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8 avril 2020 3 08 /04 /avril /2020 08:36

 

AH ! QUE LA PAUVRETE ET LA MISERE SONT BELLES ET UTILES AU CONGO-BRAZZAVILLE !

 

S’il fallait dégager l’essence de la fameuse « visite de travail » que M. Denis Sassou-Nguesso, Président (de fait ou de viol) du Congo-Brazzaville, a effectuée à Pointe-Noire, la capitale économique du pays, du 17 au 21 février 2020, la formule qui semble la plus appropriée est bien « Ah ! que la pauvreté et la misère sont belles et utiles au Congo-Brazzaville ! »

 

Pour son arrivée dans la ville le 17 février, des dispositions inouïes ont été prises par les autorités locales, en accord bien entendu avec le visiteur : une journée continue a été décrétée, qui faisait cesser le travail impérativement à 13 heures, dans les administrations et entreprises publiques, ainsi que dans les sociétés privées ; tous les commerces ont reçu l’ordre de fermer à la même heure, avec les établissements scolaires; le préfet (de Pointe-Noire ? Du Kouilou ?) s’est permis d’utiliser les services d’un opérateur de téléphonie mobile pour envoyer un SMS aux citoyens de manière indiscriminée, leur demandant « d’accueillir chaleureusement » le chef de l’Etat ; les vendeuses des marchés de la place ont, comme d’habitude, été sommées de se mobiliser; les Eglises qui, dans une République digne de ce nom, sont séparées de l’Etat et sont apolitiques, ont reçu la consigne péremptoire d’acheminer une partie de leurs fidèles à cet « événement » ; des dizaines de bus ont transporté vers l’aéroport de Pointe-Noire et le long de l’itinéraire du visiteur, des hommes, des femmes, des jeunes, des moins jeunes, avec ou sans T-shirt, moyennant la promesse d’une petite somme d’argent comprise entre 1000 (mille) et 2500 (deux mille cinq cents) francs CFA, dans le meilleur des cas. Tout cela sur fond d’innombrables banderoles, affiches et panneaux souhaitant de manière obsessionnelle la « bienvenue au couple présidentiel » et prenant date pour ... l’élection présidentielle de l’année prochaine. Bref, un dispositif véritablement totalitaire a été mis en place à cette occasion avec l’objectif affiché de corseter toutes les Ponténégrines et tous les Ponténégrins, de les rendre concernés, otages de ce qui n’aura été qu’une nième visite de M. Sassou- Nguesso dans leur ville.

 

Un dispositif, soit dit en passant, dont le coût financier, connaissant les ordres de grandeur dans l’univers de la présidence congolaise, pourrait se chiffrer facilement en milliards de francs CFA. Des milliards immédiatement disponibles pour ce type de cause, et pas pour les vrais besoins des Congolais. Ce que vise cette propagande débridée, échevelée, délirante se voit comme le nez au milieu de la figure : il s’agit pour M. Sassou-Nguesso et les siens d’instrumentaliser les Ponténégrins et leurs voisins du département du Kouilou dans la perspective de l’élection présidentielle de 2021. Tout a, en effet, été orchestré au cours de cette visite pour donner l’illusion d’une adhésion massive des Ponténégrins et des Kouilois à la personne de M. Sassou-Nguesso.

 

Pour ses concepteurs, la mobilisation des populations a pris l’allure d’un pseudo-plébiscite en faveur de M. Sassou-Nguesso. De sorte que, tenant compte des pratiques de ce régime, de son cynisme intégral, de son culot monstre, on peut considérer que pour lui l’élection présidentielle de 2021 vient de se jouer un an à l’avance à Pointe-Noire et au Kouilou. Et que son champion est d’ores et déjà élu à un mandat de plus bien avant la tenue de l’élection y relative. Voilà l’essentiel du message véhiculé par ce viol des consciences à large échelle. Tous les artifices utilisés au cours de ce voyage sont donc supposés donner l’image de la « réconciliation » entre M. Sassou-Nguesso et Pointe-Noire et le Kouilou, deux départements parmi tant d’autres qui lui ont infligé un cinglant désaveu lors de l’élection présidentielle de 2016 en lui préférant, et de loin, le candidat Jean-Marie Michel Mokoko.

