Nombreux ont dû voir le film Françafrique sur la 2. C'est un film-aveu, un film dévoilement qui peut donner l'impression que le système mis en place par Jacques Foccart et le Général De Gaulle n'existe plus. Cependant, les cas de l'élection du fils d'Eyadéma (Faure Eyadéma), l'élection gabonaise d'Ali Bongo en lieu et place de son feu père Omar Bongo et la bicratie ivoirienne nous révèlent que les choses ont à peine changé. Ce n'est pas parce que la Chine vient chasser sur des terres anthracites de la France que le film a vraiment changé de décor pour que l'on puisse croire que la France ne tient plus le rôle principal. La logique de la poursuite de la colonisation à travers des gouverneurs noirs qui sont présentés comme des chefs d'Etat continue et le système a tout pour se pérenniser puisque le monde entier croit que les Africains se gouvernent par eux-mêmes. De gaulle a trouvé la subtilité pour faire des indépendances non pas une rupture mais la continuité de la dépendance et de l'exploitation sauvage des ex-toujours colonies françaises. Une astuce qui a cinquante ans d'ancienneté !
Les colonies françaises avaient à leur tête des gouverneurs qui l'administraient pour le compte de la métropole - pour l'intérêt de la métropole et son enrichissement débridé. Ceux-ci venaient de métropole et n'étaient pas des autochtones. Il existe encore de nos jours au Gabon, la plaque tournante de la politique coloniale de la France, un gouverneur de France avec lequel je me suis engueulé au téléphone en 2001. Si les colonies avaient des gouverneurs bien Blancs, les indépendances mettent en exergue des gouverneurs noirs, choisis par la France, acquis à la cause de la France pour que le projet colonial français continue, pour qu'une puissance française à l'échelle du monde soit possible. Ces gouverneurs noirs changent juste de nom et deviennent "présidents" de la république. Quand on veut conserver une situation dans le statu quo tout en donnant l'illusion d'un changement, il suffit de changer les mots : "président de la république" à la place de gouverneur, et le tour est joué ! En effet, la France sans ses ex-toujours colonies, c'est autre chose. Certes, elle a des idées mais tant qu'une idée pure ne fera pas rouler une voiture, le pétrole sera toujours une nécessité.
La France est le barbouze de l'Occident en Afrique. Cela s'entend aisément qu'elle a reçu ce mandat des autres puissances. Elle fait et défait les gouverneurs noirs et elle est la puissance qui dans la plupart des cas rapatrie tous les Occidentaux d'un pays en cas de trouble grave. Extraversion de l'économie comme au temps de la colonisation, Sassou l'a dit et nous savons que c'est toujours de mise. En politique, c'est comme en sport : une bonne prise qui fonctionne, on ne la change pas. Le jeu continue, rien n'a changé ou presque. La logique de l'indépendance énergétique de la France est toujours en cours et la peur de ce pays est de voir les autres ex-toujours colonies françaises imiter l'exemple de l'Algérie qui gère elle-même son gaz et son pétrole. On veut nous faire croire qu'elle est moribonde, mourante, déclinante mais la Françafrique est toujours là sous les oripeaux de la franc-maçonnerie et des restes des réseaux Foccart. Il n'y a qu'à se souvenir que Jacques Chirac a fait revenir Jacques Foccart dans le giron de la politique africaine. Quand on ne sait plus comment tendre un piège, on ramène le piègeur aux affaires louches de la république...
Que Jacques Foccart ou Maurice Robert confirment l'existence d'un réseau qui n'est là que pour la poursuite d'objectifs coloniaux peut donner l'illusion que le système n'est plus pérenne et que les Africains ont désormais la totalité de leur destin entre leurs deux mains. Mensonge ! Illusion grotesque ! Tant qu'un nouveau système ne remplacera pas l'ancien de sorte qu'il y ait une véritable indépendance économique de l'Afrique, la françafrique, tel un phénix, ressuscitera toujours de ses cendres chaudes. C'est par l'indépendance économique qu'on accède à l'indépendance politique et non l'inverse.
La France est capable de tout pour la défense de ses intérêts. C'est d'abord parce que les intérêts des Africains sont mal ou pas du tout assurés et défendus car si ce jour arrivait, la France cesserait d'être une puissance et nous savons que le premier signe qui nous permettra de lire le changement de système sera inéluctablement la disparition du franc cfa et de tous les accords secrets ainsi que la mort de la cellule africaine de l'Elysée, les problèmes du continent noir étant transférés à l'Assemblée Nationale comme tous les autres problèmes.
