AFRIQU’ÉCHOS MAGAZINE (AEM) : L’UDR-Mwinda, votre parti, est devenu aphone… GUY-ROMAIN KINFOUSSIA (GRK) : Le parti se porte bien, il existe depuis 1993 il est l’un des grands partis du pays. Après la disparition de notre président-fondateur André Milongo, j’avais repris le flambeau pour continuer son combat ancré essentiellement dans l’opposition parce qu’il était persuadé que notre pays souffrait de la mauvaise gouvernance. Plus tard, nous avons rejoint une plateforme qui est le Front des partis de l’opposition. AEM : Quel bilan faites-vous du programme « Chemin d’avenir » un an et trois mois après la réélection du président Denis Sassou Nguesso ? GRK : Mitigé ! Je ne pense même pas qu’il applique son programme « Chemin d’avenir » dans la mesure où rien de palpable n’est visible aux yeux des Congolais. Le Président Sassou a tendance à faire des promesses et de ne jamais les tenir. Son programme « Chemin d’avenir », il faut le rappeler, fait suite à l’échec de « La Nouvelle espérance » qui était son programme précédent dont le bilan n’a jamais été fait comme d’habitude. Depuis qu’il a été réélu est-ce qu’il travaille ou oriente les activités du gouvernement en sa qualité de chef du gouvernement ? C’est la question qu’on se pose. Je ne pense pas parce qu’il est toujours parti, c’est un véritable globe-trotter. En un an, il a dû effectuer plus de 40 déplacements à l’extérieur du Congo sans aucune retombée. Au sortir de cette élection, Denis Sassou Nguesso, avait assigné à son gouvernement 100 jours pour l’évaluation, passé ce délai, nous n’avons observé aucune évaluation des premières orientations d’urgence de ce fameux programme. Rien n’a été fait ! D’ailleurs, en termes d’activités patent, ce gouvernement est absent. AEM : L’annulation de la dette extérieure du Congo par les organismes du Breton Woods et du club de Paris, n’est ce pas le résultat d’une bonne gouvernance ? GRK : Vous dites bonne gouvernance, lorsqu’on plonge son pays dans la pauvreté, je doute fort qu’il y a bonne gouvernance ! Si cela était le cas, le Congo n’aurait jamais été dans la liste odieuse des pays qui cherchaient à bénéficier des dispositions des PPTE (Pays Pauvre Très Endetté). Même si nous sommes acquittés de cette dette, je ne pense pas que Sassou Nguesso et ses hommes respecteront les conditionnalités liées à l’initiative PPTE. Et s’il y a eu annulation de cette dette, je pense que c’est une faveur plutôt qu’un fruit d’une bonne gouvernance parce que, jusqu’à preuve du contraire, le peuple congolais souffre en dépit des richesses que détient leur pays. Nous espérons que la dette intérieure du Congo pourra être résorbée et nous demandons que ces fonds disponibles générés par cette annulation de la dette soient bien encadrés et bien orientés avec une gestion orthodoxe afin qu’il y ait résorption de la pauvreté. AEM : Le président Sassou continue à être mis en cause dans l’affaire des « Biens mal acquis » que vient de relancer la justice française à la demande de l’ONG Transparency International. Au Congo des partis politiques et des associations ont parlé « d’un ordre moral destiné à assujettir les pays en développement », avez-vous le même point de vue ? GRK : Il faut le souligner, il s’agit des partis politiques issus de la majorité présidentielle essentiellement. Je dirais que c’est une mauvaise lecture de la part de ces partis et associations car ce n’est pas l’ONG Transparency International mais plutôt des Congolais, des Gabonais et des Équato-guinéens qui poursuivent leurs présidents respectifs et c’est à titre individuel. Mais qu’à cela ne tienne, il est important de souligner que l’arrêt de la Cour de cassation française qui fait l’objet d’amalgame et qui, visiblement, sème le trouble dans bien d’esprits, n’est qu’une question de justice. Une question qui ne remet point en cause le droit à la présomption d’innocence dont jouissent encore les personnes incriminées. Qui plus est, il ne saurait être question de faits d’État mais d’actes individuels présupposés commis par des citoyens en plein exercice de leurs fonctions à la tête de leurs pays respectifs. Je ne vois pas pourquoi les partisans du Président Sassou s’émeuvent aussi facilement. Si Monsieur Sassou Nguesso et consorts pensent qu’ils ont acquis honnêtement leurs biens, ils n’ont rien à craindre. Contrairement à leur pensée, il n’y a pas déstabilisation des institutions de la République. Et si le Président Sassou et consorts sont coupables de malversation financière au détriment du peuple congolais, la justice « indépendante » fera exercer son droit de restitution, ces dirigeants vont rendre au peuple congolais ce qui leur appartient. Ce soulèvement politique est sans fondement aucun. Ceux qui soutiennent le président Sassou le font, non pas par solidarité car c’est une affaire individuelle, mais plutôt parce qu’ils se sentent aussi concernés. Dans cette même logique, j’ai publié un texte dans certains journaux de la place dans lequel je fustige l’inapplication des lois congolaises car si ces