Pourquoi est-il si difficile de changer le rapport politique au Congo ? Cela est-il dû au fait que la France soutient Denis Sassou Nguesso, que l'armée dans sa composition lui est favorable et que le pays est si divisée au point de ne pas être capable de se retrouver autour de revendications qui permettent la constitution d'un front unique ? Est-ce parce que l'opposition intérieure est trop faible ou que la pression extérieure de la diaspora est peu prégnante ? Qu'est-ce qui déséquilibre le rapport politique au Congo en faveur du système instauré par Denis Sassou Nguesso ?
Il est à noter que la gouvernance de notre pays est extravertie qu'on veuille le reconnaître ou non, de sorte que ce ne sont pas les individus qui importent mais le système, un système qui n'est que le prolongement du système colonial français qui a fait la preuve en Côte-d'Ivoire en plaçant Ouattara sur le trône que la logique des gouverneurs noirs n'est pas morte.
Combattre un ennemi que l'on a du mal à reconnaître comme le principal adversaire est une difficulté majeure. Au Togo, au Gabon, en RDC et ailleurs, la Françafrique reste puissante et agissante - avec une arme spirituelle de poids : la franc-maçonnerie dans laquelle baignent la plupart des présidents africains. Mon enquête vient de découvrir que le signe de décapitation signifie aussi qu'un franc-maçon préfère être décapité que de trahir un frère. Donc, nos "présidents" ont obligation d'obéissance au Grand maître et la France s'assure par ce moyen un filet de sécurité de l'obéissance politique.
Comment combattre plus puissant que vous ? Comment combattre le pays qui vous a réduit en esclavage ? Qui vous a colonisé et qui tient encore votre économie ? Une puissance qui prétend vous avoir laissé votre indépendance ? C'est très complexe comme situation si celui que vous semblez prendre pour ennemi numéro un est un fils du pays ou un frère africain venu prendre le pouvoir chez vous pour mieux permettre le pillage de vos richesses. Dans le précarré français, nul ne vient au pouvoir sans l'autorisation de la France et quiconque y parvient qui ne fait pas acte d'allégeance, est écarté par tous les moyens.
Ennemis invisibles mais puissants, la françafrique et ses réseaux d'influence poursuivent le jeu colonial qui consiste à ne voir dans les pays africains que des colonies déguisées en républiques. La solution serait dans une indépendance économique qui nous permettrait d'asseoir véritablement notre indépendance politique mais ce n'est pas aussi simple : Ngouabi, Sankara ont été assassinés et aujourd'hui en faisant la guerre à Kadhafi, la Françafrique déroule sa volonté d'éliminer tout obstacle entre elle et nos richesses. Ce puissant adversaire qui n'apparaît plus comme celui qui tire les ficelles est la menace qui tient nos pays captifs avec la complicité de tous les Sassou d'Afrique qui préfèrent la servitude de leurs nations pour s'arroger des bribes de pouvoir au travers de gouvernorats noirs.
Une autre difficulté se situe dans notre structure identitaire multiple, ethnique et là, la ruse consiste à toujours faire régner ou l'étranger ou une minorité car dans les deux cas, le souverain n'a pas à coeur de défendre les intérêts du pays. Les Français ont juré que plus jamais un Mukongo ne prendra le pouvoir le Congo car c'est dangereux : les ethnies majoritaires développent toujours un puissant nationalisme : Matsoua et bien d'autres pères de l'indépendance ne sont pas de l'ethnie Kongo par hasard. Dans la mesure où une cohésion ethnique totale qui équivaudrait à une cohésion nationale est impossible, il est aussi difficile de provoquer un soulèvement global, total dans tout le pays parce que le nord refusera toujours de s'associer avec les frères du sud pour faire tomber la dictature qui nous accable pourtant tous mais nous voyons bien que Sassou fait tout pour contenter le nord : routes, électricité, Généraux dans l'armée, tous postes de direction, etc.
En rendant impossible une unité nationale et en ethnisant l'armée, Denis Sassou Nguesso s'assure que le statu quo demeurera tant qu'il fera les quatre volontés de la France. Cette entente, cette conspiration républicide ne peut être vaincue que par une action désespérée, inespérée - soutenue par une puissance plus grande que la Françafrique. C'est à ce niveau que les opposants pèchent car aucun résistant n'envisage de demander secours à une autre puissance pour contrer la mainmise de la France sur ses anciennes colonies. La preuve que la France tient toujours les rênes est dans la continuation de la monnaie franc cfa en dépit des indépendances. Seules les républiques d'Afrique du nord ont décidé de créer leurs propres monnaies ; par ailleurs, elles ont plus d'emprise sur leurs économies. Tout autant que nos différences ethniques ou identitaires représentent une richesse, elles entraînent à la désunion car les minorités savent que si elles perdent le pouvoir, le jeu de la démocratie leur est défavorable et elles passent plus d'énergie à conserver celui-ci qu'à développer le pays.
Cet environnement sociopolitique est peu favorable au changement politique - tellement les forces oppressives sont puissantes et cruelles car le petit peuple passe son temps à essayer de survivre et l'idée de se révolter ne lui traverse même pas l'esprit. Ce qui peut vaincre le clivage politique viendra des liens matrimoniaux et de la transformation du nord en milieu urbain hétérogène où toutes les ethnies pourront fusionner. S'il y a une conspiration sociale positive à encourager, c'est le mariage interethnique et la migration des populations du sud au nord pour accélérer la déconfiture du tissu ethnique qui nous divise. Que Sassou développe le nord et délaisse le sud fera un jour en sorte que les populations sudistes y migrent pour y vivre et se mélanger avec les ethnies Mbochi, Kouyou, etc. Si les hommes du nord adorent épouser pour des raisons politiques des femmes du sud, il faut que les hommes du sud prennent aussi pour femmes celles du nord. Il nous faut espérer que le mélange ethnique s'accélérera d'une manière ou d'une autre comme en milieu urbain pour affaiblir l'identité ethnique et renforcer le sentiment d'appartenance nationale.