Tribune libre
Démocratie: l’Afrique centrale à la traîne
Après la petite lumière démocratique des années 1990, tout porte à croire que nous sommes en train de sombrer dans un cycle obscur :
L’Afrique centrale serait-elle condamnée à jamais à vivre dans le sous-développement des présidents à vie ?
Voilà une vingtaine d’années que l’on assiste, ici et là, à ces réformes constitutionnelles tropicalisées permettant au chef d’Etat d’effectuer plus de deux mandats consécutifs : Congo Brazzaville, Tchad, Cameroun…Dans ce catalogue, la singularité du Congo Brazzaville et le Cameroun est que Denis SASSOU NGUESSO (74 ans) Paul BIYA (83 ans) sont les doyens d’âge.
Comment comprendre que, à l’heure où le reste du monde s’est embarqué dans le train du progrès, nos dirigeants en soient encore à rêver d’éternité à la tête d’Etats qui, sous leur règne, demeurent le siège de toutes sortes de misères humaines ?
Plus de cinq décennies après les indépendances, le paludisme, une maladie qui existait jadis sur tous les autres continents, n’a même pas pu être éradiqué.
Les paysans dans leur majorité continuent à cultiver avec la houe, alors qu’ailleurs on est passé au tracteur depuis le siècle dernier.
Les populations n’ont pas pu connaître le bien-être, alors que plus de la moitié du reste de l’humanité accède progressivement à la classe moyenne.
Paul BIYA et SASSOU NGUESSO ont pris de l’âge leur pouvoir aussi. Aucun homme sur terre, fût-il un génie, ne peut normalement gouverner un pays pendant plus d’un quart de siècle. Ceux qui avancent qu’ils sont seuls aptes à diriger leur pays insultent gravement l’intelligence des millions d’Africains.
C’est aussi un des dangers de la longévité au pouvoir en Afrique centrale : le peuple finit par le confondre naïvement avec celui qui le détient.
Le bilan de ces dirigeants est très négatif. Depuis l’indépendance, en tout cas, jamais les populations d’Afrique centrale n’ont été aussi misérables que durant ces années.
Dans tous les domaines, le pré-carré central connaît le fiasco : importateur de denrées alimentaires de plus de 50 % (plus de 300 milliards de FCFA soient plus de 457 millions d’euros chaque année pour le Congo Brazzaville), important ainsi l’inflation qui s’y rattache avec des incidences considérables sur les faibles salaires des fonctionnaires.
Le carburant est aussi cher et rare que dans les pays qui n’en produisent pas, la physionomie des capitales (Brazzaville, Douala, Libreville…) n’a quasiment pas changé : à la fois capitales et bidonvilles poussiéreux, boueux, miséreux, Pollués visuellement et Sonorement.
La prostitution, la mendicité et la débrouillardise sont les seuls moyens de survie, certains diplômés au bout du rouleau finissent taximen, vendeurs de friperie ou retournent cultiver la terre. Les retraités sont maltraités.
Les pays étouffent et implosent à chaque consultation électorale (dernier cas du Gabon…). Plusieurs jeunes rêvent d’ailleurs. Ces potentats sont politiquement obsolètes, moulés dans le système despotique des années 1960, ils sont en déphasage avec le temps, ce temps qui n’est plus le leur. C’est le cas de Denis SASSOU NGUESSO, claquemuré dans son palais, qu’il ne quitte que pour son village natal d’Oyo ou ses multiples séjours à l’étranger, il est totalement coupé de la réalité du pays. Gagné par l’autisme, la paranoïa et l’aveuglement autocratiques, entouré de courtisans, notre président reste convaincu que sans lui, le pays sombrerait dans le chaos, c’est le narcissisme de l’échec selon le philosophe français Pascal Bruckner.
Le président réduit le peuple aux militants de son parti, les manifestations contre sa réforme de la constitution à des manipulations d’apprentis sorciers qui lorgnent « sa place ».
L’Afrique a besoin d’hommes neufs, visionnaires, capables de conduire sa renaissance politique, culturelle, économique, sociale et scientifique ; et à même de débarrasser le continent du cancer du néocolonialisme.
Le Congo, comme toute l’Afrique centrale, a besoin d’une métamorphose politique. L’Afrique centrale est le symbole de cette Afrique négative. Elle lambine, elle fait du sur place et continue à sombrer dans ses forêts infectées de dinosaures autocrates qui s’accrochent au pouvoir comme des lions à la carcasse de leur proie.
Les populations des six Etats de cette région sont parmi les plus misérables de la planète, les six potentats sont les piliers de la triste Françafrique et soutiennent leur propre recolonisation.
Pourtant, la nuit Africaine s’éclaire de quelques lampadaires. A l’Ouest, des pays comme le BENIN, le GHANA et récemment la GAMBIE dessinent des lueurs d’espoir. Au Sud, aussi, excepté le ZIMBABWE, tous les pays de cette partie du continent réalisent depuis plus d’une quinzaine d’années d’exemplaires transitions vers la liberté. Ces nations symbolisent l’autre Afrique, celle qui démontre qu'« on ne peut pas faire son temps, et celui de ses enfants (neveux) et celui de ses petits-enfants ».
L’Afrique n’est pas maudite, elle n’est pas condamnée, elle n’est ni le Cameroun, ni le Congo, ni le Gabon…à suivre.
Jeff M. ITSOTSO, Agroéconomiste Analyste Politique
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