dernières étaient respectées, Denis Sassou Nguesso aurait, à l’occasion de sa prestation de serment, comme le stipule l’article 48 de la constitution, déclaré tous ses biens, ce qui permettrait au peuple congolais d’être édifié. Et pourtant cette disposition qui, par essence participe de la bonne gouvernance, n’est malheureusement pas observée depuis plus de huit ans. Elle aurait permis au peuple congolais d’être rassuré sur les acquisitions de ses gouvernants ! Et avec le rebondissement de cette affaire des biens mal acquis, les Congolais auraient pu rétorquer en se mobilisant, spontanément comme un seul homme, autour de Monsieur Sassou Nguesso, leur président. Mais hélas ! Rien ne s’est fait. Paradoxe ! Lorsque Monsieur Sassou Nguesso acquiert ces biens il n’ose pas informer son peuple, cependant au tournant, il fait recours à ce même peuple pour le soutenir dans l’affaire qui le concerne personnellement. AEM : Le 52ème anniversaire de l’indépendance du pays et « la municipalité accélérée » seront célébrés dans le département du Pool dont vous êtes originaire, comment avez-vous accueilli cette nouvelle ? GRK : Je fais de la politique au plan national, donc je m’interdis d’appartenir à un territoire particulier de mon pays et j’entends bien donner à chaque territoire une priorité proportionnelle. Cependant, la promesse qui a été faite par le président de la République de faire de cette « municipalité accélérée » l’occasion de moderniser les départements du pays n’est qu’une utopie. Aujourd’hui, l’expérience nous démontre qu’elle ne nous apporte que calamité et que c’est une façon d’enrichir un certain nombre de ses partenaires dans la mesure où des fonds colossaux sont dépensés, semble t-il, pour améliorer les conditions socio-économiques et environnementales de ces contrées mais l’on s’aperçoit que, quand finissent ces activités, derrière, ce sont les éléphants blancs : des édifices non achevés à cause de fonds détournés par des entrepreneurs fabriqués de toutes pièces et qui ne sont même pas inquiétés par la justice. AEM : Le premier module de l’aéroport de Maya-Maya, le barrage hydro-électrique d’Imboulou, la route nationale n°1 Pointe-Noire–Brazzaville… N’est ce pas là les impacts positifs de cette politique ? GRK : D’autres éléphants blancs ! Le barrage d’Imboulou parlons-en : Quel était le délai des travaux ? Tout le monde l’ignore. À quand les premiers kilowatts de ce barrage ? L’aéroport de Maya-Maya, vous conviendrez avec moi que c’est une des livraisons provisoires : le premier module de cet aéroport a été inauguré pour accueillir les chefs d’État et des délégations qui devraient participer aux festivités, le 15 aout, marquant l’indépendance du Congo. Après cet événement, est-ce que ce module fonctionne ? Non. Quant à la route Pointe-Noire -Brazzaville, toujours provisoire... Vous observerez que c’est un pouvoir qui n’est pas responsable dans tout ce qu’il entreprend. AEM : Quelles seraient, dès lors selon vous, les perspectives pour le Congo pour les 7 années à venir ? GRK : Aucune ! Le mal du Congo c’est le Président Sassou et son entourage qui freinent son développement au regard des richesses que regorge notre pays. AEM : Les élections législatives pointent à l’horizon, comment se prépare votre parti ? GRK : Le point d’achoppement, c’est le Président Sassou et son gouvernement. Les élections en Afrique occidentale comme la Côte d’Ivoire et la Guinée Conakry, malgré quelques remous, sont à louer. Les commissions électorales ont une indépendance reconnue par toutes les parties. Cependant, nous sommes surpris que Monsieur Sassou Nguesso, sur ce terrain, ne dise toujours rien. Alors qu’il avait été initié, sous sa présidence à la tête de l’Union Africaine, une convention africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance curieusement cette disposition n’est toujours pas effective au Congo. Nous pensons que ce dossier doit revenir au goût du jour pour que, cette fois, le verdict du souverain primaire soit conforme à la réalité. Nous (l’opposition) avons écrit au président de la République pour demander un dialogue pour préparer ces élections, mais il traîne les pieds. AEM : Et si votre demande n’est pas satisfaite, iriez-vous quand même aux élections ? GRK : Nous avons annoncé, à l’issue de la deuxième convention de notre plateforme des partis de l’opposition congolaise, que nous participerions à ces élections quelles que soient les conditions. N’empêche, nous comptons sur le réalisme du gouvernement pour qu’il s’aligne sur ce qui est devenu une nécessité partout. AEM : Un mot pour terminer… GRK : C’est un honneur d’avoir pensé à moi en me donnant cette opportunité pour m’exprimer parce que les médias nationaux sont embrigadés par le pouvoir au point que nous n’y avons pas du tout accès. Mes compliments aux responsables d’Afriqu’Échos Magazine pour l’honneur qu’ils m’ont fait en me donnant la parole en espérant que vous en ferez bon usage. | Propos recueillis par Christian Wilfrid Diankabakana (AEM), Brazzaville, Congo |