David, j'ai lu les documents auxquels tu fais allusion. J'ai même publié un article à ce propos. Ce que je reprochais à Modeste Boukadia dont je déplore par ailleurs l'arrestation arbitraire, et c'est ici l'occasion de le dire, c'est une statistique macabre qui n'était prouvée par rien : il brandissait des données électorales produites par Sassou et son régime - quand on sait que TOUS les votants ne sont pas inscrits sur les listes électorales - pas plus que toutes les personnes vivantes puisque les moins de dix-huit ans, peut-être les plus nombreux, en sont exclus. N'oublions pas que le Congo est un pays jeune. Cela s'est encore constaté lors du scrutin du 20 mars 2016. Une personne non inscrite sur une liste électorale n'est pas forcément une personne morte. Donc passer de l'absence sur une liste électorale à la conclusion de la mort du perdième manquant dans le "Pool électoral" et non le Pool physique ou Pool démographique, qui contient aussi une forte communauté tékée entre autres, est un faux raisonnement, un raisonnement trop mécanique, peut-être idéologique à souhait. Le Congo électoral est inférieur au Congo réel. Par conséquent, le Pool électoral est inférieur au Pool physique, au Pool démographique. Je crois qu'en qualité de pédagogue professionnel, je ne peux pas produire meilleure démonstration..
Encore, une fois, je ne nie pas le génocide nommé MOUEBARA et l'intention exterminatrice qui la sous-tend mais je demande des preuves quantitatives. Si Sassou sait que le vote des ressortissants du Pool lui est défavorable, il peut faire en sorte de minorer la population du Pool par simple calcul politicien tout en majorant celle de la partie du pays qui lui est favorable.
Entre deux mensonges, je n'en choisis aucun : Sassou peut stratégiquement réduire les données démographiques du Pool pour des raisons électorales. S'il y avait eu 700000 morts, cela aurait fait un génocide qui ne serait pas passé inaperçu. Oui, il y a eu des morts mais je ne crois pas que les habitants du Pool aient attendu sans bouger que "Mouébara", la mère de Sassou, vienne les massacrer tous sans détaler. Que Parfait Kolélas soit arrivé premier au scrutin présidentiel est à mes yeux une preuve que les ressortissants du Pool sont toujours la première population du Congo - puisque dans notre pays, le vote reste identitaire, quand il s'agit d'un vote de projet dans de vraies démocraties. Ce qui bien entendu, n'enlève rien au projet de Parfait Kolélas.
Modeste Boukadia s'appuie sur un génocide qui a bien eu lieu sur la base de ce que certains appelle "KONGOPHOBIE" que j'ai moi-même expérimentée de 2009 à 2011 dans un procès au Tribunal de Grande Instance de Paris mais il semble en exagérer les données par convenance personnelle. Juste pour la petite anecdote : pour Sassou et les siens, les Bakongo ne se réduisent pas au Pool mais comme tu l'as bien dit à tous les ressortissants des anciens royaumes de Kongo, Loango, Matamba, etc. Il y a une ligne de démarcation physique, culturelle et spirituelle entre le nord et le sud politiques. J'insiste sur le caractère politique de la distinction.
Si le régime dictatorial des crocodiles de l'Alima veut provoquer une extinction des Bakongo du Pool, c'est pour affaiblir l'instinct de résistance démocratique dont le cœur, par l'histoire, se trouve dans cette région - tout en réduisant la population de la région la plus importante démographiquement parlant du Congo.
Mais pourquoi Denis Sassou Nguesso attaque-t-il le Pool et veut décimer ses populations ? Parce qu'il en a peur. Il y a un foyer mystique et politique puissant dans cette région qui a donné au Congo un André Matsoua, un Massamba-Débat ou un pasteur Ntumi de nos jours. Youlou et Massamba-Débat eux-mêmes redoutaient la puissance mystique et politique du Pool.
Je crois qu'il n'ait possible d'établir la portée du génocide Mouébara I que si une vraie enquête officielle voyait le jour. On devrait commencer par pacifier la région et demander à tous ses ressortissants de revenir sur leurs terroirs. Ensuite, on comparerait les résultats du recensement avec ceux connus avant Mouébara I. Voilà une démarche heuristique probante qui statuerait sur des chiffres permettant de mesurer l'hécatombe car 500 ou 700 mille, ça fait beaucoup. Je parle bien d'un recensement démographique et non d'une simple révision de listes électorales.
Boukadia, faute d'avoir reçu son coq (poste promis de premier ministre), voulait un Etat à lui. On ne démembre pas un pays sur une base fallacieuse ou mensongère. Les données doivent être établies. Le génocide du Rwanda a réussi à rassembler des données comptables indiscutables. Si Denis Sassou Nguesso avait atteint ses objectifs lors de Mouébara I, pourquoi poursuit-il cette opération aujourd'hui ? Quoi qu'il en soit, nous ne ferons pas l'économie d'une vraie enquête sur les tristes opérations qui portent le nom d'une femme innocente : MOUEBARA...
Le Tchad bascule vers le fédéralisme. Une expérience que nous allons suivre de près pour voir ce que celava donner comme fruits. Cela pour dire, qu'il existe d'autres modes de gouvernance avant d'en arriver à la scission. Il faut que l'on comprenne ceci : lors des présidences issues de ressortissants du sud, nos compatriotes du nord n'ont pas demandé la scission. Ils ont plutôt tout fait pour reconquérir le pouvoir.
Pour avancer vers le développement, il faut d'abord résoudre la question du mode de gouvernance - ce qui n'est pas encore le cas dans notre pays. La sagesse, la vraie, n'est pas expression de l'émotion mais celle d'une vision qui scrute au plus loin l'avenir en envisageant les conséquences de nos actions présentes. La division appelle la division. A peine sevré du nord-Soudan, le sud-Soudan est en conflit ethnique. Devra-t-on encore le diviser ? Je vous demande, mon cher David, de bien réfléchir à tout ceci.
LION DE MAKANDA, MWAN' MINDZUMB', MBUTA MUNTU