On connait la suite de l’histoire : après s’être autoproclamé vainqueur, via ses hommes liges, ses gardes-chiourmes Henri Bouka et Zéphyrin Mboulou, d’une élection que, selon de nombreuses indications, il avait perdue, M. Sassou-Nguesso a jeté en prison Jean-Marie Michel Mokoko sous les prétextes les plus fallacieux. En fait, le crime de celui-ci est de l’avoir battu à plate couture à cette élection, et plus généralement de lui faire de l’ombre par sa forte personnalité. Pour tenter d’effacer ce cruel souvenir pour lui, M. Sassou-Nguesso et les siens ont imaginé cette mise en scène à grands frais et à grand spectacle d’un simulacre d’accueil triomphal à Pointe-Noire.

Cette pure fiction d’un président adulé par les foules à Pointe-Noire et dans le Kouilou ne résiste pourtant pas au bilan de près de quarante ans de pouvoir absolu de M. Sassou-Nguesso à la tête du Congo-Brazzaville. En quelques mots, ce bilan qui s’étale aux yeux de tous, est vite fait : l’école est complétement délabrée, et l’arbre vacillant de l’enseignement privé ne saurait cacher la forêt de l’enseignement public où les enfants continuent à s’asseoir à même le sol dans des classes plus que surchargées où les effectifs peuvent atteindre parfois les 300 (trois cents) élèves, voire plus ; le domaine de la santé est dans un état semblable, avec des formations sanitaires pour la plupart vieillissantes, qui manquent cruellement de personnel et de moyens pour remplir leurs missions, et où se développent des comportements qui mettent en danger la vie des malades ; l’eau et l’électricité restent des luxes pour la grande majorité des gens, et ceux qui ont réussi à s’y abonner vont de pénurie en pénurie, et des quartiers entiers, dans les grands centres urbains, n’ont plus jamais vu couler une seule goutte d’eau à leurs robinets depuis des années ; le chômage, surtout celui des jeunes, atteint un niveau très élevé jamais mesuré officiellement ; la mortalité flambe littéralement, au point qu’ à Pointe-Noire par exemple, certains jours, on enterre cent (100) corps ou plus sortis de la morgue municipale ; les inégalités, mot inconnu du vocabulaire politique congolais, sont devenues abyssales entre citoyens, entre les possédants et les autres ; les pensions de retraite, notamment celles des fonctionnaires, sont rarement payées, et sur l’année, 9 (neuf) mois sur 12 (douze) peuvent être dus comme en 2019, sans compter que de nombreuses années s’écoulent généralement entre le moment où l’on est admis à la retraite, et celui où l’on touche sa première pension ...

Bref, à s’en tenir à ce qui est basique, le bilan du règne d’environ quarante ans de M. Sassou-Nguesso sur le Congo-Brazzaville est terriblement catastrophique. Sous lui, les dérèglements, les dysfonctionnements, la pauvreté et la misère se sont considérablement aggravés, se sont amplifiés comme jamais auparavant.

 

D’où vient-il donc que cet homme, qui n’a jamais fait la preuve de sa capacité à imaginer des solutions à la masse des problèmes auxquels les Congolais sont confrontés, qui n’a jamais montré la moindre empathie à leur égard, veuille demeurer éternellement au pouvoir ? C’est que chez lui, en plus de la farouche volonté de ne pas rendre des comptes sur sa gestion calamiteuse du pays et sur maintes ténébreuses affaires, au premier rang desquelles l’assassinat jamais élucidé en Mars 1977 du Président Marien Ngouabi, il y a le mépris souverain des faits qui s’accompagne de l’immense mépris des gens. Le mépris des gens très profondément ancré chez lui s’explique notamment dans le fait qu’il n’éprouve pas le moindre scrupule à utiliser la pauvreté et la misère qui sont le résultat direct de sa politique ou de sa non-politique, et dont les premières victimes sont les classes populaires congolaises, pour manipuler celles-ci sans vergogne.

