La libération des prisonniers politiques est apparue comme une exigence constante à la tenue d'un éventuel dialogue dont Denis Sassou Nguesso n'a pas fait état dans son discours sur l'état de la nation à la fin du mois de décembre 2018 : ce n'est pas à lui de l'engager, ni de l'annoncer. Il laissera Mboulou et Mbéri Martin s'en charger au moment opportun. Les supporters du Général Jean Marie Michel Mokoko ont clairement dit : " On ne peut pas dialoguer si Mokoko reste en prison. Il faut d'abord que le Général JMMM soit libéré ". Prise de façon générale, la doléance des mokokoïstes pourrait renvoyer à tous les prisonniers politiques injustement incarcérés par le régime de l'ethnie-Etat.
Cependant, nous pensons que le Général Mokoko et André Okombi Salissa ne pourront pas être libérés - même si Sassou consentait à libérer les autres prisonniers politiques. Pourquoi ? Il y a des raisons à cela. Sur le plan social, Sassou et Mokoko traînent le contentieux de la mort de feue l'épouse du Général JMMM, une étrange histoire de poison et de tentative d'empoisonnement de JMMM par le Kani des Kanis. Le monstre de l'Alima pourrait redouter que l'homme qui prêchait la gouvernance par l'exemplarité ne trouve au sommet de l'Etat le moyen d'assouvir sa vengeance. D'autre part, concernant Okombi et Mokoko, Sassou estime qu'ils ont trahi la clause de la solidarité du nord qui ne doit avoir qu'un SEUL candidat à l'élection présidentielle : Denis Sassou Nguesso. Pourquoi ? Parce que le pouvoir est à lui : c'est sa "chose" personnelle. Tous ses frères du nord ont obligation de le soutenir. Sassou n'a-t-il pas fait Okombi et Mokoko ? N'a-t-il pas promu et poussé leur carrière au nom de la solidarité du nord comme les deux hommes l'ont aidé lors de son coup d'Etat d'octobre 1997 ? Pour avoir combattu afin que le Grand ndzokou revienne au pouvoir, Okombi Salissa avait un accord pour rester ministre à vie - si ne lui était pas venu l'envie de critiquer Sassou et surtout l'envie de devenir calife à la place du calife - ce que Sassou reprochait aussi à Mokoko. Pour sa part, Mokoko conseillait le ndzokou (on se demande bien quels conseils il lui donnait...). Les deux hommes ont eu l'outrecuidance de battre Denis Sassou Nguesso dans les urnes. Encore un motif que Denis Sassou Nguesso a du mal à pardonner.
Si vous tirez la conséquence de ce contexte, vous aboutirez certainement comme moi à la même conclusion : il fallait que le monstre froid de l'Alima se débarrasse de ces deux frères gênants par leur popularité, d'autant qu'il les prenait pour des traîtres de son propre camp. Le Général Mokoko n'a-t-il pas reçu les jets de pierres de la traîtrise à Maya-Maya quand il est rentré de Bangui pour venir battre campagne ? La pierre de l'indignation était un avertissement...
Denis Sassou Nguesso tient à l'unité du nord qu'il a consolidée contre le sud, de sorte que nous avons dit que sans la haine instrumentalisée du Mukongo, il n'y aurait pas de cohésion au nord. On fait facilement l'unité autour d'une cause en s'inventant un ennemi commun à combattre. C'est pour cela qu'il a été étonné des bons scores de Mokoko et d'Okombi Salissa dans le sud du pays peuplé de Bakongos. Il savait que Parfait Kolélas, son "fils" par alliance pouvait accepter de se coucher s'il trichait mais pas les deux frères du nord. Il s'est donc proclamé vainqueur "un coup, KO" pour éviter un deuxième tour périlleux, et placé Guy Brice (Im)Parfait Kolélas en seconde position lors de la proclamation des résultats de la dernière élection présidentielle. Les hostilités dans le Pool ont fini par faire oublier le contexte frauduleux de ce nième coup d'Etat constitutionnel...
Il fallait se débarrasser des deux frères traîtres à ses yeux : il a inventé des accusations qui ont conduit les deux hommes en prison. Le Général Jean Marie Michel Mokoko a même électoralement pris le meilleur sur Otsombe au sein de l'armée tribale qui s'est contentée de soutenir Mokoko dans les urnes et non par les armes - alors que celle-ci a bien accepté d'aller perdre des membres pour la bête de l'Alima dans le Pool. Là est toute la nuance : on ne pouvait pas prendre le risque que le centre du pouvoir se déplace d'Oyo à Makoua... Sassou ne peut donc que se réjouir d'avoir éliminé ces adversaires politiquement coriaces qui lui ont damé le pion électoral. Aussi, va-t-il les maintenir en prison au moins jusqu'à la fin de la prochaine élection présidentielle - pour se retrouver encore face au fils Kolélas, son "fils" par alliance, et Tsaty Mabiala Pascal le petit, monsieur 4%, l'opposant fonctionnaire par décret qui vote les lois du régime et ses budgets annuels. Les accords secrets se noueront certainement au sein de la Grande loge du Congo des frères des Ténèbres où Sassou est le grand maître...
Nous avons tous vu les demandes de la communauté internationale qui exige la libération du Général Mokoko et celle d'Okombi Salissa. Sassou n'obtempère pas. Nous croyons avoir démontré pourquoi. Quand il aura triché et gagné la prochaine élection présidentielle en 2022, peut-être pourra-t-il libérer les prisonniers politiques pour faire diversion. Nous disons : "peut-être" car il pourrait aussi bien attendre le troisième et dernier mandat si les choses se déroulent sans pépins de santé.
Des indiscrétions glanées sur la place de Paris, il semble que Denis Sassou Nguesso pourrait bien accepter à contre cœur de libérer André Okombi Salissa mais pas le Général Jean Marie Michel Mokoko pour les raisons invoquées supra. L'homme de Makoua pourrait sortir de prison plus célèbre que jamais. Un éléphant supporte mal qu'on lui fasse de l'ombre car en matière d'ombre, c'est lui qui en procure aux petits mammifères.
Bien entendu, il peut se passer des choses qui changent la donne politique. Comme l'argent du FMI. Hélas, Sassou parvient à s'en passer jusqu'à présent. Aussi, l'hypothèse est à écarter. Avec son trésor amassé et l'argent du Congo caché, l'enfant d'Edou peut encore tenir plusieurs années - d'autant que politiquement, il n'a pas en face de véritables adversaires.
Non, les imprécations, les ordres "libérez Mokoko", bref, les mots - même les plus critiques et les plus acerbes ne suffiront pas. Avons-nous même au niveau de la Diaspora les moyens de constituer une véritable force politique ? Non. Trop dispersées, et trop disparates, les diasporas émiettent leur force, d'autant que la guerre des ego annihile toute velléité d'union. Sans union qui fait la force, pas d'unité. Sans unité, pas d'impact politique intérieur. Sans impact politique intérieur, Sassou peut dormir tranquille. D'un long sommeil saurien ou si l'on veut crocodilien - jusqu'en 2032, d'autant que la rue est préoccupée à se mettre un os sous la dent, un moukoua de plus en plus difficile à trouver... En fait, la meilleure façon de gagner une guerre - sans la mener, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait plus d'ennemis à combattre. Et en cela, Denis Sassou Nguesso est passé maître. Machiavélique !
NE NKOSSI ZA MAKANDA,
LION DE MAKANDA,
MWAN' MINDZUMB', MBUTA MUNTU