Si les hommes politiques des ex-colonies africaines ont besoin de l'adoubement de la France pour accéder au pouvoir, cela ne peut signifier qu'une chose : les Africains n'ont pas encore pris la mesure de leur destin et ils croient, bons enfants, que l'indépendance s'octroie - alors qu'il faille se battre contre celui qui vous retient captif pour vous en libérer comme l'ont fait les Algériens.
Pour contrer la France, il suffit aujourd'hui de réorienter l'élan politique, de remettre en cause tous les accords secrets et d'exiger une nouvelle coopération au risque de ne pas avoir de coopération du tout avec ce pays s'il refuse un nouvel ordre coopérationnel basé sur l'égalité des échanges et des profits. L'asservissement politique est un asservissement qui est avant tout un asservissement économique confirmé par des natifs qui tiennent le rôle de gouverneurs noirs. Toute personnalité politique en bonne accointance avec l'ex-toujours puissance coloniale devrait être un suspecte en puissance car il n'est plus nécessaire d'enchaîner des peuples par des fers puisqu'il suffit d'enchaîner celui qui les enchaînera au travers d'une dictature qui répond à l'idéal de "stabilité" permettant aux Occidentaux de perpétuer leur rapine en paix sans être perturbés par une hostilité populaire croissante.
La rupture est l'oeuvre salutaire de ce siècle commençant. Une rupture radicale, cinglante, intransigeante qui saura créer une scission définitive avec l'ordre ancien démasqué dans tous ses apparats comme la franc-maçonnerie ou la double nationalité de certains de nos dirigeants. Il s'agit d'abord de rompre avec un état d'esprit séculaire introduit insidieusement au travers de l'éducation, de la religion, des habitudes de consommation, d'une certaine idéologie. Cela n'est possible que si nous retournons à ce que nous sommes, à ce qui nous caractérise : notre kimuntu-bomoto primordial, comme une aura d'ancestralité positive accumulée au fil du temps par des générations remplies de sagesse et de respect pour l'humain qu'elles sacralisaient comme le bien de prestige le plus élevé de la terre. Dès la fondation du monde, l'esprit bantou a surestimé la vie humaine comme le bien le plus important, comme la richesse des richesses car la vie est ce qui explique toutes les lois de l'Univers dont elle est l'aboutissement. En fait, la vie,notamment la vie humaine, est ce qui donne un sens à tout l'Univers, l'homme ayant été doté de la faculté de penser tout l'ETANT.
Tant qu'un intérêt ne rencontre pas un autre intérêt contradictoire, il continue son bonhomme de chemin. Nous comprenons la France qui essaie de fournir une énergie bon marché à ses citoyens - c'est son intérêt de défendre son mode de vie. Nous ne pouvons pas reprocher à ce pays de telles pratiques - même s'il est avant-gardiste dans de nombreuses idées universelles - tant que celles-ci n'influent pas sur la liberté que la France s'est dotée de venir se servir comme elle veut chez nous. La faute incombe à nos propres frères qui nous trahissent en nous promettant le développement - alors que seuls se développent leurs propres comptes en banque.
Le défi de l'Afrique est là, dans la fierté d'incarner la liberté de jouissance et de gestion de ses richesses dans une distribution rationnelle qui ne laissera personne sur le bord de la route - comme au bon vieux temps où on ne laissait personne dehors en Afrique. Pour réinventer l'Afrique, il nous suffit de regarder vers notre passé. Notre kimuntu-bomoto n'est pas si loin de nous car les principes forgés par les ancêtres sont aussi éternels que des pierres précieuses. Et quand l'on sait que l'or du monde est un pâle résidu de notre kimuntu-bomoto, que tout ce qui est grand en valeur puise sa saveur dans une sorte d'africanité universelle transférée au monde au travers de l'Egypte, nation noire, nous pensons que la première victoire de l'Occident sur nous a été de faire de nous des hybrides afin de perdre notre nature qui est largement au-dessus de celle qui détruit le monde en fomentant de nombreuses guerres, en saccageant les océans et les mers, en détruisant les forêts, en polluant l'environnement, en laissant mourir de faim des milliards d'individus tandis que des tonnes de nourriture sont jetées en Occident à la poubelle. L'avenir du monde est son passé : le monde ne sera sauvé que si l'or du kimuntu redevient la valeur cardinale, la pierre d'angle, le socle d'une vision du monde.