 

La pauvreté et la misère des Congolais sont pour lui de précieux alliés dans sa détermination à conserver le pouvoir coûte que coûte : plus les Congolais sont malheureux matériellement, financièrement et psychologiquement par son fait, plus ils sont vulnérables, fragiles, plus M. Sassou-Nguesso est assuré de les dominer, de s’imposer à eux, de les acheter au sens strict du terme en leur donnant de temps en temps un os à ronger en fonction de ses objectifs personnels. L’argent étant de son côté, et les populations en étant dépourvues, il reste seul maitre du jeu politique dans le pays. En pratiquant ainsi délibérément la rétention des ressources, il espère affaiblir les Congolais et les rendre malléables. La pauvreté et la misère, qui sont le fruit de son incapacité foncière à gérer de manière moderne et efficace le pays, il les retourne donc à son profit pour asservir les populations, selon une logique proprement machiavélique.

 

En somme, pour M. Sassou- Nguesso, c’est : vivent la pauvreté et la misère au Congo-Brazzaville, pauvreté et misère auxquelles il trouve du charme, des avantages insoupçonnés, de son point de vue. Et son voyage du 17 au 21 février 2020 à Pointe-Noire, est la parfaite illustration, jusqu’à la caricature, de ce mode de gouvernement. Affamer le peuple pour mieux le tenir en lui faisant perdre sa dignité, en lui inspirant le mépris de soi, cette technique a fait merveille lors de ce déplacement présidentiel ponténégrin.

 

Ceux qui ont été transportés dans la noria des bus pour aller accueillir M. Sassou-Nguesso sont, dans leur écrasante majorité loin, très loin d’être ses partisans. Cela s’est bien vérifié en 2016. Ces citoyens, pour la plupart jeunes, très jeunes, sont pour beaucoup des désœuvrés, des chômeurs, des sans-abris, des enfants déscolarisés, des retraités, des commerçants ambulants, des artisans et des artistes qui n’arrivent pas à s’en sortir ... En un mot, des 4 membres des catégories sociales parmi les plus touchées par la gestion scabreuse des affaires publiques par M. Sassou-Nguesso. Le paradoxe de leur nombreuse présence le 17 février n’est qu’apparent : pour la plupart, ils ont avoué avoir accepté d’aller faire la claque à l’arrivée de M. Sassou- Nguesso sur la base du marché conclu avec les organisateurs de la supercherie de leur verser de 1000 (mille) à 2500 (deux mille cinq cents) francs CFA. C’est donc tenaillés par la nécessité qu’ils se sont laissé enrôler dans cette aventure. Et l’extrême modicité des sommes en jeu pour chacun d’eux témoigne à la fois du niveau de leur dénuement, de leur absence de ressources, et du niveau du cynisme et du mépris dans lequel les tiennent le « bénéficiaire » de cette initiative et ses zélés exécutants. Les montants susmentionnés montrent à suffisance que pour M. Sassou-Nguesso, ces citoyens rameutés pour sa cause personnelle, celle de sa durée indéfinie au pouvoir, ne valent rien, ne représentent rien, ne sont que des « zéros », du vide à ses yeux : le peuple embarqué à tous les sens du mot pour lui servir de faire-valoir n’existe tout simplement pas pour lui.

Dans son esprit, ce peuple constitue une abstraction totale. Dans une chanson que M. Sassou-Nguesso et d’autres entonnaient de manière rituelle naguère, il est question de « damnés de la terre », de « forçats de la faim », d’« esclaves » qui se mettent « debout ». L’arme de la faim, de la maladie, de la mort utilisée contre un peuple peut se révéler à double tranchant. Dans des conditions insoupçonnées, dont l’Histoire seule a le secret, elle peut se retourner contre celui qui s’en sert. Après tout, l’Histoire des sociétés humaines n’est jamais écrite à l’avance. Quelles que soient les précautions que l’on prend, un grain de sable est toujours susceptible d’en changer le cours dans un sens imprévu, au moment où l’on s’y attend le moins. N’oublions pas, en République pétrolière-bananière du Congo-Brazzaville, que dans la Rome antique, la roche Tarpéienne était proche du Capitole...

J.T.W Kacambou

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