiques.
Les analyses que nous faisons sur la démocratie nous amènent à dire qu'il s'agit d'une démocratie institutionnelle, déléguée par une double aliénation qui joue de temps en temps des notes de dictature d'Etat car l'Etat parce que haut perché se croit mieux éclairé que la totalité de la population - alors même que ce ne sont pas les plus intelligents qui sont forcément au sommet de l'Etat : il suffit d'être populiste, beau parleur, harangueur, menteur, pour atteindre le sommet de l'Etat car nous voyons tous que les présidents sont élus sur des promesses qu'ils ne tiennent pas, qu'ils ne tiennent jamais car ils sont soumis à un pouvoir plus grand : la dictature de l'argent, le diktat du capital.